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18/10/2012 | FRANCE | N°10VE03119

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 octobre 2012, 10VE03119


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP), dont le siège est situé 24 rue de la Bataille à Cormeilles-en-Parisis (95240), par Me Colas de la Noue, avocat à la Cour ; la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606650 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 27 juillet 2010 en tant qu'il a limité la condamnation de la commune de C

ormeilles-en-Parisis à l'indemniser d'une somme de 4 000 euros au tit...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP), dont le siège est situé 24 rue de la Bataille à Cormeilles-en-Parisis (95240), par Me Colas de la Noue, avocat à la Cour ; la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606650 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 27 juillet 2010 en tant qu'il a limité la condamnation de la commune de Cormeilles-en-Parisis à l'indemniser d'une somme de 4 000 euros au titre des frais de présentation de son offre et a rejeté sa demande de réparation du préjudice subi du fait du manque à gagner résultant pour elle de son éviction irrégulière de la procédure d'appel d'offres lancée en vue de l'attribution d'un marché public pour la réalisation de travaux de construction d'un groupe scolaire et d'un équipement de petite enfance au sein de la zone d'aménagement concerté des Bois Rochefort ;

2°) de condamner la commune de Cormeilles-en-Parisis à l'indemniser d'une somme de 246 125 euros au titre des frais de présentation de son offre et du manque à gagner, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa requête introductive d'instance devant le tribunal administratif, lesdits intérêts étant capitalisés à la date du 20 septembre 2010 et à chaque échéance annuelle de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cormeilles-en-Parisis, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 7 000 euros au titre de la procédure de première instance et d'une somme de 5 000 euros au titre de la procédure d'appel ;

Elle soutient :

- que le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal s'est fondé sur une pièce produite par la commune qui ne lui a pas été communiquée, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- que le montant attribué au titre des frais de présentation de son offre est dérisoire, puisqu'elle a eu à supporter des dépenses de métreur et d'ingénieur extérieur pour un montant de 14 025 euros et des frais d'études internes pour un montant de 15 400,52 euros ; que, par ailleurs, le rapport d'analyse des offres établi par le maître d'oeuvre est dépourvu d'authenticité dès lors qu'il n'est pas établi sur du papier à en-tête du maître d'oeuvre et ne comporte aucune signature ; qu'il a été établi en deux jours ouvrables, un tel délai ne pouvant être tenu eu égard à l'importance du marché en cause ;

- qu'elle avait de sérieuses chances d'être retenue contrairement à ce que mentionne le rapport d'analyse, lequel est entaché d'incohérences flagrantes et d'erreurs manifestes ; qu'ainsi, s'agissant du sous-critère du planning et de l'ordonnancement des travaux, le délai de préparation du chantier indiqué par elle n'était pas d'un mois mais de huit jours ; que les ordres préparatoires à la réception n'avaient pas à être produits en l'absence d'une telle obligation dans le règlement de consultation des entreprises ; que la circonstance qu'elle se proposait d'achever en dernier lieu la zone 3 comprenant les locaux les plus techniques n'impliquait aucun risque de retard dès lors que les travaux de gros oeuvre de cette zone devaient être achevés au terme du huitième mois ; que son planning prévisionnel n'avait pas prévu que les trois zones de construction devaient être réalisées les unes après les autres, mais que seuls leurs éléments constitutifs devaient l'être, alors que le mémoire de la société SNRB ne permet en aucun cas d'établir que son offre aurait prévu deux chantiers distincts ; que le planning d'exécution de la société SNRB doit être produit afin de vérifier l'organisation arrêtée par cette société ; que, s'agissant du sous-critère de l'organisation et de l'installation du chantier, le rapport d'analyse des offres retient qu'elle a prévu deux entrées de chantier et deux grues comme la SNRB et que la grue mobile n'était en aucun cas située hors de l'emprise du chantier ; que, s'agissant du sous-critère des éléments du mode opératoire et des procédés, la commune ne peut lui reprocher de ne pas avoir produit des fiches techniques qui n'étaient pas exigées par le règlement de consultation et que d'autres entreprises n'ont d'ailleurs pas produites ; que la composition de l'équipe prévue par la SNRB était sensiblement identique à la sienne ; que le rapport d'analyse des offres ne peut lui reprocher de ne pas avoir produit les curriculum vitate de son personnel d'encadrement et la liste des sous-traitants qui n'étaient pas demandés au stade de l'offre ; que les frais d'entreprise générale de la société SNRB étaient plus de deux fois supérieurs aux siens sans que cet élément ait été retenu en défaveur de la société SNRB ; que, s'agissant du sous-critère des postes du quantitatif, elle a mentionné un montant pour les menuiseries extérieures en aluminium similaire à celui de la SNRB après prise en compte de l'ensemble des chiffres ; que si le poste fondations du lot gros oeuvre ne mentionne pratiquement aucune longrine, c'est parce qu'elle a opté pour une technique différente par la mise en oeuvre d'un nombre plus élevé de puits, ce qui justifie l'utilisation d'une quantité moindre de béton et de coffrages par rapport aux estimations faites par le maître d'oeuvre ; que, pour les terrassements, l'estimation faite par la société SNRB est similaire à la sienne après prise en compte de l'ensemble des chiffres ; qu'il en est de même pour l'évaluation des voiles ; que pour l'évaluation des planchers et du lot cloison doublage, l'estimation qu'elle a produite est quasiment identique à celle faite par la SNRB ; que pour les carreaux à pose scellée ou collés, son estimation rejoint celle faite par le maître d'oeuvre ; que, s'agissant du sous-critère des prix unitaires, le rapport d'analyse mentionne ses prix excessifs, alors que la société SNRB a proposé des chiffres plus élevés sans encourir de critiques ; qu'ainsi la valeur technique de son offre était supérieure à celle de la SNRB et que le critère du prix aurait dû être mieux noté ; qu'ainsi elle avait de sérieuses chances de remporter le marché et que, par conséquent, elle peut prétendre à l'indemnisation de son manque à gagner estimé à un montant de 217 000 euros ;

