Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA BRIT AIR, dont le siège social se trouve à l'aéroport de Morlaix (29600), par Me Faucon, avocat à la Cour ; la SA BRIT AIR demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900839 du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2001 au 31 août 2005 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que les sommes qu'elle perçoit au titre des billets émis non utilisés revêtent un caractère indemnitaire et ne rentrent pas, de ce fait, dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en effet ces sommes, versées forfaitairement et proportionnellement, ne peuvent être considérées comme la contrepartie d'une prestation de services ;
- que le contrat qu'elle a conclu avec la société Air France est un contrat de franchise et qu'elle exploite donc les lignes aériennes sous sa propre responsabilité ; qu'elle a confié à la société Air France la commercialisation et la gestion de la billetterie sur ses lignes franchisées ; que la société Air France ne lui assure pas l'équilibre économique ou financier de son exploitation ;
- que les billets émis non utilisés lui causent une perte de recettes, qu'elle n'aurait pas eu à supporter si elle avait conservé l'entière maîtrise de la commercialisation des billets des passagers voyageant sur ses lignes franchisées ; que l'indemnité versée, calculée proportionnellement à la recette globale qu'elle perçoit sur son réseau franchisé, a pour seul et unique objet de réparer le préjudice qu'elle subit du fait de la gestion des billets émis par la société Air France non utilisés ;
- que s'agissant des billets modifiables ou remboursables qui ne sont pas utilisés avant la date limite du transport, la recette collectée par la société Air France ne lui est pas attribuable ;
- que l'administration ne peut fonder l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée sur l'existence de composantes du prix du billet qui ne correspondent pas à la prestation de transport dont le service serait rendu par elle au passager, y compris en cas de non utilisation du billet ;
- qu'il n'y a ainsi aucun lien direct entre le service reçu par elle et les sommes litigieuses, au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, qui a jugé que les sommes versées à titre d'arrhes et conservées par les prestataires de services en cas de dédit de leurs clients doivent être regardées comme des indemnités forfaitaires de résiliation non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2012 :
- le rapport de M. Tar, premier conseiller,
- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,
- et les observations de Me Beetschen, pour la SA BRIT AIR ;
1. Considérant que la SA BRIT AIR fait appel du jugement du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande aux fins de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er avril 2001 au 31 août 2005, résultant de l'assujettissement à cette taxe d'une somme représentant la part des opérations nationales dans la rémunération complémentaire qui lui est versée par la société Air France au titre des billets émis non utilisés ;
2. Considérant qu'aux termes du I. de l'article 256 du code général des impôts, qui transpose en droit français les dispositions de l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une prestation de services est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée s'il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue, les sommes versées constituant la contrepartie effective d'un service individualisable fourni dans le cadre d'un rapport juridique ; qu'en revanche, le versement d'une indemnité qui a pour seul objet de réparer le préjudice subi du fait de la résiliation unilatérale d'un contrat n'entre pas dans le champ de cette taxe ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conditions générales de transport datées d'octobre 1998 ainsi que de celles applicables du mois de mai 2002 jusqu'à la fin de la période litigieuse, que la prestation de service de transport aérien effectuée à titre onéreux par la SA BRIT AIR au bénéfice de ses passagers résulte de la réalisation de deux accords contractuels entre cette société de transport aérien et ses passagers, l'un, le contrat de transport, matérialisé par l'émission d'un billet comportant un coupon de vol, par lequel la SA BRIT AIR s'engage, en contrepartie d'un prix correspondant au tarif fixé, entièrement versé à la société Air France lors de l'émission du billet, et incluant la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle la prestation de transport aérien est assujettie, à transporter, une fois, le passager, nominativement désigné, sur un itinéraire donné, au cours d'une durée d'un an à compter de la date d'émission du billet dans le cas le plus général, et l'autre, le contrat de réservation, par lequel la SA BRIT AIR et son passager déterminent d'un commun accord la date à laquelle et le vol sur lequel le transport aérien s'accomplira ; que si la SA Air France est susceptible, dans certains cas, de facturer au passager des frais de dossier dans le cas où il n'honorerait pas sa réservation, l'accord contractuel de réservation ne donne pas lieu, dans le cas le plus général, au versement d'une contrepartie supplémentaire par le passager ;
