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18/04/2013 | FRANCE | N°11VE02468

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 18 avril 2013, 11VE02468


Vu, enregistrée le 8 juillet 2011, la requête présentée pour la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED, société de droit chypriote, qui vient aux droits et obligations de la société Socoagri, elle-même venue aux droits et obligations de la société Socogefim, dont le siège social est situé 20 rue Kyprianou Chapo Central 3rd Floor 1075 Nicosie à Chypre, par Me Cormery, avocat ; la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0904736 du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la déchar

ge ou à la réduction de la retenue à... ;

2° de prononcer la décharge ou la ...

Vu, enregistrée le 8 juillet 2011, la requête présentée pour la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED, société de droit chypriote, qui vient aux droits et obligations de la société Socoagri, elle-même venue aux droits et obligations de la société Socogefim, dont le siège social est situé 20 rue Kyprianou Chapo Central 3rd Floor 1075 Nicosie à Chypre, par Me Cormery, avocat ; la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0904736 du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction de la retenue à... ;

2° de prononcer la décharge ou la réduction de cette retenue à ...;

3° de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dont le montant sera précisé ultérieurement ;

Elle soutient que :

- les conditions visées au 1 de l'article 119 ter du code général des impôts étaient remplies pour bénéficier de l'exonération de retenue à... ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve que l'interposition de la société de droit luxembourgeois, Socoagri, constitue un montage artificiel ayant pour objet principal de tirer avantage de l'exonération de retenue à... ;

- la clause anti-abus prévue par le 3 de l'article 119 ter du code général des impôts constitue une entrave non justifiée aux principes de liberté d'établissement et de circulation des capitaux posés par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne ;

- en effet, la société mère européenne se trouve dans une situation plus défavorable qu'une société mère française en dehors de toute évasion fiscale avérée ;

- en outre, avec l'application d'une retenue à ...en cas de distribution du dividende, l'objectif de protection contre l'évasion fiscale n'est pas pertinent et ne permet pas à la France d'appliquer une retenue à... ;

- enfin, la présomption de montage artificiel posée au 3 de l'article 119 ter n'est pas conforme au principe de proportionnalité et constitue une entrave à la liberté d'établissement ;

- en l'espèce, il n'est pas démontré que la société de droit luxembourgeois n'a exercé aucune activité économique, ni l'existence d'un montage artificiel ;

- l'administration aurait dû avoir recours à la procédure de l'abus de droit pour établir l'existence d'un montage artificiel ;

- subsidiairement, le taux de la retenue à ...et le Luxembourg, alors même que les obligations déclaratives n'auraient pas été satisfaites ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 43, 48, 56 et 58 ;

Vu la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents ;

Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Grand Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par les avenants des 8 septembre 1970 et 24 novembre 2006 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :

- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED ;

1. Considérant que la SARL Socogefim, qui exerçait une activité de holding au sein d'un groupe de sociétés créé par M. et Mme A...dans le domaine de l'accueil des personnes âgées, a procédé en 2006 à une distribution exceptionnelle de réserves au profit de sa société mère de droit luxembourgeois, la SARL Socoagri ; qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur l'exercice clos en 2006, l'administration, qui a estimé que la distribution en cause était constitutive d'un revenu distribué au bénéfice de la société Socoagri, a soumis la SARL Socogefim, à concurrence de la part correspondant à la participation des époux A...dans la SARL Socoagri, à une retenue à ...; que la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED, qui vient aux droits et obligations de la SARL Socoagri, elle-même venue aux droits et obligations de la SARL Socogefim, relève appel du jugement du 28 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge ou à la réduction de cette retenue à... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...)" ; qu'aux termes de l'article 119 bis du même code, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à.... Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. (...) " ; qu'aux termes de l'article 187 dudit code dans sa rédaction alors applicable : " 1. Le taux de la retenue à ...: - 12 % pour les intérêts des obligations négociables ; toutefois ce taux est fixé à 10 % pour les revenus visés au 1° de l'article 118 et afférents à des valeurs émises à compter du 1er janvier 1965 ainsi que pour les lots et primes de remboursement visés au 2° de l'article 118 et afférents à des valeurs émises à compter du 1er janvier 1986 ; - 25 % pour tous les autres revenus " ; qu'aux termes de l'article 119 ter du même code, dans sa version applicable : " 1. La retenue à ...(... " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un procès-verbal de l'actionnaire unique du 24 novembre 2006, la SARL Socogefim a décidé une distribution exceptionnelle de réserve de 3 077 977 euros au profit de sa société mère la SARL Socoagri, de droit luxembourgeois ; que cette distribution exceptionnelle de réserve constitue, en application des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, un revenu distribué ; que, dès lors que son bénéficiaire a son siège hors de France, cette distribution est soumise à la retenue à ...;

