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07/02/2013 | FRANCE | N°11VE04169

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 07 février 2013, 11VE04169


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA KEOLIS MONTARGIS, dont le siège social est 16 rue de la Baraudière à Villemandeur (45700), par Me Tournès et Me Reyes ; la SA KEOLIS MONTARGIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001726 du 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2008 et des intérêts de

retard et pénalités au titre des années 2004 à 2006 ;

2°) de prononcer ...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA KEOLIS MONTARGIS, dont le siège social est 16 rue de la Baraudière à Villemandeur (45700), par Me Tournès et Me Reyes ; la SA KEOLIS MONTARGIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001726 du 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2008 et des intérêts de retard et pénalités au titre des années 2004 à 2006 ;

2°) de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2008 et la décharge des intérêts de retard et pénalités au titre des années 2004 à 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat des frais sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour un montant qui sera fixé ultérieurement ;

Elle soutient que la taxe sur les salaires viole les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole à cette convention, dès lors qu'elle instaure une rupture d'égalité non fondée sur des critères objectifs et rationnels ; que la taxe crée une différence de traitement injustifiée entre les entreprises redevables de la taxe sur la valeur ajoutée sur plus de 90 p. 100 de leur chiffre d'affaires, et celles qui ne le sont pas ; que la finalité de la taxe a été modifiée en raison de l'affectation de son produit au financement des accords relatifs à la réduction du temps de travail ; qu'elle a subi, en raison de son lieu de résidence, une discrimination ; que le ratio d'assujettissement à la taxe ne doit pas prendre en compte les subventions ; que les subventions qu'elle a perçues n'ont eu aucune incidence sur ses droits à déduction en matière de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elles étaient placées hors du champ d'application de la taxe, n'ont pas affecté le calcul du prorata de déduction, et qu'aucune dépense ne pouvait leur être affectée ; que le maintien de l'imposition porte atteinte au fait générateur de la taxe, lequel se situe à l'expiration du mois au cours duquel les salaires ont été versés, dès lors qu'elle était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité de son chiffre d'affaires au titre de la période litigieuse ; qu'elle ne pouvait être assujettie à la taxe en application de la doctrine administrative, opposable sur le fondement des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'en application des principes de confiance légitime et de sécurité juridique issus du droit de l'Union européenne, elle ne pouvait être redevable de la taxe sur les salaires ; qu'elle ne pouvait savoir qu'elle était redevable de la taxe sur les salaires avant que l'administration n'ait formellement admis sa réclamation tendant à obtenir la restitution de taxe sur la valeur ajoutée, soit le 3 août 2007 ; qu'elle n'était pas tenue de déposer des déclarations de taxe sur les salaires avant cette date ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 2010-28 QPC du 17 septembre 2010 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 231 du code général des impôts conforme à la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, devenu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la sixième directive 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :

- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA KEOLIS MONTARGIS exploite le réseau de transport public urbain de l'agglomération de Montargis dans le cadre d'une convention de délégation de service public conclue avec des personnes publiques ; qu'elle a soumis, jusqu'en 2005, les subventions compensant la redevance d'usage mise à sa charge et les subventions d'équilibre dont elle était bénéficiaire à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que cette taxe n'était déductible que sous condition financière d'intégration dans les prix des opérations en aval des dotations aux amortissements des biens d'équipements subventionnées, conformément à la règle édictée dans l'instruction 3-CA-94 du 8 septembre 1994 publiée au bulletin officiel des impôts n° 181 du 22 septembre 1994 ; que par un arrêt du 6 octobre 2005, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que cette règle dite de " la condition financière " limitait le droit à déduction de certains assujettis et était incompatible avec les règles de la sixième directive ; qu'en se fondant sur cet arrêt, la SA KEOLIS MONTARGIS a formé une réclamation contentieuse et demandé la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à tort au titre des subventions pour les années 2004 et 2005 ; que l'administration a admis partiellement cette réclamation le 3 août 2007, et a estimé que la société devenait dès lors passible de la taxe sur les salaires en raison d'un rapport d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée inférieur à 90 p. 100 de son chiffre d'affaires de ces mêmes années ; que la société a, le 17 décembre 2007, spontanément souscrit ses déclarations de taxe sur les salaires dues au titre des années 2005 et 2006 puis le 30 janvier 2008 au titre de l'année 2007 et le 30 janvier 2009 au titre de l'année 2008 ; que l'administration a soumis les montants imposables au titre des années 2004 à 2006 aux intérêts de retard et à la pénalité de 10 p. 100 pour déclaration tardive, respectivement par avis de mise en recouvrement des 18 janvier 2008 et 29 février 2008 ; que, par une réclamation contentieuse du 27 juillet 2009, la société a demandé la restitution de la taxe sur les salaires versée au titre des années 2004 à 2008 ainsi que des pénalités et intérêts de retard y afférents pour les années 2004 à 2006 ; que l'administration a rejeté cette réclamation le 14 janvier 2010 ; que la requérante relève appel du jugement n° 1001726 du 20 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2008 et des intérêts de retard et pénalités au titre des années 2004 à 2006 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 p. 100 de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou pour les employeurs de salariés visés aux articles L. 722-20 et L. 751-1 du code rural, au titre IV du livre VII dudit code, et à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales, de leurs régies personnalisées mentionnées à l'article L. 1412-2 du code général des collectivités territoriales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux, des caisses des écoles et des établissements d'enseignement supérieur visés au livre VII du code de l'éducation qui organisent des formations conduisant à la délivrance au nom de l'Etat d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat, qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 p. 100 au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) " ; que les règles du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires sont autonomes par rapport au calcul du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée depuis l'intervention de l'article 18 de la loi de finances rectificative n° 93-1353 du 30 décembre 1993, qui a modifié l'article 231 du code général des impôts, à caractère interprétatif, lequel inclut tant au numérateur qu'au dénominateur les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;

3. Considérant, en premier lieu, que le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 de son montant s'entend du total des " recettes et autres produits ", y compris de ceux qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, les subventions en litige sont des produits au sens comptable et au sens de la loi fiscale, et n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe ; que, pour déterminer si la société KEOLIS MONTARGIS était redevable de la taxe sur les salaires, elles devaient dès lors être prises en compte dans le calcul du chiffre d'affaires ; que la requérante ne peut utilement soutenir que, pour le calcul du dénominateur du rapport d'assujettissement de la taxe sur les salaires, le terme " d'opérations " devait être entendu au sens strict que lui donnent les articles 1 et 2 de la directive TVA 2006/112/CE du 28 novembre 2006, soit les livraisons de biens et de services effectuées à titre onéreux et assorties de contreparties, excluant les subventions, dès lors que cette directive n'est pas applicable à la taxe sur les salaires ; que, d'autre part, la société ne peut davantage se prévaloir de la circonstance inopérante selon laquelle les subventions situées hors du champ d'application ne seraient pas prises en compte pour le calcul du numérateur du prorata de taxe sur la valeur ajoutée ou du coefficient de déduction applicable depuis le 1er janvier 2008, ces calculs en matière de taxe sur la valeur ajoutée étant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, autonomes au regard du rapport d'assujettissement applicable à la taxe sur les salaires ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les subventions en litige devraient être retranchées du chiffre d'affaires de la société KEOLIS MONTARGIS pour déterminer si elle pouvait être assujettie à la taxe sur les salaires en application de l'article 231 du code général des impôts précité ou pour calculer le ratio prévu par les dispositions législatives ci-dessus rappelées, tant au dénominateur qu'au numérateur, doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " et qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de conditions objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