4. Considérant que l'obligation de la SA BRIT AIR résultant du contrat de transport aérien passé par l'intermédiaire de la société Air France consiste à s'obliger à transporter le passager, sous réserve de la réservation, au cours de la période de validité du billet, de telle sorte que la prestation de transport aérien qui fait l'objet de ce contrat doit être réputée accomplie et le contrat exécuté soit lors de la prestation de service de transport aérien résultant de l'exécution de l'accord de réservation, soit à l'expiration des obligations contractuelles de la SA BRIT AIR ; qu'ainsi, les sommes conservées dans ce dernier cas par la société Air France et reversées ensuite à la SA BRIT AIR doivent être alors regardées comme la contrepartie effective du service individualisable de transport aérien qu'elle doit être regardée comme ayant fourni dans le cadre du contrat de transport et non comme le versement d'une indemnité qui aurait pour objet de réparer le préjudice qui aurait été subi par la SA BRIT AIR, dès lors que le passager ne peut être regardé comme ayant résilié le contrat que dans le seul cas où il exerce sa possibilité de se dédire d'un contrat de transport remboursable ;
5. Considérant que le fait générateur de cette prestation est constitué par la réalisation effective du voyage ou l'expiration des obligations contractuelles du transporteur aérien ; que l'exigibilité de la taxe résulte de l'encaissement du prix par l'opérateur en charge de la réalisation de la prestation de service de transport et non de l'encaissement du prix par le voyagiste ou la compagnie aérienne qui a assuré la réservation ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que, s'agissant des billets émis non-utilisés correspondant aux sommes litigieuses, le versement des sommes litigieuses est effectué après l'expiration des obligations de transporter résultant des billets ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de transport correspondant à ces billets ne serait pas exigible, faute de réalisation de la prestation de service et donc de survenance du fait générateur, au sens de l'article 62 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, au demeurant postérieure à la période au titre de laquelle ont été notifiés les rappels de taxe en litige, doit être écarté ;
6. Considérant que dans ces conditions, les prestations de service de transport aérien que la SA BRIT AIR s'était engagée à fournir à ses passagers par l'intermédiaire de la société Air France et qu'elle doit être regardée comme ayant effectivement rendu à l'expiration de ses obligations contractuelles, présentent, dans ce dernier cas, un lien direct avec les sommes que la société Air France a versées à ce titre à la SA BRIT AIR, qui constituent la contrepartie effective du service individualisable de transport aérien défini avec suffisamment de précision fourni dans le cadre du rapport juridique entre le passager et la SA BRIT AIR résultant du contrat de transport aérien conclu, par l'intermédiaire de la société Air France en vertu du contrat de franchise, entre cette première société et ses passagers ; que ces sommes reçues sont, en effet, censées équivaloir au prix des voyages prévus et non effectués ainsi qu'il résulte des courriers adressés par la société Air France à la SA BRIT AIR les 26 août 1997, 26 octobre 1999 et 5 juillet 2001 afin d'en préciser les modalités de calcul ; que ces sommes ne revêtent, par suite, aucun caractère indemnitaire ;
7. Considérant que si, aux termes de l'article L. 114-1 du code de la consommation : " (...) Sauf stipulation contraire du contrat, les sommes versées d'avance sont des arrhes, ce qui a pour effet que chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. ", la passation du contrat de transport aérien donne lieu au versement par le passager de la totalité de la somme correspondant au prix du transport, avant la réalisation de la prestation de transport, que dans le cas d'un billet remboursable pour lequel le passager peut revenir sur son engagement jusqu'à la date d'expiration, ce passager ne perd aucune somme restant due à la société Air France, que dans les cas d'un billet non-remboursable ou lors de l'expiration d'un billet remboursable, le passager se trouve privé de toute possibilité de se dédire en obtenant un remboursement, même partiel, de cette somme, ainsi, dans tous ces cas, ces sommes, quand bien même elles auraient été versées d'avance, n'ont pas le caractère d'arrhes au sens des dispositions précitées de l'article L. 114-1 du code de la consommation ; qu'ainsi, la société BRIT AIR ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article L. 114-1 du code de la consommation pour s'opposer à leur taxation ;
8. Considérant que la SA BRIT AIR ne soutient ni même n'allègue que l'administration fiscale aurait cherché à assujettir également la société Air France à la taxe sur la valeur ajoutée en raison des sommes litigieuses ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la thèse relative aux conditions d'imposition de ces sommes défendue par le ministre pourrait conduire à l'imposition de deux contribuables distincts sur la base d'une seule prestation de services ne peut être utilement invoqué à l'encontre des rappels litigieux ;
9. Considérant que la société requérante ne saurait invoquer utilement les règles comptables applicables dans le secteur d'activité du transport aérien pour s'opposer à l'application de la loi fiscale ;
10. Considérant, enfin, que le rescrit public n° 2012/26 publié le 10 avril 2012 dont se prévaut la SA BRIT AIR, qui est postérieur à la période au titre de laquelle les impositions en litige se rapportent, ne saurait donc, en tout état de cause, être utilement invoqué sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA BRIT AIR n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par la SA BRIT AIR et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA BRIT AIR est rejetée.
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N° 10VE02993