......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 août 2012 :

- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- et les observations de Me Colas de la Noue, représentant la société de CONSTRUCTION, ENTRETIEN, REHABILITATION DU PATRIMOINE, et de Me Steck, substituant Me Goutal, représentant la commune de Cormeilles-en-Parisis ;

Considérant que la commune de Cormeilles-en-Parisis a, par un avis publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics le 17 mars 2006 et envoyé le 13 mars 2006, aux fins de publication, au Journal officiel de l'Union Européenne, engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en application des dispositions des articles 33, 40-V et 57 à 59 du code des marchés publics, pour l'attribution d'un marché public en vue de la réalisation de travaux de construction d'un groupe scolaire et d'un équipement de petite enfance au sein de la zone d'aménagement concerté des Bois Rochefort ; que la commission d'appel d'offres a retenu, le 19 mai 2006, l'offre de la Société nouvelle régionale du bâtiment (SNRB) ; que par un courrier en date du 20 mai 2006, le maire de la commune a informé la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP) du rejet de son offre et, par lettre du 2 juin 2006, des motifs de ce rejet à la suite d'une demande en ce sens de la société requérante ; que la société CERP relève régulièrement appel du jugement en date du 27 juillet 2010 en tant que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir annulé la décision de rejet de son offre pour méconnaissance par le pouvoir adjudicateur des règles de publicité et de mise en concurrence dans l'attribution du marché en cause, a limité l'indemnisation du préjudice subi par elle du fait de son éviction irrégulière du marché à la somme de 4 000 euros au titre des frais de présentation de son offre et a rejeté le surplus de sa demande d'indemnisation au titre du manque à gagner résultant ce qu'elle aurait eu des chances sérieuses d'emporter ledit marché ;

I. SUR LA PROCEDURE :

Sur la mise hors de cause de la Société nouvelle régionale du bâtiment (SNRB) :

Considérant que la Société nouvelle régionale du bâtiment (SNRB) fait valoir que, comme en première instance, aucune demande n'a été formée à son encontre et que le litige entre la société CERP et la commune de Cormeilles-en-Parisis est sans influence sur sa situation, dès lors que les conclusions de la requête de la société CERP ne tendent qu'à la condamnation de la commune de Cormeilles-en-Parisis à l'indemniser du préjudice qu'elle allègue avoir subi ; qu'il est constant que la présente instance ne préjudicie pas aux droits de la SNRB ; que, par suite, il y a lieu de prononcer sa mise hors de cause ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ; que pour écarter une indemnisation du manque à gagner de la société CERP au motif que son offre n'aurait pas eu de chances sérieuses d'être retenue, le tribunal s'est nécessairement fondé sur les éléments contenus dans le rapport d'analyse des offres, qu'il avait reçu le 17 mai 2010, soit trois jours avant l'audience publique, et qu'il n'a pas communiqué à la société CERP ; qu'ainsi, la société CERP est fondée à soutenir que le jugement contesté a été rendu sur ce point, en méconnaissance du principe du contradictoire, à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions indemnitaires présentées par la société CERP, et de statuer par la voie de l'évocation partielle sur ces conclusions ;

