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23/10/2012 | FRANCE | N°11VE01774

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 23 octobre 2012, 11VE01774


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. B...D..., demeurant au..., par la SCP A...-Escoubès, cabinet d'avocats ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905432 en date du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2009 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine a autorisé son licenciement pour motif économique par le GIE Kaufman et Broad ;

2°) d'annuler cette décision

;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre ...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. B...D..., demeurant au..., par la SCP A...-Escoubès, cabinet d'avocats ; M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905432 en date du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2009 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine a autorisé son licenciement pour motif économique par le GIE Kaufman et Broad ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que seul l'inspecteur du travail de l'Isère était compétent pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de son employeur dès lors que l'établissement de Grenoble au sein duquel il travaillait disposait d'une parfaite autonomie ; qu'en se bornant à examiner la situation économique et financière du GIE Kaufman et Broad sans prendre en compte l'ensemble du secteur d'activité de la promotion immobilière de logement au sein du groupe PAI Partners y compris à l'étranger, l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit ; que les difficultés économiques invoquées par le GIE Kaufman et Broad n'étaient ni réelles ni sérieuses ; que son emploi n'a pas véritablement été supprimé mais a été confié à un autre salarié de l'établissement de Grenoble ; que l'activité du marché immobilier dans la région a donné des signes de reprise ; que le poste de reclassement qu'on lui a proposé au sein de l'agence de Lyon n'était pas équivalent à celui qu'il occupait à Grenoble ; qu'aucune autre proposition ne lui a été faite en France ou à l'étranger au sein du groupe PAI Partners alors qu'il existait notamment un poste vacant de responsable de programme à Montpellier ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2012 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- les observations de Me A...pour M.D...,

- et les observations de Me C...pour le GIE Kaufman et Broad ;

Considérant que M.D..., délégué du personnel suppléant, occupait depuis le 1er octobre 2005 un emploi de " directeur montage " au sein de l'agence grenobloise du groupe Kaufman et Broad ; que son poste a été supprimé dans le cadre d'un plan de réorganisation adopté par le GIE Kaufman et Broad en 2008 ; qu'au vu du refus par l'intéressé du poste de directeur " montage technique " au sein de l'agence de Lyon qui lui avait été proposé en vue de son reclassement, le GIE Kaufman et Broad a demandé à l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique ; que M. D...relève appel du jugement du 10 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 2009 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement

investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs

qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces

salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l`intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

Sur la compétence de l'inspecteur du travail :

Considérant que l'article L. 2421-3 du code du travail dispose : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé (...) " ;

Considérant que M.D..., salarié du GIE Kaufman et Broad, dont le siège social est situé à Neuilly-sur-Seine (92), et investi du mandat de délégué du personnel suppléant, exécutait son contrat de travail au sein de l'établissement grenoblois du groupe éponyme ; que si l'intéressé fait valoir que cet établissement bénéficiait d'une autonomie de gestion, il ressort toutefois des pièces versées au dossier que la gestion des ressources humaines était assurée, pour l'ensemble des établissements du groupe, par le siège social du GIE ; que, d'ailleurs, il est constant que les convocations de l'intéressé à l'entretien préalable de licenciement et devant le comité d'entreprise, la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail, la lettre de licenciement ainsi, en outre, que tous les autres courriers échangés au cours de la procédure, ont été signés par le directeur des ressources humaines installé au siège social de l'entreprise, où a ainsi été élaboré et décidé le licenciement en cause ; que, dans ces conditions, et nonobstant la présence de délégués du personnel, le site de Grenoble ne peut être regardé comme disposant d'une autonomie suffisante de nature à lui conférer le caractère d'établissement au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail précitées ; que, par suite, l'inspecteur du travail de la 7ème section des Hauts-de-Seine, dont relève le siège social du GIE Kaufman et Broad, était territorialement compétent pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par lui ;

Sur la réalité du motif économique du licenciement :

Considérant, en premier lieu, que le GIE Kaufman et Broad exerce une activité de

développeur constructeur de maisons individuelles en villages ainsi que d'appartements et de

résidences de services ; que le GIE Kaufman et Broad est placé sous le contrôle de la société

Financière Gaillon 8 SAS, elle-même contrôlée par le fonds d`investissement PAI Partners ;

qu'il ressort des pièces du dossier que le GIE Kaufman et Broad a enregistré en 2007 et 2008

une baisse importante de l'ensemble de ses résultats comptables et une baisse en volume des

