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28/12/2012 | FRANCE | N°11VE00148

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 28 décembre 2012, 11VE00148


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 janvier 2011, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Godart, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, le jugement n° 094155 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 11 280 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises lors de son admission au service des

urgences de l'hôpital Beaujon le 19 septembre 2002 ;

2°) de conda...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 janvier 2011, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Godart, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires, le jugement n° 094155 du 9 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 11 280 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises lors de son admission au service des urgences de l'hôpital Beaujon le 19 septembre 2002 ;

2°) de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 55 680,33 euros pour réparer l'ensemble de ses préjudices et à régler l'ensemble des frais engagés au titre des opérations d'expertise réalisées ;

3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- lors de son admission aux urgences il n'a pas bénéficié d'une thrombolyse alors que son état nécessitait qu'elle fût pratiquée dans les premières heures de l'infarctus ; si ce traitement avait été plus précoce, il n'aurait pas subi des séquelles cardiaques aussi importantes ;

- l'expert désigné par le juge de référés du tribunal administratif a conclu à un manquement à l'obligation de moyen ;

- le tribunal administratif a retenu que le diagnostic d'infarctus du myocarde avait été posé avec retard et que la coronarographie aurait dû être réalisée plus précocement afin qu'il soit procédé à une dilatation coronarienne et un traitement spécifique plus rapidement ; ces retards ont constitué une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service ;

- son activité professionnelle n'était pas sédentaire ; son travail impliquait des déplacements répétés et une position debout prolongée ; il a connu une perte d'aptitude à exercer son activité professionnelle ;

- il n'est pas certain que la récidive survenue en mars 2003 ne serait pas une conséquence de l'infarctus initial ;

- son état de santé ne lui a pas permis de fournir les efforts professionnels nécessaires pour accéder à l'échelon supérieur ; cette promotion aurait représenté une augmentation de salaire de 1 407,20 euros par an ; le préjudice financier, sur 20 ans, avec le pourcentage de perte de chance retenu par le tribunal, s'élève à 16 886,40 euros ;

- placé en congé de longue maladie du 19 septembre 2002 au 20 août 2004, il a perdu le bénéfice d'éléments variables de solde, pour un montant de 6 536,33 euros ; avec le pourcentage de perte de chance de 60 %, son préjudice à ce titre s'élève à 3 921,80 euros ;

- il est en droit de prétendre à la somme de 1 800 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 2/7 ;

- pour fixer son taux d'incapacité permanente partielle à 15 %, le Tribunal administratif s'est basé sur le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 portant modification du décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris pour application de l'article L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, alors même que cet article L. 28 vise expressément les invalidités résultant de l'exercice de leurs fonctions par les fonctionnaires civils, inapplicable en l'espèce ;

- que le premier expert avait conclu à un taux de 35 % de déficit fonctionnel permanent ; que le taux retenu doit donc être de 35 % ou, à tout le moins, ne pas être inférieur à 25 % ; que ce préjudice doit ainsi être évalué entre 16 800 et 36 000 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2003-314 du 4 avril 2003 relatif à la gravité des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique du 20 décembre 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de Me Chaulet, avocat, pour la Caisse de prévoyance de retraite du personnel de la SNCF ;

Considérant que M.B..., âgé de cinquante-trois ans, a été admis, en raison de douleurs thoraciques le 19 septembre 2002 à 1h du matin, au service des urgences de l'hôpital Beaujon, qui dépend de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) ; que si des examens notamment sanguins, et des électrocardiogrammes ont été réalisés durant la nuit, il n'a reçu un traitement spécifique pour l'infarctus du myocarde dont il était victime qu'en fin de matinée et il n'a été transféré au service de cardiologie de l'hôpital Bichat que vers 18 heures pour y subir une première coronarographie ; qu'après avoir été hospitalisé à nouveau à l'hôpital Beaujon jusqu'au 4 octobre 2002 puis placé en congé de longue maladie, M. B...a été ensuite admis à l'hôpital Ambroise Paré du 23 mars au 26 mars 2003 en raison de douleurs thoraciques persistantes et a alors subi une seconde coronarographie avec désobstruction de l'artère circonflexe et mise en place d'un stent ; qu'en raison des séquelles cardiologiques dont il reste atteint, caractérisées par une nécrose partielle latérale rendant impossible la reprise de son activité professionnelle, M. B...a été placé en congé de maladie longue durée puis a fait valoir ses droits à la retraite le 21 août 2004 ;

Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a retenu la responsabilité de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris en raison de la faute commise dans l'organisation du service du fait du retard des services de l'hôpital Beaujon pour poser le diagnostic de l'infarctus du myocarde, retardant ainsi la réalisation d'une dilatation coronarienne et l'application d'un traitement spécifique et a évalué les préjudices subis à 11 280 euros ; qu'en appel M. B...fait valoir que le tribunal administratif s'est livré à une appréciation insuffisante des conséquences dommageables de cette faute ; que par la voie de l'appel incident, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, demande à ce que le taux de perte de chance d'amélioration de l'état de santé de M.B..., fixé par les premiers juges à 60 %, soit ramené à 30 % ; qu'enfin la Caisse de prévoyance de retraite du personnel de la SNCF demande la condamnation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 1 427,69 euros au titre des frais d'hospitalisation et médicaux et la somme de 60 794,50 euros au titre des salaires et charges patronales ;

