La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2012 | FRANCE | N°11VE03817

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 novembre 2012, 11VE03817


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 novembre 2011, présentée pour M. Mehmet A, élisant domicile chez Me Akagunduz, ..., par Me Akagunduz, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103724 du 7 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 6 avril 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d

'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 14 novembre 2011, présentée pour M. Mehmet A, élisant domicile chez Me Akagunduz, ..., par Me Akagunduz, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103724 du 7 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 6 avril 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour à compter de la date de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de droit en lui opposant son absence d'expérience professionnelle en France pour refuser de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- que le préfet n'ayant pas produit de mémoire en défense, le tribunal administratif ne pouvait pas retenir que cette erreur était sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué au motif que l'exposant n'avait justifié d'aucune expérience professionnelle, même acquise en Turquie, alors que le préfet n'a jamais fait valoir un tel motif et qu'en outre, son expérience professionnelle de chef de chantier en Turquie ressortait des certificats de travail produits devant les services de la préfecture ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et la liste qui y est annexée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de M. Guiard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A, ressortissant turc né le 1er février 1981, fait appel du jugement du 7 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 6 avril 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, après avoir considéré que le préfet du Val-d'Oise avait ajouté une condition à celles prévues par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en exigeant de M. A qu'il justifie d'une expérience professionnelle acquise en France, a jugé que cette erreur de droit était sans influence sur la légalité de l'arrêté du 6 avril 2011, dès lors que le requérant ne démontrait pas avoir une quelconque expérience professionnelle, même acquise en Turquie, pour le métier de chef de chantier ; que, toutefois, un tel motif n'était pas au nombre de ceux sur lesquels repose la décision attaquée et n'a pas été invoqué par l'administration devant le tribunal administratif ; que ce motif, qui n'est pas d'ordre public, ne pouvait donc être soulevé d'office par le tribunal, dont le jugement est ainsi entaché d'irrégularité ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le requérant devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, que Mme Martine Thory, directrice de l'accueil du public, de l'immigration et de la citoyenneté, avait reçu par arrêté du préfet du Val-d'Oise du 23 décembre 2010, publié au recueil des actes administratifs du département le 30 décembre suivant, délégation à l'effet de signer les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant les pays de renvoi ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice d'incompétence manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé à M. A le 6 avril 2011 comporte les éléments de fait et de droit sur lesquels il est fondé ; que cet arrêté est par suite suffisamment motivé ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas à être instruite dans les règles fixées par le code du travail relativement à la délivrance de l'autorisation de travail mentionnée à son article L. 341-2 du code du travail, aujourd'hui repris à l'article L. 5221-2 ; qu'il s'ensuit que M. A n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû soumettre sa demande de titre de séjour à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, dans l'hypothèse où un demandeur justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité figurant dans la liste annexée à l'arrêté susvisé du 18 janvier 2008, celui-ci ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et recensés comme tels dans l'arrêté du 18 janvier 2008, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

8. Considérant, d'une part, que M. A a sollicité la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 précité en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité de chef de chantier, métier qui figurait sur la liste annexée à l'arrêté interministériel du 18 janvier 2008 ; que le préfet du Val-d'Oise, dans son arrêté du 6 avril 2011, a toutefois estimé que l'admission au séjour de M. A n'était justifiée par aucun motif exceptionnel dès lors, d'une part, que l'intéressé ne démontrait pas avoir acquis une expérience professionnelle en France et, d'autre part, qu'il n'apportait pas la preuve de la réalité de sa présence habituelle sur le sol français depuis l'année 2001 ; que si le requérant relève qu'en exigeant de lui une expérience professionnelle acquise en France, le préfet a commis une erreur de droit, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur la seule durée, insuffisante, de séjour en France du requérant ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par M. A de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur de droit doit être écarté ;

9. Considérant, d'autre part, que si M. A soutient qu'il a acquis une expérience de chef de chantier en Turquie, il ne produit aucun document à l'appui de cette affirmation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer au requérant une carte de séjour salarié au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet du Val-d'Oise aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

11. Considérant que si M. A fait valoir qu'il réside sur le sol français depuis le mois de mai 2001, qu'il a tissé d'intenses liens personnels avec la France et qu'il n'a jamais troublé l'ordre public, ni la réalité de la présence habituelle en France du requérant, ni le fait qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, ne sont établis ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que M. A est célibataire et sans enfant à charge ; que, dans ces conditions, le moyen tiré par le requérant de ce que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il poursuit et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 6 avril 2011 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1103724 du 7 octobre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus de ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

''

''

''

''

N° 11VE03817 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03817
Date de la décision : 06/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : AKAGUNDUZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-06;11ve03817 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award