réservations de logements ; qu'au cours de l'année 2008, en particulier, outre un chiffre d'affaires et une marge brute respectivement en baisse de 15,7 % et 33,7 % par rapport aux chiffres de l'exercice 2007, il a été constaté une baisse de 51,1 % du résultat opérationnel courant du groupe Kaufman et Broad ; que cette baisse des indicateurs d'activité, généralisée à l'ensemble du groupe Kaufman et Broad, s'est poursuivie au cours du premier trimestre de l'année 2009 ; que la situation du marché immobilier dans la région de Grenoble apparaissait particulièrement dégradée ; que c'est dans ce contexte qu'un plan de réorganisation du groupe a été adopté ; que celui-ci prévoyait, outre la fermeture d'établissements et le regroupement de fonctions entre certains établissements du groupe, la suppression de cent soixante-six postes ; qu'au titre de cette réorganisation, il était notamment prévu de centraliser, au sein de l'établissement de Lyon le montage des opérations immobilières lancées dans la région de Lyon et de Grenoble et de ne garder sur le site de Grenoble qu'une structure allégée ; qu'à cet égard il était prévu la suppression, au sein de l'agence de Grenoble, du poste de " Directeur Montage " occupé jusqu'alors par M. D...; que l'ensemble de ces circonstances étaient de nature à établir la réalité du motif économique allégué par le groupe Kaufman et Broad pour justifier la nécessité de réorganiser son activité, tenant en l'espèce à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et à supprimer certains postes, dont celui du requérant ; que la circonstance, à la supposer établie, que la situation concurrentielle du GIE Kaufman et Broad sur le marché de la promotion immobilière de logements n'aurait pas été affectée par ces difficultés compte tenu du fait que la crise qui a affecté ce marché a touché l'ensemble des opérateurs économiques qui y interviennent est sans incidence sur la réalité desdites difficultés ;

Considérant, en deuxième lieu, que si, pour apprécier la réalité du motif économique invoqué à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un ou de plusieurs salariés, présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse, elle n'est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe, de faire porter son examen que sur la situation économique des sociétés du groupe ayant leur siège social en France et des établissements de ce groupe situés en France, et oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause ; qu'il ressort des pièces du dossier que le groupe Kaufman et Broad est détenu par la société financière Gaillon 8 SAS, elle-même contrôlée par le fonds d'investissement PAI Partners ; qu'aucune de ces deux sociétés n'a d'activité dans le secteur de la promotion immobilière en dehors de celle du GIE Kaufman et Broad qui n'a elle-même aucune activité à l'étranger ; que l'inspecteur du travail n'a par conséquent commis aucune erreur de droit en vérifiant la réalité des difficultés économiques invoquées au seul niveau du GIE Kaufman et Broad en France ;

Considérant, en troisième lieu, que le requérant soutient avoir produit des éléments

établissant la reprise, au cours de la procédure de licenciement, du marché de l'immobilier dans

la région de Grenoble ; que ces éléments n'établissent pas que les difficultés économiques qui ont justifié la procédure de licenciement de M. D...avaient pris fin à la date de la décision attaquée, alors que le résultat net de l'entreprise pour l'année 2009 fait apparaître une perte de près de 30 millions d'euros ; que la circonstance, à la supposer établie, que la situation de la société se serait ultérieurement améliorée ne suffit pas à démontrer qu'à la date de son licenciement, celui-ci n'était pas justifié ;

Considérant, en quatrième lieu, que le requérant soutient que, contrairement à ce que

prétend son employeur, son emploi n'a pas été supprimé ; qu'à l'appui de cette allégation, le

requérant produit une note interne du 5 mars 2009 ayant pour objet " l'organisation interne pour

les opérations de montage " et indiquant qu' " à compter d'aujourd'hui, la mise en oeuvre des

dossiers de permis de construire est placée sous la responsabilité opérationnelle de J.-M. E... " ; que le fait que les fonctions de M. D...ont été depuis confiées à un autre salarié n'ôte pas au licenciement en cause son motif économique, ce remplacement ayant été effectué sans embauche supplémentaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à

soutenir que la réalité du motif économique invoqué à l'appui de la demande d'autorisation de

licenciement ne serait pas établie ;

Sur le reclassement de M. D...:

Considérant que, par un courrier en date du 6 novembre 2008, le GIE Kaufman et

Broad a proposé à M. D...de le reclasser sur un poste de " Directeur Montage Technique " au sein de l'établissement de Lyon ; que, dans un courriel en date du 2 décembre 2008 adressé au requérant, le directeur des ressources humaines lui a indiqué que son niveau de rémunération serait conservé dans l'hypothèse d'un accord ; qu'il lui a en outre fourmi la liste des postes disponibles au sein du groupe, accompagnée des fiches descriptives ; que, par un courrier en date du 11 décembre 2008, M. D...a indiqué a son employeur qu'il n'était intéressé par aucune des propositions de reclassement formulées au motif qu'elles ne correspondaient ni à son

expérience, ni à ses qualifications ; que toutefois, à supposer que l'emploi qui lui a été proposé ne correspondait pas au niveau de celui qu'il occupait au sein de l'établissement de Grenoble, M. D... n'établit ni même n'allègue qu'il existait des postes vacants au sein du groupe qui auraient été plus comparables à celui qu'il occupait ; qu'il n'en va notamment pas ainsi du poste de " Responsable de programme " au sein de l'établissement de Montpellier pour lequel il n'a par ailleurs jamais fait acte de candidature alors qu'il lui avait été proposé ; que M. D... n'est ainsi pas fondé à soutenir que son employeur n'a pas procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement le concernant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 10 mars 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu`il y a lieu. dans les circonstances de l'espèce, de faire application des

dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le GIE Kaufman et Broad et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. D...soient mises a la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D...est condamné à payer au GIE Kaufman et Broad la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

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N° 11VE01774 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE01774
Date de la décision : 23/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-02-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés non protégés - Licenciement pour motif économique. Réalité du motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-23;11ve01774 ?
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