Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE venant aux droits de la SA Cirgec, dont le siège social est 15, rue Saint Honoré à Paris (75001), par Me Bouchard, avocat à la Cour ; la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0708312 en date du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, à hauteur de 75 637 euros, à raison de la remise en cause d'une provision pour grosses réparations déduite par sa filiale, la SA Cirgec ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la probabilité de la charge relative aux travaux de grosses réparations est établie à la date de clôture de l'exercice dès lors que l'obligation légale de ravalement justifie la constitution d'une provision et que la remise en état des escaliers des immeubles relève d'une gestion en " bon père de famille " ; que, d'ailleurs, l'administration l'a admis à l'occasion d'un autre redressement ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a également admis la déduction d'une provision constituée par une autre de ses filiales, la SCI Parhaus ;
- la méthode de calcul des provisions litigieuses est suffisamment précise et explicitée ; qu'elle était en droit de s'appuyer sur des statistiques tirées de sa propre expérience ; que l'administration s'est d'ailleurs prononcée favorablement s'agissant d'une autre société du groupe ;
- à titre subsidiaire, le principe d'égalité devant l'impôt et les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole ont été méconnues ; qu'en effet, l'administration n'a pas tiré les conséquences du caractère comparable de sa situation avec celles d'autres entreprises pour lesquelles la déduction du même type de provision a déjà été admise ; qu'en outre, la Direction des vérifications nationales et internationales admet la déduction de provisions à des conditions plus favorables que la Direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France Est ; que ces divergences de position méconnaissent le principe de confiance légitime ;
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Riou, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;
1. Considérant que la SA Cirgec, filiale du groupe intégré dont la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE est la société mère, exerce une activité d'administration d'entreprises et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a réintégré, dans les bases à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2002, une provision pour grosses réparations dont le service a remis en cause le caractère déductible au double motif que ces travaux n'apparaissaient pas suffisamment probables et qu'ils n'étaient pas évalués avec une approximation suffisante ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 39 du code général des impôts applicables en matière d'impôt sur les sociétés par l'effet de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise, et enfin, si la provision tend à permettre ultérieurement la réalisation de travaux d'entretien ou de réparation, que ceux-ci excèdent par leur nature et par leur importance, sans pour autant procurer à l'entreprise une augmentation de ses valeurs d'actif, les travaux d'entretien ou de réparation dont le coût entre dans les charges annuelles normales de l'entreprise ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE a calculé, d'après les dépenses de même nature déjà réalisées sur des immeubles lui appartenant, un prix au mètre linéaire de façade pour les ravalements et un prix au mètre carré pour les autres travaux ; que le montant des provisions litigieuses a été évalué selon la périodicité des travaux à entreprendre, soit 14 ans, sur la base des factures des derniers travaux similaires, réalisés en 1989 pour les ravalements et en 1997 pour les cages d'escalier, réévaluées en fonction de l'indice du coût de la construction ; que, pour établir le caractère probable des charges en cause et le caractère suffisamment précis de leur estimation, la société requérante fait valoir qu'une obligation légale de ravalement des immeubles est prévue par les dispositions de l'article L. 136-1 du code de la construction et de l'habitation et que les données utilisées pour calculer le coût des travaux futurs d'entretien des immeubles proviennent de son expérience dans la gestion d'immeubles comparables ;
4. Considérant, toutefois, que si les travaux dont il s'agit apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, la société requérante n'établit pas en revanche, en particulier par les seules photographies d'immeubles qu'elle verse au dossier, que ces charges auraient été évaluées avec une approximation suffisante faute de justifier que les travaux réalisés en 1989 et 1997, sur lesquels repose son estimation, seraient relatifs aux mêmes immeubles ou à des immeubles suffisamment comparables, et compte tenu, également, de l'ancienneté des travaux de ravalement sur lesquels elle a fondé ses calculs ; que, dans ces conditions, la société requérante ne justifie pas que le mode de calcul auquel elle a recouru permettait d'évaluer avec une approximation suffisante le montant des travaux à effectuer ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction des provisions litigieuses ;
5. Considérant, en deuxième lieu, le principe d'égalité devant l'impôt ne peut, en tout état de cause, être utilement invoqué à l'encontre d'une imposition légalement établie ; qu'il suit de là que la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE ne peut utilement se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, que l'administration aurait pris une autre position s'agissant d'autres contribuables, fussent-ils placés dans la même situation ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " et qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions publiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;
7. Considérant que, si les stipulations combinées des articles précités de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel peuvent être invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE ne peut en revanche utilement se prévaloir de ces stipulations pour contester une imposition légalement mise à sa charge en faisant valoir que des redressements de même nature, qui avaient été notifiés à d'autres sociétés appartenant au même groupe, auraient été finalement abandonnés par l'administration alors que cette circonstance ne peut être regardée comme ayant fait naître chez le contribuable une espérance légitime qui entrerait dans le champ d'application de l'article l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant, enfin, que le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe est inopérant ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Foncière Lyonnaise la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE FONCIERE LYONNAISE est rejetée.
''
''
''
''
2
10VE03773