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13/11/2012 | FRANCE | N°11VE02928

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 13 novembre 2012, 11VE02928


Vu la requête, enregistrée le 3 août 2011, présentée pour la SA AIR FRANCE - KLM, dont le siège social est 2, rue Robert Esnault Pelterie BP 90112 à Paris Cedex 07 (75326), par Me Beetschen, avocat à la Cour ; La SA AIR FRANCE - KLM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803738 du 9 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels en litige ;



3°) d'ordonner la restitution des sommes en litige ;

4°) de mettre à la ch...

Vu la requête, enregistrée le 3 août 2011, présentée pour la SA AIR FRANCE - KLM, dont le siège social est 2, rue Robert Esnault Pelterie BP 90112 à Paris Cedex 07 (75326), par Me Beetschen, avocat à la Cour ; La SA AIR FRANCE - KLM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803738 du 9 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels en litige ;

3°) d'ordonner la restitution des sommes en litige ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la seule prestation de service qu'elle rend à ses clients est une prestation de transport aérien proprement dite, et non la délivrance d'un billet donnant la possibilité de voyager ;

- que l'objet du contrat passé entre la compagnie aérienne et son client est et ne peut être que la prestation de transport ; que l'existence d'une prestation de réservation n'a pas été retenue par la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en effet, la prestation de réservation qui se caractérise par l'engagement du prestataire de réserver un emplacement dans l'avion et de ne pas l'attribuer à autrui, n'est pas une fin en soi pour le passager et est sans lien direct avec la contrepartie reçue par la compagnie aérienne ;

- que la constatation du chiffre d'affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ne se réalise qu'au moment de l'exécution de la prestation de transport, du fait aussi bien des normes comptables relatives aux prestations de transport aérien que des principes qui régissent le fait générateur et l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- que les sommes qu'elle conserve à la suite de la défaillance du client indemnisent le préjudice résultant de cette défaillance et n'ont, par suite, pas un caractère taxable ;

- que les conditions générales de transport organisent les conséquences de la défaillance, tant du client que de la compagnie et prévoient que le transporteur reçoit une somme forfaitaire en compensation de la défaillance du client, égale au montant qu'il a initialement versé ;

- qu'aucun chiffre d'affaires n'est constitué lorsqu'un billet n'est pas utilisé ; qu'en effet, la taxe sur la valeur ajoutée, impôt sur la consommation, frappe les opérations imposables lorsqu'elles sont réalisées par l'assujetti et consommées par le client ; que lorsque la prestation de transport n'est pas effectuée, il n'y a pas de fait générateur et donc pas d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- que dans la mesure où aucune perte de recettes fiscales du Trésor ne résulte de cette pratique, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir procédé à la restitution au client de la taxe sur la valeur ajoutée facturée à tort ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 du Conseil des Communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2012 :

- le rapport de M. Tar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- les observations de Me Beetschen, pour la SA AIR-FRANCE-KLM,

- et les observations du représentant du ministre de l'économie et des finances ;

1. Considérant que la SA AIR-FRANCE-KLM fait appel du jugement du 9 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 31 mars 2003, résultant de l'assujettissement à cette taxe des sommes qui lui ont été versées lors de l'émission de billets correspondant à des vols nationaux qui n'ont pas été utilisés et qui se sont périmés, dénommés " billets émis non utilisés " ;

2. Considérant qu'aux termes du I. de l'article 256 du code général des impôts qui transpose en droit interne les dispositions de l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une prestation de services est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant la contrepartie effective d'un service individualisable fourni dans le cadre d'un rapport juridique ; qu'en revanche, le versement d'une indemnité qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi du fait de la résiliation unilatérale d'un contrat n'entre pas dans le champ de cette taxe ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conditions générales de transport datées d'octobre 1998 ainsi que de celles applicables du mois de mai 2002 jusqu'à la fin de la période litigieuse, que la prestation de service de transport aérien effectuée à titre onéreux par la SA AIR-FRANCE-KLM au bénéfice de ses passagers résulte de la réalisation de deux accords contractuels entre cette société de transport aérien et ses passagers, l'un, le contrat de transport, matérialisé par l'émission d'un billet comportant un coupon de vol, par lequel la SA AIR-FRANCE-KLM s'engage, en contrepartie d'un prix correspondant au tarif fixé toutes taxes comprises, entièrement versé à la SA AIR FRANCE-KLM lors de l'émission du billet, à transporter, une fois, le passager, nominativement désigné, sur un itinéraire donné, au cours d'une durée d'un an à compter de la date d'émission du billet dans le cas le plus général, et l'autre, le contrat de réservation, par lequel le SA AIR FRANCE-KLM et son passager déterminent d'un commun accord la date à laquelle et le vol sur lequel le transport aérien s'accomplira ; que si la SA AIR FRANCE-KLM est susceptible, dans certains cas, de facturer au passager des frais de dossier dans le cas où il n'honorerait pas sa réservation, l'accord contractuel de réservation ne donne pas lieu, dans le cas le plus général, au versement d'une contrepartie supplémentaire par le passager ;