5. Considérant, d'une part, que la requérante soutient que la taxe sur les salaires viole les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole à cette convention, dès lors qu'elle assujettit les entreprises selon leur situation au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que seuls les salaires versés seraient adaptés à leurs capacités contributives, et instaurerait ainsi une rupture d'égalité non fondée sur des critères objectifs et rationnels ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 17 septembre 2010, les critères d'assujettissement à la taxe sur les salaires correspondent à une différence de situation entre des contribuables qui, même s'ils présentent une masse salariale identique, relèvent cependant de secteurs d'activités différents ; que, par suite, en soumettant à la taxe sur les salaires les contribuables qui ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou le sont pour moins de 90 p. 100 de leur chiffre d'affaires, l'article 231 du code général des impôts poursuit un objectif d'utilité publique et se fonde sur un critère rationnel en rapport avec les objectifs du prélèvement qu'il institue ; que, d'autre part, la SA KEOLIS MONTARGIS soutient que l'article 6 de la loi du 30 décembre 2005 a modifié l'objectif de la taxe en affectant le produit de cette dernière au financement de la solidarité nationale et notamment aux accords relatifs à la réduction du temps de travail, et a créé ainsi une discrimination entre les entreprises assujetties à la taxe sur les salaires et les autres ; que, toutefois, si le produit budgétaire de la taxe est devenu, à la suite de l'entrée en vigueur de cette loi, affecté à des opérations de solidarité nationale, cette circonstance n'a eu aucune incidence sur l'objectif fiscal et économique de la taxe, demeuré inchangé ; qu'enfin, si la requérante soutient que les dispositions législatives en litige auraient créé une discrimination prohibée entre les contribuables établis en France et ceux qui seraient établis dans d'autres Etats tels que Monaco, les stipulations combinées qu'elle invoque ne peuvent être utilement soulevées pour sanctionner des discriminations constatées entre des contribuables qui résident dans des Etats différents ; que, pour l'ensemble de ces motifs, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 231 du code général des impôts introduiraient une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'exercice du droit au respect des biens prévu par l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les impositions en litige ne méconnaissent pas le fait générateur de la taxe dès lors qu'il résulte de l'instruction que la société était imposable à la taxe sur les salaires à la date de ce fait générateur, et que l'administration lui avait d'ailleurs indiqué dès le 3 août 2007 qu'elle considérait qu'elle n'était plus redevable de la taxe sur la valeur ajoutée depuis l'année 2004 et serait assujettie à la taxe sur les salaires à partir de cette période ;

7. Considérant, enfin, que si la requérante fait valoir qu'elle ferait l'objet d'une discrimination contraire aux dispositions des articles 49 et 93 du traité instituant la Communauté européenne, devenus respectivement les articles 49 à 52 et les articles 78 à 80 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, elle n'apporte à l'appui de ce moyen aucune justification ni précision permettant d'en apprécier la portée ni le bien-fondé ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ;

9. Considérant, en premier lieu, que la SA KEOLIS MONTARGIS soutient que l'imposition dont elle a fait l'objet ne résultait pas d'une imposition antérieure mais d'une imposition primitive ; que, toutefois, si elle pouvait invoquer le bénéfice du deuxième alinéa des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ces dernières n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre au contribuable, qui a fait une exacte application de la loi fiscale, de demander la restitution de l'impôt acquitté au motif que l'interprétation admise par l'administration à l'époque des opérations en cause aurait pu lui permettre de réduire le montant dû au titre de cet impôt ; qu'en outre, la requérante n'a fait l'objet d'aucune mise en demeure de souscrire sa déclaration au titre des années 2007 et 2008 ; qu'ainsi, dès lors que la SA KEOLIS MONTARGIS a calculé, conformément aux règles fiscales applicables à la date des faits de l'espèce, le montant de la taxe sur les salaires dont elle était redevable au titre de l'année en litige, elle ne saurait demander la restitution de cette taxe en se fondant sur l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que la SA KEOLIS MONTARGIS, qui fonde sa demande sur le 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, invoque le principe général de sécurité juridique applicable tant en droit communautaire et sur le terrain de la doctrine qu'en droit interne ; qu'en tout état de cause, elle ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de sa demande, d'un principe général du droit qui n'est pas constitutif d'une interprétation que l'administration aurait fait connaître par une instruction publiée ;