Sur l'appel incident de la commune de Cormeilles-en-Parisis :

Considérant que la requête d'appel de la société CERP est dirigée contre le jugement du 27 juillet 2010 en tant seulement que le tribunal administratif a limité la condamnation de la commune de Cormeilles-en-Parisis à l'indemniser à la seule somme de 4 000 euros au titre des frais de présentation de son offre, et a rejeté sa demande de réparation du préjudice subi du fait du manque à gagner résultant de la perte de chances sérieuses qu'elle aurait eu de remporter le marché ; que les conclusions incidentes de la commune de Cormeilles-en-Parisis sont dirigées contre ledit jugement en tant qu'il prononce l'annulation de la décision de rejet de l'offre de la société CERP ; qu'enregistrées le 1er mars 2011, soit après l'expiration du délai d'appel, elles soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de la requête de la société CERP ; que ces conclusions, qui n'ont pas été formées dans le délai d'appel, sont tardives et, par suite, irrecevables ;

II. AU FOND :

Sur la responsabilité :

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

Considérant que les critères de sélection des offres prévus par le document de consultation étaient celui de la valeur technique, pondéré à 65%, et celui du prix des prestations, pondéré à 35 % ; qu'il ressort du rapport d'analyse des offres que, d'une part, le critère de la valeur technique a été décomposé en cinq sous-critères, respectivement relatifs au planning et à l'ordonnancement des travaux, pondéré à 30%, à l'organisation et à l'installation du chantier, pondéré à 25%, aux éléments du mode opératoire, pondéré à 20%, à la composition de l'équipe, pondéré à 15%, à la cohérence des postes du quantitatif, pondéré à 10% ; que, d'autre part, le critère du prix a été décomposé en deux sous-critères, portant respectivement sur le montant de l'offre, pondéré à 80% et sur la cohérence des prix unitaires, pondéré à 20% ; que la société CERP soutient que le rapport d'analyse des offres est entaché de nombreuses erreurs dans l'appréciation comparative de son offre avec celle de la société SNRB, qui a finalement été retenue ;

Considérant, dès lors, qu'il y a lieu, afin de déterminer si la société CERP avait des chances sérieuses d'emporter le marché, d'examiner chacun des griefs articulés à l'encontre des éléments retenus par l'administration pour l'analyse comparée de son offre et de celle de la société SNRB ; qu'en l'espèce :

- S'agissant de la forme du rapport d'analyse des offres :

Considérant que les circonstances que le rapport d'analyse des offres n'ait pas été signé, qu'il n'ait pas été établi sur du papier à en-tête du maître d'oeuvre et que celui-ci l'ait rédigé en seulement deux jours ouvrés, sont sans incidence sur l'appréciation faite par la commission d'appel d'offres de la valeur relative des offres des sociétés candidates et, par suite, sur les chances pour la société CERP de remporter le marché ;

- S'agissant du sous-critère relatif aux prix unitaires (pondéré à 20%) :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les prix de la société CERP sont inférieurs à ceux de la société SNRB pour les lots charpente métal, faux plafonds, et frais d'entreprise générale ; qu'ainsi, en attribuant une note de 1/5 à la société CERP et une note de 3/5 à la SNRB, le rapport d'analyse des offres est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- S'agissant du sous-critère relatif à l'organisation et à l'installation du chantier (pondéré à 25%) :

Considérant que le rapport d'analyse des offres fait grief à la société CERP d'avoir prévu une grue fixe et une grue mobile ne permettant pas la réalisation simultanée de deux chantiers, alors qu'il mentionne que la SNRB a envisagé pour sa part deux grues fixes affectées, soit à la construction de la crèche, soit à celle du groupe scolaire ; que, toutefois, en relevant que la société CERP a prévu pour la grue mobile une implantation sur une emprise extérieure au chantier avec le risque de nuisance pour les avoisinants alors qu'il ressort des plans produits que la grue mobile prévue par la société CERP serait implantée sur l'emprise du chantier, le rapport se fonde sur des faits inexacts ; qu'ainsi, en attribuant une note de 1/5 à la société CERP et 4/5 à la SNRB, le rapport est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur respective des deux offres sur ce point ;

- S'agissant du sous-critère relatif au mode opératoire et aux procédés (pondéré à 20 %) :

