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18/10/2012 | FRANCE | N°10VE02953

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 18 octobre 2012, 10VE02953


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société FONDATECH, dont le siège social est rue des Cèdres à Saint-Julien-l'Ars (86800), par Me Jouteux, avocat à la Cour ;

La société FONDATECH demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700933 en date du 9 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la société d'économie mixte pour l'aménagement et le développement économique des Hauts-de-Seine

" SEM 92 " à lui verser la somme de 135 392,32 € avec intérêts au taux légal depui...

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société FONDATECH, dont le siège social est rue des Cèdres à Saint-Julien-l'Ars (86800), par Me Jouteux, avocat à la Cour ;

La société FONDATECH demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700933 en date du 9 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la société d'économie mixte pour l'aménagement et le développement économique des Hauts-de-Seine " SEM 92 " à lui verser la somme de 135 392,32 € avec intérêts au taux légal depuis le 26 octobre 2006 et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'interruption du chantier de construction du bâtiment du centre d'art contemporain dans l'île Saint-Germain, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) résultant de la suspension du permis de construire afférent et, d'autre part, à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

2°) de condamner la SEM 92 à lui verser les sommes susmentionnées ;

Elle soutient :

- que le brutal arrêt des travaux du chantier de construction du bâtiment du centre d'art contemporain résulte de la suspension par le juge administratif du permis de construire en cause, qui a conduit l'entreprise à se retirer du chantier sans avoir exécuté sa prestation ; que l'illégalité d'un permis de construire délivré par une commune entraîne la responsabilité de cette dernière ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'elle justifie de son préjudice, résultant de l'immobilisation de son matériel, compte tenu par ailleurs de l'indemnisation qui lui a été accordée par le juge judiciaire ;

- que le protocole transactionnel signé entre la SEM 92 et la société Gery Dutheil, maître d'oeuvre, lui a été opposé par les premiers juges sans que ces derniers en ordonnent la production et alors qu'il ne lui a pas été davantage communiqué ; qu'il convient d'ordonner sa production dans le cadre de la présente instance ;

- que la SEM 92 doit indemniser la requérante en conséquence de son comportement fautif ; qu'elle aurait dû se préoccuper de l'application du protocole transactionnel signé avec le maître d'oeuvre ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2012 :

- le rapport de M. Diémert, président assesseur,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- les observations de Me Delelis, pour la SEM 92,

- et les observations de Me Cabanes, pour le syndicat mixte de l'île Saint-Germain ;

Considérant que, pour assurer la maîtrise d'ouvrage en vue de la construction et la gestion d'un centre d'art contemporain sur l'île Saint-Germain, comprise dans le territoire de la commune d'Issy-les-Moulineaux, le département des Hauts-de-Seine et ladite commune ont créé le syndicat mixte de l'île Saint-Germain, lequel a conclu, le 5 mars 2001, avec la société d'économie mixte pour l'aménagement et le développement économique des Hauts-de-Seine (SEM 92), une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage ; que par marché en date du 18 février 2003, la société FONDATECH a été acceptée comme sous-traitant de la société Gery Dutheil, elle-même titulaire du lot gros oeuvre et maître d'oeuvre ; qu'un recours ayant été déposé devant la juridiction administrative à l'encontre du permis de construire du centre d'art contemporain, les travaux ont été interrompus à la demande du préfet des Hauts-de-Seine ; que, par ordonnance en date du 5 mai 2003, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a suspendu l'arrêté par lequel le maire d'Issy-les-Moulineaux a délivré ledit permis de construire, qui a ultérieurement été annulé par ce tribunal ; que le syndicat mixte a alors décidé de procéder à la résiliation du marché ; qu'à la suite de cette décision, un protocole transactionnel a été signé le 25 janvier 2005 entre ledit syndicat mixte et la société Gery Dutheil, aux fins de tirer les conséquences de la résiliation ; que ce protocole a été approuvé par délibération du comité du syndicat mixte en date du 20 décembre ;

Considérant que la société FONDATECH a estimé être créancière à l'égard de la société Gery Dutheil d'une somme de 168 114,88 € TTC correspondant à l'amené et au repli de l'équipement de forage, à la fourniture des armatures et à l'immobilisation de l'équipe et du matériel du 18 avril au 13 juin 2003 ; qu'elle a obtenu de la Cour d'appel de Paris, par un arrêt rendu le 15 février 2006, la condamnation de la société maître d'oeuvre à lui verser la somme de 32 722,56 € sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que toutefois, la Cour d'appel de Paris a estimé que le maintien du sous-traitant sur le chantier était exclusivement imputable à un cas de force majeure au sens de l'article 1148 du code civil et qu'il devait conserver à sa charge le coût des matériaux qu'il n'aurait pas utilisés ; que la société FONDATECH a alors entrepris de rechercher devant le juge administratif la responsabilité extracontractuelle de la SEM 92 à raison des mêmes préjudices, diminués de la part déjà indemnisée par le juge judiciaire ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions au motif que la SEM 92 n'a commis aucune faute à l'encontre de la société requérante ;

Sur la recevabilité de certaines des conclusions d'appel :

