Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le CREDIT MUTUEL ARKEA, dont le siège est au 1 rue Louis Lichou au Relecq Kerhuon (29480), par Me Anjuere ; Le CREDIT MUTUEL ARKEA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800938 du 23 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant au remboursement des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le CREDIT MUTUEL ARKEA soutient que c'est à tort que les premiers juges ont procédé à la requalification de l'opération alors que les parties n'avaient pas exprimé de désaccord sur ce point, le litige portant uniquement sur le fait générateur de la perception d'un complément de loyer ; que le supplément de loyer, s'agissant de la rémunération d'une prestation continue, ne peut être imposé que sur la durée du bail ; que l'absence de facturation d'intérêts ne constitue pas un acte illégal ; que d'ailleurs l'article 238 bis du code général des impôts organise les modalités de déduction des dons des entreprises ; que les articles 216 A du code général des impôts et 46 quater O-ZG de l'annexe III au code général des impôts restreignent également le champ de l'acte anormal de gestion ; que l'administration et les premiers juges ont renversé la charge de la preuve ; que cet non-facturation ne lui a entraîné aucun appauvrissement par l'effet de la transparence fiscale de la société en non collectif ; que le redressement aboutit à une double imposition ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :
- le rapport de M. Delage, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;
1. Considérant que la société anonyme (SA) Murs II, membre du groupe fiscal constitué par la Caisse Interfédérale de Crédit Mutuel, devenue en 2009 le CREDIT MUTUEL ARKEA, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 à l'issue de laquelle le service a proposé des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés ; que sa réclamation n'ayant été que partiellement acceptée, la Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que le CREDIT MUTUEL ARKEA relève appel du jugement du 23 mars 2011 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le supplément de loyer :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. " ;
3. Considérant que la SA Murs II, membre du groupe d'intégration fiscale Caisse Interfédérale de Crédit Mutuel, a consenti, au profit de la société Media Saturn France, un bail commercial par acte sous seing privé en date du 7 avril 1999 aux termes duquel " le bailleur s'engage à modifier les constructions actuelles données à bail " pour " répondre aux besoins de l'exploitation " du preneur ; que, le 12 novembre 2001, la SA Murs II et la société Media Saturn France ont conclu un avenant au contrat de bail aux termes duquel " le preneur s'engage à verser au bailleur la somme de 4 200 000 F. hors taxes, correspondant au coût des travaux réalisés par le bailleur et exposés dans l'intérêt du preneur contre remise par le bailleur au preneur du récépissé de dépôt de déclaration d'ouverture de chantier " et précisant que ladite somme " restera acquise au bailleur dans l'hypothèse où le preneur entendrait résilier le protocole du 7 avril 1999 " ; que la société requérante, ayant considéré la somme litigieuse comme un supplément de loyer, l'a étalée sur la durée du bail à compter de l'entrée dans les lieux du preneur, soit le 15 avril 2002 ; que le service a estimé pour sa part que la somme de 4 200 000 francs (640 285,87 euros), perçue par la SA Murs II au titre de la participation forfaitaire de la société Media Saturn France aux travaux effectués pour son compte, constituait la rémunération d'une prestation spécifique et qu'en cette qualité elle devait être rattachée à l'exercice au cours duquel est intervenu l'achèvement de cette prestation ;
4. Considérant que le versement du surloyer, dont il est constant qu'il représente une participation du preneur, à 37,3 % du coût des travaux hors études, à la charge du bailleur, a été convenu par avenant au bail du 7 avril 1999 ; que le ministre, à qui incombe la charge de la preuve, ne fait état d'aucun élément, permettant d'établir que le loyer initial aurait été calculé en tenant compte de l'accroissement de valeur locative résultant de ces travaux alors que le coût de ces derniers, réalisés postérieurement à la conclusion du bail, ne pouvait être exactement connu à cette date ; que s'il invoque les stipulations de l'avenant prévoyant que le preneur récupère en partie sa participation si l'opération projetée ne lui permet pas de s'implanter au-delà du 1er octobre 2002 ou en cas d'annulation de l'autorisation d'urbanisme commercial, ces stipulations ne suffisent ni à transformer en contrat de promotion immobilière " complexe " le contrat de bail dont elles ont été extraites et dont elles constituent une composante habituelle, s'agissant de locaux commerciaux de cette importance, ni à établir que les sommes versées auraient pour contrepartie, non pas la mise à disposition des biens telle que prévue par le contrat, incluant l'apport de valeur résultant des travaux, mais la rémunération d'un risque ou d'un aléa pris par le bailleur lors du démarrage de l'opération et lié à la délivrance de l'autorisation d'urbanisme commercial ; que, dans ces conditions, l'administration n'a pas apporté la preuve qui lui incombe que les sommes versées par le preneur ne rémunèreraient pas une prestation continue accessoire à la location ; qu'il suit de là que le CREDIT MUTUEL ARKEA est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions résultant de la rectification à laquelle l'administration fiscale à procédé ;
