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18/12/2012 | FRANCE | N°12VE01241

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 décembre 2012, 12VE01241


Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme D...G..., M. H...G..., M. B...E..., MlleC... G..., demeurant..., et Mlle I...E...demeurant..., par Me Coubris, avocat ; les consorts G...demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0903545 en date du 6 mars 2012 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier d'Arpajon ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à verser aux

époux G...les sommes de :

- 240 000 euros au titre du préjudice perso...

Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme D...G..., M. H...G..., M. B...E..., MlleC... G..., demeurant..., et Mlle I...E...demeurant..., par Me Coubris, avocat ; les consorts G...demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0903545 en date du 6 mars 2012 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier d'Arpajon ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à verser aux époux G...les sommes de :

- 240 000 euros au titre du préjudice personnel d'A...G... en leur qualité d'ayants-droit de leur fille décédée,

- 40 000 euros au titre de leur préjudice d'accompagnement,

- 60 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- 50 000 euros au titre du préjudice moral et d'accompagnement de leur fille C...G... en leur qualité de représentants légaux ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à verser à Mme G...la somme de 5 832,83 euros au titre de son préjudice économique ;

4°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à verser à M. G...la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice économique ;

5°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à verser à Mlle I...E...et M. B...E...la somme de 50 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral et d'accompagnement ;

6°) de condamner le centre hospitalier d'Arpajon à leur verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens ;

Ils soutiennent que la responsabilité du centre hospitalier d'Arpajon dans le décès d'A...G..., née le 20 septembre 2004 et décédée le 4 octobre suivant des suites d'une anoxo-ischémie prénatale sévère, a été retenue par le tribunal administratif ; que les souffrances endurées par A...avant son décès ont été cotées à 5 sur une échelle comptant 7 niveaux par l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux et qu'il convient d'estimer le montant de l'indemnité due à ce titre à 40 000 euros ; qu'A... G...ayant eu conscience de la dégradation de son état de santé et de la perte de chance de survie qui en découlait, il y a lieu d'estimer à 200 000 euros le préjudice qu'elle a subi à ce titre ; que les frais d'obsèques exposés par les époux G...ont correctement été indemnisés par le tribunal administratif à hauteur de 521,61 euros ; que le préjudice d'accompagnement des parents, frère et soeursF...'A... doit être évalué à 20 000 euros par personne ; que leur préjudice d'affection doit être estimé à 30 000 euros par personne ; que Mme G... a subi une perte de revenus de 5 832,83 euros en raison des arrêts de travail qu'elle a été obligée de prendre au cours de l'année 2006 du fait de la dépression qu'elle a faite suite au décès de sa filleA... ; que M. G...s'est trouvé dans l'impossibilité de travailler du fait de troubles psychiatriques graves nés de la dépression qu'il a lui aussi faite suite au décès de sa fille et que son préjudice doit être évalué à 20 000 euros à ce titre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne par Me Delesse, avocat ; elle conclut à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a fait droit à ses conclusions indemnitaires dirigées contre le centre hospitalier d'Arpajon et à sa condamnation à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2012, présenté pour le centre hospitalier d'Arpajon par Me le Prado, avocat ; il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le préjudice tiré de la douleur morale subie du fait de la conscience que l'on a que son espérance de vie est réduite ne peut concerner qu'une personne adulte et que le préjudice né du décès d'un enfant ne peut être transmis à ses ayants-droits ; que le tribunal administratif a correctement évalué les préjudices personnels des consorts G...en prenant notamment en considération les troubles dépressifs et psychiques subis par les parents d'A... et que le préjudice économique invoqué par ces derniers n'est pas davantage établi qu'il ne l'était en première instance ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 28 août 2012, présenté pour les consorts G...; ils concluent aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la requête ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 26 novembre 2012, présenté pour le centre hospitalier d'Arpajon ; il conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures ;

Vu la demande préalable d'indemnisation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2012 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

