Vu, enregistrée le 27 juillet 2011, la requête présentée pour la
SARL AL' SEV EXPRESS, dont le siège est 49, rue Moinon à Goussainville (95190), par Me Baquian, avocat ; La SARL AL' SEV EXPRESS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0812748 du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des contributions additionnelles à cet impôt et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 ;
2°) de prononcer ladite décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que, sur la régularité de la procédure, l'administration, en estimant tardive sa contestation du 13 mars 2007 de la proposition de rectification du 20 décembre 2006, alors que cette contestation n'était qu'un complément d'une précédente contestation introduite dans le délai qui lui était imparti, l'a privée de la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que les investigations exercées dans le cadre de l'enquête diligentée en application des articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales constituent un début de vérification de comptabilité ; qu'en s'abstenant de consigner, dans le procès-verbal de clôture d'enquête, les anomalies de facturation qu'ils avaient constatées au cours de cette enquête, l'administration a occulté des éléments quant à l'origine et la teneur des renseignements obtenus dans le cadre du droit d'enquête et qui ont été, de fait, exploités au cours de la vérification de comptabilité et ont fondé la proposition de rectification ; que l'administration devait faire application de l'article 1740 ter du code général des impôts ; que la proposition de rectification, qui a donné des informations erronées tant sur l'origine de la procédure, qui a permis d'obtenir les renseignements utilisés, que sur la nature même de ces renseignements, est irrégulière ; que le service, qui a écarté une situation apparente, résultant de l'existence d'une société de fait, devait mettre en oeuvre la procédure de l'abus de droit ; que, sur le bien-fondé des impositions, le rejet de toutes les charges qui ont été enregistrées dans le compte de sous-traitance crée une discrimination non justifiée entre l'entreprise qui ne tient pas de comptabilité et celle qui a satisfait à ses obligations comptables ; que le service n'a pas tenu compte de la réalité économique de la marge sur le chiffre d'affaires réalisé ; que les bénéficiaires des sommes litigieuses, sans lesquels les prestations de transport n'auraient pas pu être réalisées, ont perçu une rémunération en fonction d'un travail effectif qu'ils ont rendu ; que ces rémunérations devaient être déduites du résultat fiscal dans la limite de 70 % du chiffre d'affaires ; que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas justifiées compte-tenu de la réalité économique des services rendus ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
Considérant que la SARL AL' SEV EXPRESS, spécialisée dans le transport routier de fret de proximité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 9 juillet 2002 au 31 décembre 2005, à l'issue de laquelle des rectifications en matière notamment d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt lui ont été proposées le 20 décembre 2006, au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005, avec intérêts de retard et majorations pour manoeuvres frauduleuses ; qu'elle relève appel du jugement du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions supplémentaires et pénalités ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'expression du désaccord du contribuable sur les redressements qui lui sont notifiés doit être formulée par écrit dans le délai précité ; qu'en l'absence d'un désaccord exprimé dans ce délai, l'administration n'est pas tenue de donner suite à une demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires présentée par le contribuable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 20 décembre 2006 a été notifiée à la SARL AL' SEV EXPRESS le 26 décembre 2006 ; qu'il est constant que, par un courrier du 15 janvier 2007, la société requérante s'est bornée à désigner Mme Susanne et M. Von Doellinger, son gérant, comme bénéficiaires des revenus réputés distribués résultant des rehaussements de ses bénéfices sans émettre aucune observation sur ces rehaussements ; qu'elle n'a manifesté son désaccord que par un courrier du 13 mars 2007, soit après l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti ; que, par suite, faute d'avoir présenté des observations dans le délai réglementaire, la SARL AL' SEV EXPRES, qui ne peut sérieusement soutenir que son courrier tardif du 13 mars 2007 complèterait son courrier du 15 janvier 2007, n'est pas fondée à soutenir que le service l'aurait privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens déjà soulevés en première instance et repris en appel, tirés de ce que les investigations qui ont été menées par le service dans le cadre du droit d'enquête prévu aux articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales constitueraient un début de vérification de comptabilité et de ce que le service devait faire application des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;
Considérant que la proposition de rectification du 20 décembre 2006 précise que le service s'est fondé, pour redresser les bases d'imposition de la SARL AL' SEV EXPRESS, sur les renseignements obtenus dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'entreprise Transports Le Flohic (TLF) le 23 octobre 2006 ; que si la société requérante soutient qu'il se serait en réalité fondé sur des anomalies de facturations découvertes à l'occasion de l'enquête mise en oeuvre en application des articles L. 80 F à L. 80 H du livre des procédures fiscales, qui n'auraient, volontairement, pas été consignées par les agents enquêteurs dans le procès-verbal de clôture de cette enquête et que l'administration aurait ainsi méconnu ses obligations d'information faute d'avoir indiqué la véritable origine des renseignements obtenus, outre qu'elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations, son gérant a signé le procès-verbal de clôture d'enquête sans émettre la moindre observation sur l'absence de consignation d'anomalies constatées ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le vérificateur lui aurait donné des renseignements erronés et aurait ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait écarté l'intervention d'une société de fait, dont l'existence n'est au demeurant pas établie, avant de procéder aux rectifications en litige ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant que la SARL AL' SEV EXPRESS conteste la réintégration dans son bénéfice imposable des sommes de 26 635 euros au titre de l'exercice clos en 2003, de 48 844 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et de 120 000 euros au titre de l'exercice clos en 2005, après que l'administration eut remis en cause la déduction en charges de factures de la société TLF relatives à des prestations de transport ;
Considérant que la société requérante ne peut utilement soutenir que c'est à tort et de manière discriminatoire que le service n'aurait pas tenu compte de la réalité économique de la marge sur le chiffre d'affaires réalisé, dès lors que sa comptabilité n'a pas été rejetée et que son résultat n'a pas été reconstitué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant la dévolution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
Considérant qu'alors que l'administration fait valoir que l'entreprise TLF n'a été immatriculée qu'en février 2006, que son gérant a confirmé qu'elle n'avait facturé aucune prestation pour le compte de la société requérante, qu'aucun contrat de sous-traitance n'a été conclu entre ces deux sociétés, qu'aucun règlement n'a été effectué en faveur de la société TLF et que les factures produites n'étaient pas régulières, la SARL AL' SEV EXPRESS, qui se borne à soutenir que les prestations de transport sont bien réelles, que leur déduction doit être reconnue, à tout le moins dans la limite de 70 % du chiffre d'affaires, alors même que le prestataire n'a pas été déclaré et que leur rejet conduirait à un taux de marge brute irréalisable, n'a produit aucun élément permettant de justifier de la réalité des prestations facturées ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré les sommes en litige dans son bénéfice imposable ;
Sur les pénalités pour manoeuvres frauduleuses :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...). " ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL AL' SEV EXPRESS ne peut se prévaloir du caractère déductible des charges en litige ; que l'administration justifie l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses en faisant valoir que la SARL AL' SEV EXPRESS a eu recours, sur l'ensemble de la période vérifiée, à des factures fictives de sous-traitance de nature à minorer les bénéfices déclarés ; qu'alors que ce procédé doit être assimilé à l'usage d'artifices destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration, celle-ci doit être regardée comme apportant la preuve que la SARL AL' SEV EXPRESS s'est rendue coupable de manoeuvres frauduleuses, justifiant l'application des pénalités de 80 % prévues par les dispositions susmentionnées du b de l'article 1729 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL AL' SEV EXPRESS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL AL' SEV EXPRESS est rejetée.
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N° 11VE02774 2