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20/11/2012 | FRANCE | N°10VE03870

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 20 novembre 2012, 10VE03870


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Patricia A, demeurant Lou ..., par Me Ikhlef, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708247 en date du 14 octobre 2010 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des pénalités dégrevées en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contrib

utions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 ...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Patricia A, demeurant Lou ..., par Me Ikhlef, avocat à la Cour ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708247 en date du 14 octobre 2010 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des pénalités dégrevées en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ou, à titre subsidiaire, de réduire les bases d'imposition ayant servi au calcul des redressements au titre des deux années en litige, à hauteur des sommes respectives de 111 840,71 euros et de 359 491,38 euros pour des redressements de 449 725 euros et très subsidiairement à hauteur des sommes respectives de 90 233,62 euros et 116 148,80 euros pour des redressements de 227 789,51 euros;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement attaqué a été pris en violation du principe du contradictoire dès lors que le mémoire ampliatif produit par le directeur des services fiscaux le 24 septembre 2010 ne lui a pas été communiqué alors qu'il comportait des éléments nouveaux ainsi que la copie de la décision du 4 août 2006 prononçant le dégrèvement partiel des contributions sociales supplémentaires réclamées au titre des années 2001 et 2002 ;

- que la procédure de taxation d'office était entachée d'irrégularité dès lors que les réponses qu'elle a apportées à la demande d'éclaircissements ou de justifications de l'administration étaient précises, vérifiables et justifiées, concernant la provenance des fonds en litige, au demeurant révélée par le libellé même des opérations, et que le dossier pénal auquel l'administration avait eu accès comportait les informations relatives à la nature, l'origine et à l'objet des crédits bancaires litigieux ; qu'une ordonnance de renvoi ainsi qu'un jugement du 8 juillet 2008 rendu par le Tribunal correctionnel de Paris contiennent des faits qui ont été également portés à la connaissance de l'administration ; que sa relaxe a été prononcée ;

- qu'elle apporte la preuve du caractère mal fondé des impositions dès lors que les sommes litigieuses versées sous forme de virements et de chèques provenaient de son concubin, M. B, et constituaient des cadeaux ou des prêts familiaux ;

- que, subsidiairement, elle apporte la preuve de l'exagération des impositions litigieuses en justifiant d'un don de son concubin d'un montant de 449 725 euros qui, alors qu'il a été finalement remboursé, s'apparente à un prêt à caractère familial ; que ces sommes lui ont permis d'acheter des biens immobiliers et de financer des travaux ;

- que les virements étaient effectués par son concubin ou par le cabinet d'avocat dans lequel celui-ci travaillait sur son compte bancaire et étaient clairement identifiés à hauteur de 227 789,21 euros ;

- que le tribunal a prononcé un non-lieu à hauteur du dégrèvement accordé par l'administration, soit 142 194 euros, mais n'a pas, à tort, mis à la charge de l'Etat le versement de sommes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Riou, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2001 et 2002, Mme A a fait l'objet de demandes d'éclaircissements ou de justifications en application des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, puis d'une taxation d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, à raison de revenus regardés comme étant d'origine indéterminée ; qu'elle fait appel du jugement du 14 octobre 2010 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des pénalités dégrevées en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été en conséquence assujettie au titre des années 2001 et 2002 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance qu'en réponse au moyen soulevé par Mme A selon lequel l'administration n'avait pas prononcé le dégrèvement des cotisations sociales supplémentaires avant de les mettre à nouveau en recouvrement le 31 décembre 2006, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine a produit un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 24 septembre 2010, auquel était jointe la copie de sa décision du 4 août 2006 admettant la réclamation de l'intéressée portant sur les contributions sociales au titre des années 2001 et 2002 et décidant de prononcer un dégrèvement à due concurrence ; que ce mémoire n'a pas été communiqué à Mme A alors qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal a tenu compte des éléments nouveaux qu'il comportait ; que, dans ces conditions, Mme LETOURNEAU est fondée à soutenir que ce jugement a été rendu en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure et est, par suite, entaché d'irrégularité ; que ce jugement doit, pour ce motif, être annulé en tant qu'il porte sur les conclusions relatives aux contributions sociales des années 2001 et 2002 ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions et de statuer sur le surplus des conclusions de Mme A par l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la procédure de taxation d'office :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable (...) des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) " ; que selon l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes (...) de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 69 de ce livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes (...) de justifications prévues à l'article L. 16 " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a fait l'objet de demandes d'éclaircissements ou de justifications en application des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, afin de s'expliquer sur les discordances entre ses revenus déclarés et les sommes portées au crédit de ses comptes bancaires relevées par le vérificateur ; que, d'une part, ces discordances s'élevaient à 276 647 euros pour l'année 2001 et à 725 069 euros pour l'année 2002 ; que, d'autre part, Mme A s'est bornée, en réponse aux demandes de l'administration, à présenter des allégations non assorties de preuve ou à faire valoir qu'elle aurait été mise dans l'impossibilité de répondre aux demandes de justifications qui lui avaient été adressées dès lors que tous ses documents bancaires avaient été saisis dans le cadre d'une information judiciaire, sans justifier avoir accompli des démarches auprès de l'autorité judiciaire pour avoir accès aux documents saisis ; que, dans ces conditions, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office mise en oeuvre à son égard par l'administration en application de l'article L. 69 précité du livre des procédures fiscales serait irrégulière ;