1. Considérant qu'A...G..., née le 20 septembre 2004 au centre hospitalier d'Arpajon, est décédée le 4 octobre 2004 à l'hôpital de Créteil des conséquences neurologiques d'une anoxo-ischémie cérébrale prénatale sévère ; qu'au vu notamment des conclusions du rapport d'expertise daté du 16 novembre 2007, établi par le docteur Marcovitch à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux d'Ile-de-France, le Tribunal administratif de Versailles, dont le jugement du 6 mars 2012 n'est pas contesté sur ce point, a condamné le centre hospitalier d'Arpajon à réparer les entiers préjudices résultant pour les consorts G...du décès d'A...G... ; que les consorts G...demandent à la Cour de réformer le jugement du 6 mars 2012 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;

En ce qui concerne le préjudice personnel d'A... G...:

2. Considérant, en premier lieu, que les souffrances physiques d'A...G..., liées aux conséquences neurologiques de l'anoxo-ischémie qu'elle a subie avant sa naissance par césarienne, ont été évaluées par l'expert à 5 sur une échelle de 7 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif ait fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros ;

3. Considérant, en second lieu, que compte tenu du fait qu'A... G...n'était âgée que de 14 jours lors de son décès, qu'elle était atteinte, au moment de sa naissance, de graves lésions neurologiques dues à l'anoxo-ischémie dont elle a été victime et qu'il ressort de l'instruction qu'elle a été placée, à compter du 30 septembre 2004, sous sédation profonde par barbituriques, l'existence d'un préjudice lié à la conscience qu'A... G...aurait eue de la dégradation de son état de santé et de la perte de chance de survie qui en résultait n'est par conséquent pas rapportée ; que les conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon à verser la somme de 200 000 euros à ce titre aux époux G...en leur qualité d'ayants-droit de leur fille A...doivent être rejetées ;

En ce qui concerne le préjudice personnel des consorts G...:

4. Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif n'a pas fait une insuffisante appréciation du préjudice moral et d'accompagnement résultant pour M. et Mme G...du décès de leur enfant en l'évaluant, pour chacun, à la somme de 16 000 euros ;

5. Considérant, en second lieu, que si le frère et les deux soeursF...'J...n'ont jamais connu leur soeurA..., ils habitaient tous les trois au domicile des époux G...à la date de naissance d'A... et ont subi, du fait de son décès prématuré, un préjudice moral qui sera évalué à 4 000 euros pour chacun d'entre eux ; qu'il n'est, en revanche, pas établi qu'ils auraient subi un préjudice d'accompagnement ;

En ce qui concerne le préjudice économique des époux G...:

6. Considérant qu'à la date de la naissance d'A...G..., ni MmeG..., ni M. G...ne travaillaient ; que Mme G...invoque une perte de revenus liée à des congés pour maladie qu'elle a été contrainte de prendre au cours de l'année 2006 du fait de la dépression qu'elle a faite suite au décès de sa fille ; qu'à supposer cette perte de revenus établie, il n'est pas établi que la faute du centre hospitalier d'Arpajon en serait la cause directe et exclusive ; que si M. G...soutient qu'il a été reconnu adulte handicapé suite à la dépression consécutive au décès de sa filleA..., ce préjudice, dans les circonstances de l'espèce, ne présente pas un caractère certain du fait de l'inactivité professionnelle de M. G... depuis au moins 2003 ; qu'au surplus, il n'est pas davantage établi que la faute du centre hospitalier d'Arpajon serait la cause directe et exclusive de ce préjudice ; que les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices économiques invoqués par les époux G...doivent être écartées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arpajon la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consortsG..., et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 4 et 5 du jugement n° 0903545 rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 6 mars 2012 sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier d'Arpajon est condamné à verser aux épouxG..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille C...G..., à Mlle I... E...et à M. B...E...la somme de 4 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2009.

Article 3 : Le surplus des conclusions indemnitaires de la requête est rejeté.

Article 4 : Le centre hospitalier d'Arpajon versera aux époux G...ainsi qu'à Mlle I... E...et M. B...E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arpajon sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...G..., à M. H... G..., à Mlle I...E..., à M. B... E..., à Mlle C...G..., au centre hospitalier d'Arpajon et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2012, où siégeaient :

M. BROTONS, président ;

Mme BORET, premier conseiller ;

M. MEYER, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 18 décembre 2012.

Le rapporteur,

E. MEYERLe président,

S. BROTONSLe greffier,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 12VE01241 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01241
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice moral.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCP MICHELE DELESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-12-18;12ve01241 ?
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