En ce qui concerne l'avance en compte courant non rémunérée :
5. Considérant que le fait pour une société commerciale de consentir des avances sans intérêts à un tiers constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale ; que cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale de la société, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Murs II, associée à 50 % de la société en nom collectif (SNC) Les Herbeuses, a consenti à cette dernière au cours des exercices clos en 2002 et 2003 des avances en compte courant sans lui facturer d'intérêts ; que la requérante ne justifie d'aucun intérêt financier ou commercial qu'elle aurait eu à procurer cet avantage ; qu'elle ne peut utilement faire valoir que la facturation sans intérêt n'est entachée d'aucune illégalité ou invoquer les dispositions des articles 216 A et 238 bis du code général des impôts et de l'article 46 quater O-ZG de l'annexe III au même code dont il n'est pas fait application en l'espèce ; que, par suite, le Tribunal a pu à bon droit, sans renverser la charge de la preuve, considérer que la SA Murs II ne pouvait être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt et que l'administration devait être regardée comme établissant que la renonciation à percevoir les intérêts en litige procédait d'un acte anormal de gestion ;
7. Considérant, toutefois, que l'avantage résultant de la renonciation aux intérêts par une société mère à sa filiale, relevant de l'article 8 du code général des impôts n'a, à hauteur du pourcentage de capital détenu par la mère, aucun effet fiscal dès lors que l'absence de perception de ces intérêts accroît le résultat de la filiale, lequel est imposable chez la mère selon les règles applicables aux bénéfices réalisés par celle-ci en vertu des dispositions de l'article 238 bis K du code général des impôts aux termes desquelles " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater ou 239 quater C sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits..." ; que dès lors, l'avantage consenti à la SNC Les Herbeuses par la SA Murs II n'est imposable que dans la mesure où il profite également à l'autre associé à 50 % de la SNC Herbeuses ; que la requérante est donc fondée à soutenir que le redressement contesté ne doit être maintenu qu'à hauteur de 50% ; qu'ainsi la société doit être déchargée, dans cette mesure, des impositions en litige ;
8. Considérant, en revanche, que la circonstance, à la supposer établie, que l'autre associé de la SNC aurait également renoncé à des intérêts est sans incidence sur le présent litige qui ne porte pas sur l'éventuelle réintégration desdits intérêts ; qu'en particulier cette renonciation à intérêts effectuée par un autre contribuable ne retire pas aux faits en litige leur qualification d'acte anormal de gestion ;
9. Considérant, enfin, que le requérant invoque la double imposition résultant de l'absence de déduction des intérêts par la filiale et de l'imposition des intérêts non perçus dans la base imposable de la SA Murs II ; que, cependant, dès lors qu'elle n'est associée de la SNC Les Herbeuses qu'à hauteur de 50 %, la SA Murs II ne subit une double imposition à raison des redressements litigieux qu'à hauteur de ce taux de détention ; que le CREDIT MUTUEL ARKEA ne peut donc par ce moyen obtenir une réduction d'imposition que du même montant que celui obtenu par le moyen accueilli ci-dessus par la Cour ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CREDIT MUTUEL ARKEA est partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CREDIT MUTUEL ARKEA et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le CREDIT MUTUEL ARKEA, venant aux droits de la SA Murs II, est déchargé, à concurrence d'une réduction de 50 % en base, des droits et pénalités d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés résultant au titre des exercices 2001 à 2003 des rectifications relatives aux intérêts non facturées à la SNC Les Herbeuses par la SA Murs II.
Article 2 : Le CREDIT MUTUEL ARKEA, venant aux droits de la SA Murs II, est déchargé des droits et pénalités d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés résultant de la rectification relative au supplément de loyer versé par la société Media Saturn France.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 23 mars 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera au CREDIT MUTUEL ARKEA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête du CREDIT MUTUEL ARKEA est rejeté.
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N° 11VE01859