4. Considérant que si la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED a entendu se prévaloir du bénéfice de l'exonération de la retenue à... ;

5. Considérant que si la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED se prévaut également, à titre subsidiaire, des stipulations des articles 8 et 18 de la convention franco-luxembourgeoise retirant à la France le droit d'imposer de telles distributions, l'administration a toutefois entendu dans la proposition de rectification du 21 décembre 2007 lui dénier le bénéfice de cette convention sur le fondement de la fraude à la loi ;

6. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe, qui peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers, s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, le service, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'il établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe mentionné ci-dessus pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et MmeA..., domiciliés en Uruguay, ont apporté en septembre 2004 à la Sarl Socoagri, société de portefeuilles ayant pour objet la détention et la gestion de participations, la totalité des parts qu'ils détenaient dans la SARL Socogefim ; qu'à la suite d'une réorganisation en 2006 du capital de la SARL Socoagri, M. et Mme A...détenaient respectivement 81,98 % et 11,91 % des actions de cette société qui devenait l'unique actionnaire de la SARL Socogefim ; que l'administration fait valoir que M. et Mme A...s'étaient livrés à un montage artificiel en vue de contourner l'application de la retenue à..., dès lors que l'interposition de la SARL Socoagri au Luxembourg, laquelle ne détient que des participations en France, n'était pas justifiée par l'existence d'une activité de gestion de maisons de retraite médicalisées au Luxembourg et que son implantation dans cet Etat n'a obéi, en l'absence de tout exercice d'une réelle activité économique au Luxembourg, qu'à des considérations fiscales ; que si la société requérante soutient que la création de la société holding luxembourgeoise Socoagri avait pour objet de regrouper au sein d'une même société les participations que les épouxA..., leurs enfants et petits-enfants détenaient dans les sociétés Socogefim et Maisons de Famille, elle n'apporte aucun élément justifiant que ce regroupement aurait nécessité la création de cette société au Luxembourg, dont il est constant qu'elle ne disposait d'aucun local, équipement et personnel lui permettant d'exercer une activité économique dans cet Etat ; que si elle affirme avoir recherché par cette création à développer des investissements en Amérique du Sud, notamment en Uruguay, elle n'apporte pas le moindre élément au soutien de cette affirmation ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme démontrant que l'interposition de la SARL Socoagri relève d'un montage purement artificiel n'ayant eu d'autre objet que d'éluder, au moyen de l'utilisation d'un avantage prévu par une disposition de droit public, la retenue à... ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des articles 8 ou 18 de la convention franco-luxembourgeoise faisant obstacle à l'imposition en France des distributions en litige ; que l'administration a pu, dès lors, à bon droit, soumettre à la retenue à... ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'à supposer que la société requérante entende soutenir que les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, en ce qu'elles permettent l'imposition de dividendes distribués à une société mère établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne, alors que la même distribution au profit d'une mère résidente serait exonérée d'impôt sur les sociétés en France par application du régime des sociétés mères et filiales prévu aux articles 145 et 216 du même code, à l'exception de la quote-part pour frais et charges de 5 % prévue à ce dernier article, constitueraient une restriction injustifiée au principe de liberté d'établissement, en violation des articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne, de même qu'au principe de libre circulation des capitaux, il résulte de ce qui précède, qu'eu égard au caractère fictif de l'interposition de la société mère luxembourgeoise, cette dernière ne peut être regardée comme la bénéficiaire effective de la distribution litigieuse ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société OCOTEA HOLDINGS LIMITED est rejetée.

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N° 11VE02468 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : CORMERY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 18/04/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11VE02468
Numéro NOR : CETATEXT000027542628 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-04-18;11ve02468 ?
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