4. Considérant que l'obligation de la SA AIR-FRANCE-KLM résultant du contrat de transport aérien consiste à transporter le passager, sous réserve de la réservation, au cours de la période de validité du billet, de telle sorte que la prestation de transport aérien qui fait l'objet de ce contrat doit être réputée accomplie et le contrat exécuté soit lors de la réalisation effective de la prestation de service de transport aérien résultant de l'exécution de l'accord de réservation, soit à l'expiration des obligations contractuelles de la SA AIR-FRANCE-KLM ; qu'ainsi, les sommes effectivement encaissées et conservées dans ce dernier cas par la SA AIR-FRANCE-KLM doivent être alors regardées comme la contrepartie effective du service individualisable et défini avec suffisamment de précision de transport aérien qu'elle doit être regardée comme ayant fourni dans le cadre d'un contrat de transport fixant la chose et le prix et non comme le versement d'une indemnité qui aurait pour objet de réparer le préjudice qui aurait été subi par la SA AIR FRANCE-KLM dans le cas où le passager n'embarque pas, dès lors que le passager ne peut être regardé comme ayant résilié le contrat que dans le seul cas où il exerce sa possibilité de se dédire d'un contrat de transport remboursable ; que le fait générateur de cette prestation est constitué par la réalisation effective du voyage ou l'expiration des obligations contractuelles du transporteur aérien ; que l'exigibilité de la taxe résulte de l'encaissement du prix par l'opérateur en charge de la réalisation de la prestation de service de transport telle que définie ci-dessus et non de l'encaissement du prix par le voyagiste ou la compagnie aérienne qui a assuré la réservation ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-1 du code de la consommation : " (...) Sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d'avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double " ; que, si la passation du contrat de transport aérien donne lieu au versement par le passager de la totalité de la somme qui correspond au prix du transport, avant la réalisation de la prestation de transport, les sommes ainsi versées qui représentent la totalité du prix et ne correspondent pas à une possibilité contractuelle de dédit, quand bien même elles auraient été versées d'avance, n'ont pas le caractère d'arrhes au sens des dispositions précitées de l'article L. 114-1 du code de la consommation versées à des fins d'indemnisation du cocontractant ; qu'ainsi, la société AIR FRANCE-KLM ne saurait invoquer les dispositions de l'article L. 114-1 du code de la consommation pour s'opposer à leur taxation ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où (...) la prestation de service est réalisée (...) 2. La taxe est exigible : (...) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) " ; que la société AIR FRANCE-KLM soutient que le législateur, en ouvrant la possibilité, pour les prestations de service dont le paiement du prix survient avant que celles-ci ne soient effectuées, que l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée qui les grève intervienne avant la survenance du fait générateur de cette taxe, aurait incorrectement transposé les articles 62, 63 et 66 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; que toutefois, cette directive ne saurait être utilement invoquée s'agissant d'imposition relatives à la période du 1er avril 2000 au 31 mars 2003 ;

7. Considérant qu'en se bornant à affirmer que la prise en compte des principes de droit civil aurait pour conséquence de méconnaître le caractère d'impôt réel de la taxe sur la valeur ajoutée et de faire obstacle à l'application uniforme de la taxe sur la valeur ajoutée entre les Etats membres de l'Union européenne, la SA AIR FRANCE-KLM ne critique pas utilement les impositions en litige assises, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, conformément aux règles relatives au fait générateur et à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, au vu des conditions générales de vente applicables en l'espèce ;

8. Considérant que les dispositions de l'article 272 du code général des impôts relatives aux opérations résiliées ou annulées ne sauraient trouver à s'appliquer en l'espèce, s'agissant des billets émis et non utilisés dès lors que la SA AIR FRANCE-KLM conserve dans cette hypothèse l'intégralité du prix qu'elle a perçu de l'usager ;

9. Considérant que la société requérante ne saurait invoquer utilement les règles comptables applicables dans le secteur d'activité du transport aérien pour s'opposer à l'application de la loi fiscale ;

10. Considérant, enfin, que le rescrit public n° 2012/26 publié le 10 avril 2012 dont se prévaut la SA AIR-FRANCE-KLM est postérieur à la période au titre de laquelle les impositions en litige se rapportent et ne saurait donc, en tout état de cause, être utilement invoqué sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA AIR FRANCE-KLM n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la SA AIR FRANCE-KLM et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA AIR FRANCE-KLM est rejetée.

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N° 11VE02928


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