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20/11/2012 | FRANCE | N°12VE01583

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 novembre 2012, 12VE01583


Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL, dont le siège est 8 rue du Docteur Charcot à Morangis (91420), par Me Hyest, avocat ; la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0901919 en date du 5 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 31 décembre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité l'a autorisée à licencier

M. A ;

Elle soutient qu'il n'existe aucun lien entre le licenci...

Vu la requête, enregistrée le 25 avril 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL, dont le siège est 8 rue du Docteur Charcot à Morangis (91420), par Me Hyest, avocat ; la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0901919 en date du 5 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 31 décembre 2008 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité l'a autorisée à licencier M. A ;

Elle soutient qu'il n'existe aucun lien entre le licenciement de M. A et l'exercice par celui-ci de son mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qu'il est établi que M. A a apporté aux droits des personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne sont pas justifiées et que son comportement a porté atteinte à la dignité et à la santé des salariés de l'entreprise, qu'aucune pression n'a été exercée par l'entreprise sur les plaignantes, que les attestations produites par M. A et tendant à établir des pratiques occultes de la direction de l'entreprise émanent d'anciens salariés licenciés et que dans ces circonstances, les faits étant établis et d'une gravité suffisante, c'est à bon droit que l'autorisation de licencier M. A lui a été accordée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Heusele pour M. A ;

Considérant que M. A, recruté le 11 janvier 2006 par la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL (PEI) y exerçait la fonction de directeur d'exploitation pour la région Ile-de-France ; que le 15 mai 2008, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s'est déroulé le 28 mai suivant ; que par un courrier du 11 juin 2008, la société PEI a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. A, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que cette demande a été rejetée par une décision du 30 juillet 2008 ; que saisi d'un recours hiérarchique de l'entreprise, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a, le 31 décembre 2008, annulé cette décision et autorisé le licenciement de M. A ; que la société PEI relève appel du jugement en date du 5 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de la décision ministérielle du 31 décembre 2008 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives ou candidats à ces fonctions bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés de l'entreprise, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou visées, ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ou auquel il a postulé ; que l'article L. 1152-1 du code du travail dispose que : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ; qu'enfin, en vertu du principe posé par l'article L. 1235-1 du même code, qui traite du contrôle des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Considérant que, par sa décision du 31 décembre 2008, le ministre chargé du travail a autorisé le licenciement de M. A à raison d'un abus d'autorité et de faits de harcèlement moral à l'égard de salariées vulnérables ;

Considérant que pour retenir les faits reprochés à M. A comme établis, le ministre chargé du travail a estimé que les faits dénoncés par quatre inspectrices auprès de la direction de l'entreprise PEI, à savoir des remarques désobligeantes, des injures, des critiques non fondées, des menaces de licenciement, des ordres abusifs et de nombreux appels téléphoniques intempestifs dont certains en dehors du temps de travail n'étaient pas remis en cause par les attestations produites par l'intéressé ;

Considérant que M. A n'a fait l'objet d'aucun reproche ni d'aucune sanction de la part de son employeur jusqu'en mai 2008 ; qu'il assurait la direction de l'exploitation pour la région Ile-de-France, ce qui l'amenait à encadrer 850 salariés ; que M. A produit deux attestations concordantes d'anciens salariés de la société PEI qui tendent à établir que le directeur général de l'entreprise aurait eu la volonté de le licencier ;

Considérant que, dans sa plainte, déposée le 5 juin 2008 et demeurée sans suite, Mme B reproche à M. A des échanges téléphoniques agressifs en septembre 2007 ainsi qu'un différend en avril 2008 au cours duquel l'intéressé aurait réitéré des menaces de la faire renvoyer déjà formulées en 2007 ; que, toutefois, Mme B a fait une fausse déclaration en se présentant comme étant sous l'autorité hiérarchique de M. A, ce qui n'était pas le cas puisque celle-ci n'était pas affectée en Ile-de-France ; que la responsable de Mme B, Mme C, produit elle-même une attestation selon laquelle M. A n'aurait, à sa connaissance, jamais manqué de respect à l'une des salariées placées sous sa responsabilité à l'époque des faits ; que Mme B n'a jamais porté à la connaissance de sa hiérarchie les faits en question avant mai 2008 ; que ces faits, très peu circonstanciés, ne font état que de reproches à caractère professionnel dont il n'est pas établi qu'ils n'étaient pas justifiés et d'une menace de licenciement ;

