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28/12/2012 | FRANCE | N°10VE00433

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 décembre 2012, 10VE00433


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me C...; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603937 du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003, et des pénalités y afférentes ;

2°)

de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant..., par Me C...; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603937 du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003, et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes au titre des années 2001 à 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la procédure suivie est irrégulière dès lors que l'action en reprise de l'administration était prescrite, et que l'administration ne pouvait procéder à deux vérifications de comptabilité de sociétés pour rectifier ensuite leurs revenus de capitaux mobiliers ; que l'administration n'était pas fondée à recourir à la procédure de répression des abus de droit ; qu'elle n'apporte pas la preuve que les opérations en litige auraient été accomplies dans un but exclusivement fiscal, et ne pouvait ensuite asseoir les impositions sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts ; qu'à supposer l'imposition fondée, il y aurait lieu d'appliquer l'avoir fiscal ;

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2012 :

- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité des sociétés GDLF et Taheyre 96, dirigées par M.A..., et d'un contrôle sur pièces de M. et MmeA..., l'administration a mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales à l'encontre des requérants, au titre des années 2001 à 2003, au motif qu'ils auraient accompli des opérations dans un but exclusivement fiscal, et les a assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu et à des cotisations supplémentaires de contributions sociales, assortis de pénalités ; que les requérants relèvent appel du jugement n° 0603937 du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à obtenir la décharge de ces impositions ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses / (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...) / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, auraient normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

3. Considérant que, les rectifications litigieuses ayant été notifiées selon la procédure de répression des abus de droit et n'ayant pas donné lieu à une saisine du comité consultatif de répression des abus de droit, l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé de ces rectifications ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'en 1995 et 1996, M. A...a créé deux sociétés civiles, les sociétés Teheire 96 et GDLF, dont il s'est réservé la gérance ; que ces sociétés se sont vues attribuer par voie de cession ou d'apport des actions et obligations auparavant possédées par la société holding familiale Montgrillet dont M. A...était également associé-gérant ; qu'au cours des exercices clos les 31 décembre 2001, 2002 et 2003, M. A... a effectué des prélèvements sur le compte courant d'associés qu'il détenait dans la société GDLF, en contrepartie de la rémunération du prix de vente des obligations avec souscription d'achats de la société Montgrillet ; que l'administration a considéré que ces opérations s'analysaient comme une distribution occulte de revenus, taxable sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, et obéissaient à un but exclusivement fiscal ; qu'elle a en effet remis en cause la création des sociétés Teheire 96 et GDLF en 1995 et 1996 et les mouvements de fonds effectués par M. A...sur les comptes de ces deux sociétés au cours des années suivantes, et en a tiré les conséquences au titre des trois derniers exercices non prescrits à la date de son contrôle ; que, toutefois, l'administration n'apporte d'explications claires ni sur le lien existant entre les opérations effectuées au titre des années 1995 et 1996 et les opérations rectifiées au titre des années 2001 à 2003 ni sur les motifs proprement fiscaux qui auraient guidé M.A... ; que les requérants précisent en revanche, sans être utilement contredits par l'administration, que la création des sociétés Teheire 96 et GDLF en 1995 et 1996, les modalités de constitution de leurs actifs et la rédaction très particulière de leurs statuts, notamment en ce qui concerne la société Teheire 96, répondaient à un objectif patrimonial et familial, visant à la fois à prévenir une dispersion du capital des sociétés destinées à recueillir le patrimoine mobilier de M. et MmeA..., en vue de sa transmission à leurs enfants et à préserver, dans l'attente de celle-ci, le pouvoir de décision de M. A..., sans que ce dernier fût tenu d'informer ses enfants et associés de ses choix de gestion et de l'importance des fonds concernés ; que si l'administration conteste l'opportunité de telles décisions, il ne lui appartient pas, lorsqu'elle se place sur le terrain des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, de porter une appréciation sur le bien-fondé d'un objectif qu'elle ne réfute pas ni sur les moyens qui auraient été les plus appropriés selon elle de le mettre en oeuvre ; que, dans ces conditions, elle ne démontre pas que les opérations susdécrites, dont elle reconnaît au demeurant qu'elles n'ont pas revêtu un caractère fictif, auraient eu un but exclusivement fiscal ni que ces dernières auraient permis à M. A... d'éluder l'impôt au titre des années 2001 à 2003 ;

5. Considérant, d'autre part et au surplus, qu'il résulte de l'instruction que, ni les premiers juges ni l'administration n'ont recherché si les requérants avaient appliqué de manière littérale un ou des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, les impositions en litige étant dépourvues de base légale, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande, et à solliciter la décharge desdites impositions ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0603937 du 18 décembre 2009 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des suppléments d'impôt sur le revenu et des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2001 à 2003, et des pénalités y afférentes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.

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N° 10VE00433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00433
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: Melle Sandrine RUDEAUX
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : CABINET FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-28;10ve00433 ?
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