Vu la requête, enregistrée le 24 février 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. et Mme A...B..., demeurant..., par Me Milhac, avocat à la Cour ; M. et Mme B...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0709758, 0709760 en date du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la restitution, assortie des intérêts moratoires, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 à raison des plus-values latentes qu'ils ont déclarées ;
2°) de prononcer la restitution des impositions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des frais exposés et non compris dans les dépens, dont le montant sera chiffré ultérieurement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent :
- qu'il ne peut être fait application des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts dès lors qu'en vertu de l'article 13 de la convention franco-américaine du 31 août 1994, les plus-values de cessions de titres ne sont imposables que dans l'Etat de résidence du cédant et qu'à compter du 16 avril 2004, ils étaient résidents des Etats-Unis ;
- que le fait générateur de l'imposition prévue à l'article 167 bis du code général des impôts est la date de cession des titres dans les cinq ans du transfert du domicile hors de France, et non la date du transfert de ce domicile ; que ce fait générateur étant reporté à la date de la transmission de ces titres, le régime d'imposition est, dès lors, celui qui est applicable à la date d'expiration de ce report d'imposition ;
- que l'article 167 bis du code général des impôts est contraire aux stipulations de la convention franco-américaine, laquelle a une valeur supérieure à la loi, en ce que celle-ci prévoit une imposition aux Etats-Unis ; que, d'ailleurs, cet article a été abrogé à compter du 1er janvier 2005 pour tous les transferts de domicile hors de France alors même que la Cour de justice de l'Union européenne ne s'était prononcée que dans le contexte communautaire ;
- que les prélèvements sociaux ne peuvent s'appliquer qu'aux revenus du patrimoine, lesquels ne comprennent pas les plus-values latentes qui ne sont pas réalisées ; que l'article 167 bis du code général des impôts prévoit pourtant une telle imposition ;
- que seuls les résidents français peuvent être assujettis à des contributions sociales, en application des articles 1600-0C, 166-0G et 1600-0F du code général des impôts, ce qu'ils n'étaient pas en 2004 ; que la documentation administrative référencée 5 B-3233 n° 44 et suivants du 23 juin 2000 ne vise que les plus-values réalisées et non les plus-values constatées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Riou, premier conseiller,
- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M. et MmeB... ;
1. Considérant que M. et Mme B...ont été imposés à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales sur le fondement de l'article 167 bis du code général des impôts, à raison des plus-values latentes afférentes à des participations supérieures à 25 % qu'ils détenaient dans le groupe PG Group, lorsqu'ils ont transféré leur domicile fiscal aux Etats-Unis le 16 avril 2004 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande en restitution des impositions qu'ils ont acquittées au titre de l'année 2004 ;
Sur l'impôt sur le revenu :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. - 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l'article 150-0 A et détenus dans les conditions du f de l'article 164 B./ 2. La plus-value constatée est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux à la date du transfert du domicile hors de France (...) / 3. La plus-value constatée est déclarée dans les conditions prévues au 2 de l'article 167. II. - 1. Le paiement de l'impôt afférent à la plus-value constatée peut être différé jusqu'au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux concernés. Le sursis de paiement est subordonné à la condition que le contribuable déclare le montant de la plus-value constatée dans les conditions du I, demande à bénéficier du sursis, désigne un représentant établi en France autorisé à recevoir les communications relatives à l'assiette, au recouvrement et au contentieux de l'impôt et constitue auprès du comptable chargé du recouvrement, préalablement à son départ, des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. Le sursis de paiement prévu au présent article a pour effet de suspendre la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la date de l'événement entraînant son expiration. Il est assimilé au sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales pour l'application des articles L. 208, L. 255 et L. 279 du même livre. Pour l'imputation ou la restitution de l'avoir fiscal, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires, il est fait abstraction de l'impôt pour lequel un sursis de paiement est demandé en application du présent article / 2. Les contribuables qui bénéficient du sursis de paiement en application du présent article sont assujettis à la déclaration prévue au 1 de l'article 170. Le montant cumulé des impôts en sursis de paiement est indiqué sur cette déclaration à laquelle est joint un état établi sur une formule délivrée par l'administration faisant apparaître le montant de l'impôt afférent aux titres concernés pour lequel le sursis de paiement n'est pas expiré ainsi que, le cas échéant, la nature et la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis / 3. Sous réserve du 4, lorsque le contribuable bénéficie du sursis de paiement, l'impôt dû en application du présent article est acquitté avant le 1er mars de l'année suivant celle de l'expiration du sursis. Toutefois, l'impôt dont le paiement a été différé n'est exigible que dans la limite de son montant assis sur la différence entre le prix en cas de cession ou de rachat, ou la valeur dans les autres cas, des titres concernés à la date de l'événement entraînant l'expiration du sursis, d'une part, et leur prix ou valeur d'acquisition retenu pour l'application du 2 du I, d'autre part. Le surplus est dégrevé d'office. Dans ce cas, le contribuable fournit, à l'appui de la déclaration mentionnée au 2, les éléments de calcul retenus. L'impôt acquitté localement par le contribuable et afférent à la plus-value effectivement réalisée hors de France est imputable sur l'impôt sur le revenu établi en France à condition d'être comparable à cet impôt. 4. Le défaut de production de la déclaration et de l'état mentionnés au 2 ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer entraînent l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement. III. - A l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la date du départ ou à la date à laquelle le contribuable transfère de nouveau son domicile en France si cet événement est antérieur, l'impôt établi en application du I est dégrevé d'office en tant qu'il se rapporte à des plus-values afférentes aux droits sociaux qui, à cette date, demeurent ...(... " ; qu'aux termes de l'article 150 0-A du code général des impôts : " I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 UB, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 15 000 euros par an (...) 3. Lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plus-value réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plus-value est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13 de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994, dans sa rédaction applicable à l'année de l'imposition en litige : " (...) 6. Sous réserve des dispositions du paragraphe 5, les gains provenant de l'aliénation de tous biens autres que ceux qui sont mentionnés aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 ne sont imposables que dans l 'Etat contractant dont le cédant est un résident " ;
4. Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
En ce qui concerne la loi fiscale nationale :
5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article 167 bis du code général des impôts avaient pour objet de soumettre à une imposition immédiate les personnes transférant leur domicile fiscal hors de France entre le 9 septembre 1998 et le 31 décembre 2004, au titre des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux qu'elles détenaient à la date de ce transfert ; qu'il résulte de ces dispositions que le fait générateur de l'imposition ainsi prévue correspondait au transfert hors de France du domicile du contribuable détenteur de participations mentionnées à l'article 150-0 A du même code ; qu'ainsi, et du seul fait de ce transfert, ce contribuable devenait redevable d'un impôt sur le revenu, quand bien même ce revenu n'était pas encore réalisé et alors même que le contribuable pouvait bénéficier d'un sursis de paiement jusqu'à la cession des titres ;
6. Considérant, d'une part, que ces dispositions n'ont, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., ni pour objet, ni pour effet de soumettre à de quelconques restrictions ou conditions l'exercice effectif, par les personnes qu'elles visent, de la liberté d'aller et venir ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce qu'elles méconnaitraient les stipulations de l'article 2 du protocole n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit (...) d'y choisir librement sa résidence " doit être écarté ;
7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont transféré leur domicile fiscal aux Etats-Unis le 16 avril 2004 et déclaré des plus-values latentes de droits sociaux d'un montant de 8 477 077 euros, à raison de la détention de 72 000 titres du groupe PG Group ; que ces plus-values ont fait l'objet d'une imposition au titre de l'année 2004, mise en recouvrement le 31 décembre 2004, à hauteur de 1 356 332 euros en droits et de 860 423 euros en contributions sociales ; que l'intégralité des titres en cause ayant été cédée au cours de l'année 2005, le sursis de paiement dont ils bénéficiaient a expiré et les impositions dues, acquittées le 14 février 2006 ; que le fait générateur de l'imposition des plus-values étant, comme il a été dit précédemment, intervenu à la date du transfert de leur domicile aux Etats-Unis, et non, comme les requérants le soutiennent à la date de la transmission de leurs titres, en 2005, M. et Mme B...ne peuvent utilement se prévaloir de ce qu'à cette dernière date, ils étaient résidents des Etats-Unis ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale leur a fait application des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts ;
8. Considérant, en second lieu, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'intention du législateur manifestée lors des travaux préparatoires relatifs aux nouvelles dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, entré en vigueur en 2011, soit postérieurement à l'année de l'imposition litigieuse ;
En ce qui concerne la convention fiscale franco-américaine :
9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, M. et Mme B...étaient imposables en France à raison du transfert de leur domicile fiscal aux Etats-Unis ; qu'ainsi, et nonobstant la circonstance que la cession de leurs droits sociaux est intervenue alors qu'ils étaient résidents américains, ils ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations de l'article 13 précité de la convention fiscale franco-américaine ;
Sur les contributions sociales :
10. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des articles L. 136-6 du code de la sécurité sociale et des articles 1600-0 C, 1600-0 F bis et 1600-0 G du code général des impôts relatifs, respectivement, à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et à la contribution au remboursement de la dette sociale, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à des contributions sociales sur les revenus du patrimoine assis sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, notamment des plus-values soumises à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel ; qu'en l'espèce, et compte tenu de ce qui a été dit plus haut, les plus-values constatées sur les droits sociaux détenus par les requérants, qui ont transféré leur domicile hors de France, devaient être regardées comme des revenus, au sens de la loi fiscale, dès lors qu'elles étaient imposées en tant que telles à l'impôt sur le revenu en vertu des dispositions précitées de l'article 167 bis du code général des impôts, à un taux proportionnel prévu pour l'application de l'article 150-0 A du code général des impôts ; que ces plus-values étaient, par suite, également imposables à la contribution sociale généralisée, au prélèvement social et à la contribution au remboursement de la dette sociale, sans que les requérants puissent, à cet égard, utilement se prévaloir des termes du nouvel article 167 bis du code général des impôts désormais en vigueur ;
11. Considérant, en second lieu, que M. et Mme B...ne peuvent utilement se prévaloir, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ce que les points n° 44 et suivants de la documentation de base référencée 5 B-3233 du 20 juin 2000 relative à la contribution sociale généralisée, ne viseraient pas les plus-values latentes, dès lors que ces dispositions n'excluent pas l'assujettissement à cette contribution des plus-values imposables en application de article 167 bis du code général des impôts ; qu'au surplus, ce même moyen ne peut être utilement invoqué s'agissant des autres contributions sociales, qui n'entrent pas dans le champ d'application de la documentation de base susrappelée ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
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N° 11VE00724