Considérant que la société FONDATECH a présenté, dans son mémoire enregistré le 12 septembre 2012, des conclusions tendant à la condamnation de la société Gery Dutheil et du syndicat mixte de l'île Saint-Germain à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi ; que de telles conclusions, qui n'ont pas été formées en première instance, présentent le caractère de demandes nouvelles et sont, par suite, irrecevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour rejeter les conclusions de la société FONDATECH, les premiers juges ont fondé les motifs de leur décision sur le contenu du protocole transactionnel conclu entre la SEM 92 et la société Gery Dutheil, sans que ce document, qui avait été transmis au tribunal, à sa demande, par le défendeur, ne soit communiqué à la requérante ; qu'ainsi, et alors même que ce protocole comportait une clause de confidentialité, la société FONDATECH est fondée à soutenir que le jugement est intervenu en violation du principe du contradictoire et doit pour ce motif être annulé ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et d'évoquer l'affaire pour y statuer ;

Au fond :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la SEM 92 :

Sur la responsabilité contractuelle de la SEM 92 :

Considérant que la société FONDATECH recherche la responsabilité contractuelle de la SEM 92 qui serait engagée pour défaut d'exécution à son égard des stipulations du protocole transactionnel, conclu le 25 janvier 2005 entre la SEM 92 et la société Gery Dutheil ; que ce fondement relève d'une cause juridique distincte de celle soulevée devant les premiers juges, lesquels n'ont été saisis que de conclusions fondées sur le seul terrain de la responsabilité extracontractuelle de l'intimée ; qu'en tout état de cause, la société FONDATECH, qui est tiers par rapport audit protocole, ne saurait utilement s'en prévaloir ;

Sur la responsabilité pour faute de la SEM 92 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les faits générateurs du préjudice dont la société FONDATECH demande réparation, et consistant en l'immobilisation de son matériel sur les lieux du chantier interrompu, trouvent leur origine, soit dans l'illégalité d'un permis de construire délivré par la commune d'Issy-les-Moulineaux, soit dans la résiliation par le syndicat mixte de l'île Saint-Germain, pour un motif d'intérêt général, du marché signé avec la société Gery Dutheil, soit dans le caractère tardif de l'octroi de l'autorisation d'évacuer le matériel du chantier accordée par la commune d'Issy-les-Moulineaux ; que ces actes, à les supposer fautifs, émanent de personnes morales distinctes de la SEM 92, laquelle, en outre, n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, commis de faute en donnant l'ordre d'engager les travaux malgré l'existence d'un recours pendant devant la juridiction administrative ; que, dès lors, la SEM 92, maître d'ouvrage délégué, n'a commis, à l'encontre de la société FONDATECH, sous-traitant, aucune faute de nature à engager sa responsabilité envers elle ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société FONDATECH, qui n'a pas fondé sa demande sur les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance relatives au droit au paiement direct, et qui n'a d'ailleurs pas saisi directement la SEM 92 d'une demande en ce sens, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de la société d'économie mixte devant les juridictions de l'ordre administratif ;

Considérant que les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 précitée ne font pas obstacle à ce que le paiement du sous-traitant soit directement effectué par le titulaire du marché, éteignant ainsi à due concurrence la créance du sous-traitant sur le maître d'ouvrage ; que, comme il a été rappelé ci-dessus, la société Gery Dutheil qui avait perçu une somme de 699 896,01 € au titre du décompte général définitif du marché, a en outre, en application de l'article 1er du protocole transactionnel conclu le 25 janvier 2005, perçu de la SEM 92 une indemnité globale de 901 218,29 € TTC ; que ces sommes comportaient notamment une somme de 229 532,56 € destinée à l'indemnisation de la seule société FONDATECH ; que l'article 3 du protocole susmentionné lui faisait obligation de " faire son affaire de toutes réclamations éventuelles émanant de ses sous-traitants, de sorte que la SEM 92 ne soit en aucune manière inquiétée de cette question " ; qu'il est constant que la société Gery Dutheil n'a pas utilisé l'intégralité des sommes qui lui ont été versées aux fins d'indemnisation de ses sous-traitants, et qu'il n'apparaît pas qu'elle a informé le juge judiciaire, lorsqu'il a statué sur la demande indemnitaire de la société FONDATECH, de l'existence de ce protocole transactionnel et des obligations précises et inconditionnelles qu'il mettait à sa charge ; que, dans ces conditions, alors même qu'est intervenu l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 15 février 2006, il appartient à la société FONDATECH, si elle s'y croit fondée, de saisir à nouveau le juge judiciaire afin de faire valoir, au vu des éléments dont l'existence a été révélée par la présente instance, son droit éventuel à indemnisation par la société Gery Dutheil ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société FONDATECH n'est pas fondée à demander que la SEM 92 soit condamnée à réparer le préjudice résultant pour elle de l'exécution du marché de sous-traitance passé dans le cadre de la construction du bâtiment du centre d'art contemporain de l'île Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la société FONDATECH, qui succombe dans la présente instance, puisse en invoquer le bénéfice ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des autres parties présentées sur le même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0700933 en date du 9 juillet 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société FONDATECH devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : L'ensemble des conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 10VE02953 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02953
Date de la décision : 18/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation - Droit à indemnité.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Prix - Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : Mme COROUGE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIÉMERT
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : JOUTEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-18;10ve02953 ?
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