Considérant qu'il ne peut être fait grief à la société CERP de n'avoir pas produit les fiches techniques pour des produits similaires des lots électricité, des lots architecturaux, équipements de cuisine, clos et couvert, dès lors que le règlement de consultation ne l'exigeait pas ; que, par ailleurs, et contrairement à ce qu'indique le rapport d'analyse des offres, il ne ressort pas du mémoire technique produit par la société SNRB, que les éléments du mode opératoire soient parfaitement détaillés ; qu'ainsi, en attribuant une note de 1/5 à la société CERP et une note de 4/5 à la SNRB, le rapport est également, sur ce point, entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur respective des deux offres ;

- S'agissant du sous-critère relatif à la composition de l'équipe (pondéré à 15 %) :

Considérant qu'il est constant que l'encadrement proposé était similaire dans les offres des deux entreprises ; que si le rapport révèle que la société CERP a obtenu une note moindre faute d'avoir présenté les curriculum vitae du personnel d'encadrement et de la liste des sous-traitants, il n'est pas contesté que la production de ces éléments n'avait pas été demandée dans le règlement de consultation ; que, par ailleurs, le rapport d'analyse présente, comme un élément positif en faveur de la société SNRB, la circonstance que cette société a, pour le poste " frais d'entreprise générale ", proposé un montant deux fois et demi plus élevé que la société CERP, alors qu'un tel élément aurait logiquement dû conduire à la conclusion inverse ; qu'ainsi, en attribuant une note de 2/5 à la société CERP et une note de 5/5 à la société SNRB, le rapport est, là encore, entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur respective des deux offres ;

- S'agissant du sous-critère relatif à la cohérence des postes du quantitatif (pondéré à 10 %) :

Considérant que la société CERP est fondée à soutenir que les différences d'évaluation relevées par le rapport d'analyse des offres au bénéfice de la société SNRB présentent un caractère manifestement factice pour les terrassements, pour les voiles et les planchers et que, pour la plupart des postes, la société CERP a fait une estimation identique à celle présentée par la société retenue ; que, par ailleurs, pour le poste fondations du gros oeuvre, le rapport retient comme élément défavorable pour la société CERP la circonstance qu'elle a procédé à une estimation moindre de la quantité de béton et de coffrages nécessaires, au regard de ce que le maître d'oeuvre avait prévu, alors qu'elle avait, pourtant, précisément justifié cette différence par le recours à une technique alternative permettant d'aboutir à une diminution du coût à hauteur de 130 000 euros ; qu'ainsi, en attribuant les notes de 2/5 à la société CERP et de 4/5 à la société SNRB, le rapport est, sur ce point, entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la valeur respective des deux offres ;

- S'agissant du sous-critère relatif au planning et à l'ordonnancement des travaux (pondéré à 30%):

Considérant que le rapport d'analyse retient comme principal grief à l'encontre de la société CERP, d'une part, que l'achèvement des travaux les plus techniques - ceux des locaux de la zone 3, qui requièrent davantage de réglages et d'essais - devait intervenir en dernier lieu avec un risque de dépassement des délais prévus et, d'autre part, qu'en prévoyant que les trois zones de construction seraient réalisées les unes après les autres et non simultanément, la société CERP n'a pas ménagé une période de rattrapage en cas de retard des travaux alors que, de son côté, la société SNRB a prévu l'organisation des travaux en deux chantiers indépendants pour le bâtiment de la crèche et pour celui du groupe scolaire, permettant ainsi de limiter ces risques de retard dans l'exécution des travaux ; que, toutefois, la société CERP conteste vivement cette appréciation en faisant valoir, d'une part, qu'il lui restait quatre mois après la fin du gros oeuvre de la zone 3 pour corriger d'éventuels défauts affectant les locaux techniques, et que seuls les éléments constitutifs des trois zones (fondations, planchers, voile en élévation...) devaient être réalisés les uns après les autres et, d'autre part, qu'il n'est nullement établi que la société SNRB avait prévu d'organiser les travaux en deux chantiers distincts, ainsi que le soutient la commune, qui s'est abstenue de produire le planning général d'exécution de la SNRB figurant en annexe du mémoire technique de cette société ;