11. Considérant, enfin, que la doctrine dont se prévaut la requérante, jusqu'à ce qu'elle soit rapportée, ainsi que les textes sur lesquels elle reposait, étaient applicables sans limitation de durée ; que la SA KEOLIS MONTARGIS ne peut dès lors soutenir qu'ils auraient fait naître une espérance légitime au cours des années en litige ; que son moyen tiré de ce que les impositions porteraient atteinte au principe de confiance légitime doit par suite être écarté ;

Sur les pénalités :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2005 : " 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction applicable à la période en litige à partir du 1er janvier 2006 : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 p. 100 en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai " et qu'aux termes du 3 de l'article 369 de l'annexe III au code général des impôts : " 3. Une déclaration annuelle permettant la liquidation et la régularisation de la taxe sur les salaires, dont le modèle est fixé par l'administration, est déposée, datée et signée par l'employeur, au lieu fixé au 1 au plus tard le 15 janvier de l'année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est due. / Cette déclaration indique, notamment, la désignation, la profession et l'adresse de l'employeur, le montant des rémunérations versées au cours de l'année concernée, le montant de la taxe correspondante, le montant des sommes restant dues ou devant être restituées après déduction, le cas échéant, des sommes déjà versées mensuellement ou trimestriellement au titre de la même année. / Elle est accompagnée, le cas échéant, de l'impôt ou du complément d'impôt exigible au titre de cette même année. " ;

13. Considérant que la requérante soutient qu'elle n'était pas redevable de la pénalité de 10 p. 100 pour les années 2004 à 2006, et qu'elle ne pouvait se conformer aux prescriptions réglementaires du 3. de l'article 369 de l'annexe III au code général des impôts précitées, selon lesquelles la déclaration doit être déposée au plus tard le 15 janvier qui suit celui de l'année suivant celle au titre de laquelle la taxe est due ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'en décembre 2005, la requérante avait connaissance de l'arrêt de la Cour de justice des communautés européennes susvisé, et de ce qu'elle avait versé à tort de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux subventions et a, pour ce motif, formé une réclamation tendant à la restitution de la taxe qu'elle estimait avoir versée à tort ; qu'en application de l'article 231 du code général de impôts elle devenait, dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée cessait d'être due, assujettie à la taxe sur les salaires en application de la loi fiscale ; qu'elle ne soutient ni même n'allègue avoir été dans l'impossibilité matérielle de déposer sa déclaration au plus tard le 15 janvier 2006 ou le 15 janvier 2007 pour les années en litige, mais se borne à affirmer qu'elle n'avait pas la certitude d'être assujettie à la taxe sur les salaires jusqu'au 3 août 2007, date à laquelle l'administration fiscale a admis sa réclamation préalable et a décidé de lui restituer la taxe sur la valeur ajoutée versée à tort ; qu'en tout état de cause, malgré le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a fait l'objet dès le 3 août 2007, elle n'a déposé ses déclarations de taxe sur les salaires au titre des années 2004 à 2006 que le 17 décembre 2007 ; que la circonstance qu'elle aurait été de bonne foi est sans incidence sur le bien-fondé des pénalités en litige ; qu'il suit de là qu'à la date à laquelle les pénalités ont été infligées, la SA KEOLIS MONTARGIS avait souscrit ses déclarations de taxe sur les salaires au titre des années 2004 à 2006 au-delà du délai prescrit par les dispositions ci-dessus rappelées, et était passible de la pénalité de 10 p. 100 prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts ; qu'elle devait dès lors acquitter également des intérêts de retard dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA KEOLIS MONTARGIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SA KEOLIS MONTARGIS, au demeurant non chiffrée, et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA KEOLIS MONTARGIS est rejetée.

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N°11VE04169 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE04169
Date de la décision : 07/02/2013
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-05-01 Contributions et taxes. Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés. Versement forfaitaire de 5 p. 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: Melle Sandrine RUDEAUX
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-02-07;11ve04169 ?
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