En ce qui concerne le rôle supplémentaire des contributions sociales :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par décision du 4 août 2006, l'administration a reconnu le caractère irrégulier de l'avis, en date du 30 juin 2006, de mise en recouvrement des contributions sociales susmentionnées, prononcé le dégrèvement des sommes litigieuses et avisé l'intéressée de l'intervention d'une nouvelle mise en recouvrement de ces contributions ; que, par suite, le moyen tiré par Mme A de l'irrégularité du rôle supplémentaire de contributions sociales mis de nouveau en recouvrement le 31 décembre 2006 ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Considérant que Mme A ayant fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, il lui appartient, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;

9. Considérant, en premier lieu, que l'autorité de la chose jugée qui appartient aux décisions des juges répressifs devenues définitives s'attache à la constatation des faits mentionnés dans les jugements et arrêts, support nécessaire du dispositif, et à leur qualification au regard de la loi pénale ; qu'en revanche, elle ne s'attache pas à l'appréciation de ces mêmes faits au regard de la loi fiscale, notamment en ce qui concerne l'évaluation des bases d'imposition ; qu'il résulte des constatations de fait du jugement en date du 8 juillet 2008 par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a relaxé Mme A du chef de recel d'escroquerie, que la requérante a acquis à son nom des biens immobiliers à l'initiative de M. B, avec lequel elle entretenait une relation, qu'elle a bénéficié du produit des escroqueries commises par ce dernier et a elle-même déclaré avoir acquis un appartement à Neuilly-sur-Seine ainsi qu'une maison à la Seyne-sur-Mer pour un montant total de 550 430 euros, financés par M. B, et que celui-ci utilisait son compte et ses moyens de paiement à son insu ; que, si le jugement de relaxe susmentionné est fondé sur ce que Mme A " était manifestement placée sous la domination de ce dernier [M. B], devenu son bienfaiteur " et que " faute d'élément intentionnel, l'infraction de recel d'escroquerie n'est pas constituée à l'égard de Patricia Letourneau ", une telle qualification ne s'impose pas au juge de l'impôt dans le cadre de l'évaluation des bases d'imposition de Mme LETOURNEAU ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, pour établir le caractère exagéré des impositions en litige, Mme A soutient que M. B, avec lequel elle allègue avoir vécu en concubinage, lui aurait accordé des dons ou des cadeaux ainsi qu'un prêt en vue de l'acquisition de biens immobiliers, de la réalisation de travaux et de l'achat d'équipements ; que, toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que Mme A a été recrutée par M. B pour exercer les fonctions d'assistante de direction dans le cabinet Delcluze dont l'intéressé se disait être associé, il résulte de l'instruction que M. B était marié et résidait dans le département du Calvados de sorte que la relation de concubinage dont la requérante se prévaut n'est pas suffisamment établie par les pièces du dossier ; que, dans ces conditions, Mme A n'est pas fondée à soutenir que les sommes en litige devraient être présumées constituer des prêts familiaux et, alors qu'il est constant que M. B l'a mise en demeure de restituer certaines des sommes en litige, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité des dons qui lui auraient été consentis par M. B ; que, par ailleurs, la production de courriers rédigés par M. B ne permettent pas davantage d'établir le caractère de prêt des sommes versées par celui-ci, en l'absence de tout acte enregistré ayant date certaine ou de preuve des remboursements de ces sommes ; que, par suite, en l'absence d'élément probant concernant la nature ou l'objet des crédits bancaires demeurant inexpliqués, Mme A n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des impositions en litige ;

11. Considérant, enfin, que, contrairement à l'allégation de Mme C, les crédits bancaires qui ont été identifiés comme provenant de l'activité professionnelle de M. B n'ont pas été taxés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le Tribunal administratif de Versailles :

12. Considérant que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel ; qu'il suit de là que c'est à juste titre que le tribunal administratif n'a pas fait droit aux conclusions présentées par Mme A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que, nonobstant le non lieu à statuer constaté par le tribunal sur une partie des conclusions de l'intéressée en conséquence des dégrèvements des pénalités de mauvaise foi prononcés par l'administration en cours d'instance, l'Etat n'était pas la partie perdante pour l'essentiel ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 et n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions, présentées en appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0708247 en date du 14 octobre 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002.

Article 2 : La demande de Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001 et 2002 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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10VE03870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03870
Date de la décision : 20/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Taxation d'office. Pour défaut de réponse à une demande de justifications (art. L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales).


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : IKHLEF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-20;10ve03870 ?
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