Considérant que, ni en première instance, ni en appel, et ce, malgré une mesure d'instruction en ce sens, la commune de Cormeilles-en-Parisis n'a produit le planning général d'exécution de la société SNRB, ni n'a fourni d'explication sur l'impossibilité d'y procéder ; qu'au cours de l'audience publique devant la Cour, son conseil, dûment interrogé sur ce point, s'est d'ailleurs borné à se référer à ses écritures ; qu'en l'absence d'un tel document, ou de tout autre élément produit par la commune qui aurait permis d'établir que la réalisation des travaux de construction par la société SNRB se déroulait effectivement en deux chantiers séparés, la Cour n'est pas à même de contrôler que l'appréciation portée par la commission d'appel d'offres, qui a attribué la note de 4/5 à la SNRB et celle de 2/5 à la société CERP sur ce sous-critère, n'était pas entachée d'une erreur manifeste ; que, dans ces conditions, ce critère doit être regardé comme neutralisé pour l'examen des mérites comparés des deux offres ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le rapport d'analyse des offres, dont la commission d'appel d'offres s'est limitée à reproduire le contenu dans son procès-verbal de l'ouverture des offres du 19 mai 2006, est entaché d'une multitude d'erreurs manifestes dans l'appréciation des offres respectives de la société CERP et de la société SNRB ; qu'il ressort de l'analyse des offres de ces deux sociétés, qu'il peut être procédé à une appréciation similaire de la valeur de leurs prestations pour les sous-critères relatifs, respectivement, à l'organisation et à l'installation du chantier, au mode opératoire et aux procédés, à la composition de l'équipe, à la cohérence des postes du quantitatif, aux prix unitaires et que le sous-critère tenant au planning et à l'ordonnancement des travaux doit être neutralisé ; qu'il n'est pas contesté, s'agissant du sous-critère relatif au prix global, pondéré à 80 % du critère du prix, que la requérante devait recevoir, en raison d'un prix nettement inférieur à celui proposé par les autres candidats, une meilleure note sur ce point ; qu'ainsi, après redressement des erreurs d'appréciation ainsi commises par l'administration, le résultat de l'appel d'offres aurait dû conduire à ce que la société CERP reçoive une note globale supérieure à celle des trois autres candidats ; qu'elle est donc, par suite, fondée à soutenir qu'elle a perdu une chance sérieuse d'emporter le marché de travaux de construction d'un groupe scolaire et d'un équipement de petite enfance (crèche) au sein de la zone d'aménagement concerté des Bois Rochefort ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que la société CERP a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière de l'attribution du marché, incluant nécessairement, en l'absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l'offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l'entreprise qui seraient affectés à ce marché ; que la requérante produit une feuille de vente détaillant le calcul ayant abouti à sa proposition de prix pour le marché en cause, fixé à hauteur d'une somme de 6 200 000 euros, et faisant apparaître le bénéfice escompté sur les travaux à exécuter par elle et sur ceux à exécuter par ses sous-traitants, pour un montant total de 248 960 euros, avec une marge nette de 5 % sur les travaux exécutés directement par son personnel, de 10 % sur la sous-traitance du gros oeuvre et de 3,5 % sur la sous-traitance du second gros oeuvre ; que, dans ces conditions, et compte tenu du prix marché, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi par la société CERP en l'évaluant à la somme de 246 125 euros, incluant les frais de présentation de l'offre ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant qu'il convient de fixer le point de départ des intérêts légaux auxquels a droit la société CERP au 19 juillet 2006, date de saisine par cette société du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande contentieuse d'indemnisation ; que l'entreprise a demandé la capitalisation des intérêts le 20 septembre 2010 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

III. Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP) qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Cormeilles-en-Parisis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner la commune de Cormeilles-en-Parisis à verser à la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE (CERP) une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens au titre de l'appel ; qu'en revanche, la société CERP n'est pas recevable à demander en appel la condamnation de la Commune à lui verser une somme au titre des frais exposés par elle au titre de la première instance, dès lors qu'elle ne conteste pas, devant la Cour, le montant de la somme allouée à ce titre par les premiers juges ;

DECIDE :

Article 1er : La Société nouvelle régionale du bâtiment est mise hors de cause.

Article 2 : Les articles 2 et 4 du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 0606650 en date du 27 juillet 2010 sont annulés.

Article 3 : La commune de Cormeilles-en-Parisis est condamnée à verser à la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE la somme de 246 125 euros (DEUX CENT QUARANTE-SIX MILLE CENT VINGT-CINQ EUROS) au titre du manque à gagner subi par cette société à la suite du refus de son offre.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2006.

Les intérêts échus le 20 septembre 2010 seront capitalisés à cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'appel incident de la commune de Cormeilles-en-Parisis est rejeté.

Article 5 : La commune de Cormeilles-en-Parisis versera à la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE la somme de 4 000 euros (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la société de CONSTRUCTION ENTRETIEN REHABILITATION DU PATRIMOINE et les conclusions de la commune de Cormeilles-en-Parisis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour les frais exposés en première instance sont rejetés.

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N° 10VE03119 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03119
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. DIÉMERT
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : GENTILHOMME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-18;10ve03119 ?
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