Sur le taux de perte de chance :

Considérant que lorsque la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être réparé n'est pas le dommage constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'établissement public hospitalier doit être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Considérant que le tribunal a reconnu que les fautes commises par l'Assistance publique-hôpitaux de Paris avait fait perdre à M. B...une chance d'amélioration de son état de santé qui devait être évaluée à 60 % ; que pour contester ce taux, l'AP-HP fait valoir que l'hôpital Beaujon, ne disposant pas d'un service pouvant réaliser une coronarographie en urgence, ne pouvait que réaliser une thrombolyse pour traiter en urgence M. B...et que, compte tenu de l'heure à laquelle des résultats suffisamment caractéristiques d'un infarctus du myocarde ont été disponibles, il restait moins d'une heure à l'hôpital pour réaliser des examens complémentaires et une thrombolyse qui doit être effectuée, pour être efficace, dans un délai de trois heures à compter de l'apparition des douleurs ; que toutefois, en tout état de cause, le patient aurait dû, dans ces circonstances, être transféré d'urgence dans une structure hospitalière pour y subir la coronarographie qui aurait permis d'entreprendre le traitement de nature à prévenir la nécrose dont il est désormais atteint et qui est survenue dans la journée du 19 septembre 2002 ; qu'ainsi cette argumentation ne remet pas en cause le taux de perte de chance retenu par les premiers juges ;

Sur la réparation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Considérant d'une part qu'il ressort de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile de France, en date du 9 octobre 2007, que le requérant était apte à exercer l'activité professionnelle qu'il exerçait avant, en raison du caractère " sédentaire ", par opposition à celui de " personnel roulant " pour les agents de la SNCF, de son emploi ; que d'autre part l'interruption de sa carrière professionnelle trouve également son origine dans la récidive cardiaque survenue le 23 mars 2003, au terme de laquelle il a été placé en congé de maladie de longue durée, et qui, selon l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 17 février 2004, n'est " sans doute pas une conséquence de l'infarctus initial " ; que par suite M. B... n'établit pas un lien direct et certain entre les préjudices professionnels invoqués et les fautes commises par l'hôpital ; que par suite il n'est pas fondé à demander la réparation du préjudice tiré de la diminution de ses revenus professionnels ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif n'a pas procédé à une appréciation insuffisante du préjudice tiré des douleurs physiques que M. B...a endurées en fixant l'indemnité destinée à les réparer à une somme de 1 080 euros après réfaction d'un taux de perte de chance de 60 % ;

Considérant que le cardiologue agréé par la Commission nationale des accidents médicaux qui a examiné M. B...le 9 octobre 2007 a constaté que celui-ci présentait des bruits de coeur normaux, un pouls périphérique diminué, une tension artérielle à 12/8, une absence d'insuffisance cardiaque et une fraction d'éjection du ventricule gauche à 55 % ; que l'état de santé du requérant a été consolidé le 9 décembre 2002 ; que si les premiers juges, compte tenu des divergences des experts pour l'appréciation de ce taux, ont cru devoir s'appuyer sur le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 modifiant le décret n° 68-756 du 13 août 1968 pris l'application de l'article L. 28 (3ème alinéa) du code des pensions civiles et militaires, qui ne trouve effectivement pas à s'appliquer, pour retenir un taux de déficit fonctionnel permanent de 15 %, le même taux peut toutefois être retenu à..., ; qu'il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas procédé à une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 17 000 euros et en lui accordant à ce titre, après application du taux de perte de chance de 60 %, une indemnité de 10 200 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir à soutenir que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a procédé à une évaluation insuffisante de ses préjudices ;

Sur les droits de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF :

Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction que les débours exposés par la Caisse pour les séjours de M. B...à l'hôpital Beaujon et à l'hôpital Bichat et que les salaires et les charges patronales acquittés par cette caisse, en raison de l'interruption de l'activité professionnelle du requérant, trouvent leur origine directe et certaine dans les fautes litigieuses ; que la Caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF n'apporte en appel aucun élément destiné à établir un tel lien de causalité ; que par suite ses conclusions ne peuvent être que rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'affaire, de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 678,50 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 7 mars 2005, à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. B...et à la Caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris présentées sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 678,50 par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 7 mars 2005, sont mis à la charge de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris.

Article 3 : Les conclusions de la Caisse de prévoyance et de retraite des personnels de la SNCF et les conclusions incidentes de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris sont rejetées.

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N° 11VE00148 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00148
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Retards.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : CHAULET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-28;11ve00148 ?
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