Considérant que Mme Mendes, qui prétend avoir démissionné de la société PEI en raison du comportement de M. A à son égard, a porté plainte contre l'intéressé le 28 juin 2008 pour des faits commis en 2007 ; que cette plainte est demeurée sans suite ; que les faits qui y sont mentionnés évoquent des appels téléphoniques répétés de 6h00 du matin à 23h30 du soir, des réflexions désobligeantes, des plannings impossibles à respecter, des injures et une réflexion sur sa tenue vestimentaire ; que la circonstance, à la supposer établie, que M. A aurait fait une remarque unique sur le fait que Mme Mendes ne portait pas de jupes ne saurait conférer une connotation sexuelle aux agissements qui lui sont imputés ; qu'il ressort des relevés d'appels téléphoniques de M. A que ni le nombre, ni la durée des appels passés à Mme Mendes dépasserait ce qui peut être considéré comme normal dans le cadre d'une relation hiérarchique directe entre deux cadres ; que ces appels téléphoniques ont été passés à des horaires compatibles avec l'organisation d'interventions qui se passent en général très tôt le matin et très tard le soir ; qu'il n'est pas établi que M. A aurait appelé Mme Mendes après 21h00 ; qu'à supposer établi que M. A aurait adressé de sévères reproches à Mme Mendes sur sa manière de travailler, la société PEI ne produit aucun élément permettant d'établir que ces reproches auraient été injustifiés et formulés dans le seul but d'humilier l'intéressée ; qu'enfin, il ressort d'un courrier adressé par une représentante syndicale de l'entreprise PEI à l'inspection du travail que Mme Mendes aurait reconnu avoir été sollicitée par la direction de l'entreprise afin de dénoncer ces faits et de les imputer à M. A ;

Considérant que Mme Das Neves épouse Marty a également porté plainte le 28 juin 2008 ; que cette plainte est demeurée sans suite ; qu'y sont dénoncés des appels téléphoniques tôt le matin et tard le soir, des changements de planning au dernier moment, un accrochage verbal au motif qu'elle n'avait pas été sur place contrôler le bon déroulement d'un chantier programmé un samedi matin et de nombreuses remontrances sur la qualité du travail de la plaignante ; que, toutefois, il ressort des relevés d'appels téléphoniques de M. A que ni le nombre, ni la durée des appels passés à Mme Das Neves dépasserait ce qui peut être considéré comme normal dans le cadre d'une relation hiérarchique directe entre deux cadres ; que ces appels téléphoniques ont été passés à des horaires compatibles avec l'organisation d'interventions qui se passent en général très tôt le matin et très tard le soir ; qu'il n'est pas établi que M. A aurait appelé régulièrement Mme Das Neves après 21h00 ; qu'à supposer établi que M. A aurait adressé de sévères reproches à Mme Das Neves sur sa manière de travailler, la société PEI ne produit aucun élément permettant d'établir que ces reproches auraient été injustifiés et formulés dans le seul but d'humilier l'intéressée ;

Considérant que Mme Lauffenburger, recrutée en janvier 2008 par l'entreprise PEI, a simplement informé la direction de l'entreprise qu'elle vivait mal les reproches que formulait M. A sur la mauvaise qualité de son travail ; que toutefois, la société PEI ne produit aucun élément permettant d'établir que ces reproches auraient été injustifiés et formulés dans le seul but d'humilier l'intéressée ;

Considérant qu'il n'est aucunement établi que les quatre salariées qui se sont plaintes du comportement de M. A auraient été particulièrement vulnérables du seul fait qu'elles élevaient seules un ou plusieurs enfants ; que deux d'entre elles étaient en outre titulaires de mandats de représentation du personnel et pouvaient facilement porter à la connaissance des dirigeants de l'entreprise les faits dont elles se prétendent victimes au moment où ils auraient été commis ;

Considérant que la société PEI n'a, par les pièces qu'elle a versées au dossier, pas pu lever les doutes qui subsistent quant à la réalité des griefs qu'elle a invoqués pour justifier la demande d'autorisation de licencier M. A ; que ce doute doit, en application des dispositions sus-rappelées du code du travail, profiter au salarié ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PEI n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Versailles ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société PROPRETE ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL est rejetée.

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N° 12VE01583 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01583
Date de la décision : 20/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : HYEST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-20;12ve01583 ?
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