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16/10/2012 | FRANCE | N°10VE03742

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 16 octobre 2012, 10VE03742


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL GERARD SEDRU MUSIC, dont le siège social est 80, chemin des Pelouses d'Avron à Neuilly-Plaisance (93360), par la SCP Ruby-Sonet, avocat à la Cour ; la SARL GERARD SEDRU MUSIC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704334 en date du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la p

ériode du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, d'autre part, des coti...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL GERARD SEDRU MUSIC, dont le siège social est 80, chemin des Pelouses d'Avron à Neuilly-Plaisance (93360), par la SCP Ruby-Sonet, avocat à la Cour ; la SARL GERARD SEDRU MUSIC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704334 en date du 23 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et taxes susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée : que, d'une part, le taux réduit de 5,50 % prévu par le b bis) de l'article 279 du code général des impôts s'applique aux spectacles de variétés ; qu'elle a appliqué, à bon droit, ce taux réduit dès lors que ne peut lui être opposée la circonstance qu'elle n'est pas propriétaire de ces spectacles alors que la plupart relèvent du domaine public ; que cette application a été validée par la lettre du 23 janvier 2006 du directeur des services fiscaux selon laquelle le taux réduit concerne tous les contrats qui se rapportent à ces spectacles ; que d'autres entreprises, placées dans une situation comparable, ont obtenu l'application du taux réduit ainsi que le dégrèvement des rappels de taxe correspondants ; qu'il y a lieu de lui appliquer la documentation de base référencée 3 C-224, laquelle distingue un entrepreneur de spectacles au sens de l'article 1er-1 de l'ordonnance du 13 octobre 1945, assumant une prise de risque commercial, d'un prestataire de services ou d'un agent artistique ; que le taux réduit est applicable aux cessions ou concessions du droit d'exploitation effectuées par les producteurs de spectacles et, en l'espèce, aux contrats intitulés par erreur " contrats de vente " ; que la jurisprudence du Conseil d'Etat ainsi qu'une circulaire du 23 mars 1988 retiennent l'application du taux réduit quels que soient les termes du contrat liant l'entrepreneur de spectacles à l'organisateur, même si sa rémunération est indépendante des gains ou des pertes réalisés par celui-ci ; que l'absence de prise de risque commercial ne peut, dès lors, lui être opposée compte tenu du caractère déterminant de sa responsabilité artistique ; que, d'autre part, elle entre également dans le champ de l'article 281 quater du code général des impôts qui prévoit l'application d'un taux réduit de 2,10 % aux recettes provenant des 140 premières représentations, en France, d'oeuvres ou de spectacles nouvellement créés ; que la preuve tenant à l'absence de spectacles de certains groupes avant mars 2003 (artiste Kairson et groupe Tcharivni) est impossible à rapporter ; que, tant la doctrine que la jurisprudence reconnaissent d'ailleurs l'impossibilité de rapporter la preuve d'un fait négatif ; que le caractère nouveau des spectacles du Choeur d'enfants ukrainiens ne peut être contesté, compte tenu du recours à de nouveaux interprètes ; qu'il en va de même s'agissant des artistes entourant les spectacles donnés par J.P Polletti ;

- en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés : que le passif constaté n'est pas injustifié, dès lors qu'il est établi que M. A, en sa qualité de gérant et associé, a effectué des avances en espèces pour régler des factures de fournisseurs, des menues acquisitions ou des cachets d'artistes ; qu'un journal de caisse fait d'ailleurs apparaître M. A comme un de ses créanciers ; que des factures ou tickets de caisse ont été produits, justifiant la réalité et le montant des sommes exposées ; que ces sommes ne représentent pas un montant excessif et qu'elle peut se prévaloir de la documentation de base référencée 4 C-122 n° 5 et de la réponse ministérielle faite le 18 juin 1954 à M. Lyautey, député ; qu'il est également justifié des dépenses de M. A, engagées dans l'intérêt de l'exploitation, correspondant à des frais de voyage et à des frais de déplacement, qui ne revêtent pas davantage un caractère excessif ; qu'enfin, il a été justifié des cachets versés aux artistes et des primes dues aux chauffeurs, par la production de reçus de paiement dont certains sont établis au nom de la société ; que la dette à l'égard de M. A est, ainsi, établie et que les sommes acquittées en espèces pour le compte de la société et inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert dans les écritures de celle-ci devaient être prises en compte pour la détermination de l'actif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Riou, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Sonet pour la SARL GERARD SEDRU MUSIC ;

Considérant que la SARL GERARD SEDRU MUSIC, qui a pour activité la fourniture de concerts de musique à des organisateurs de spectacles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, à l'issue de laquelle des rectifications lui ont été notifiées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur les sociétés des années 2002 et 2003, à raison de la remise en cause, par l'administration, de l'application, par la société requérante, de la taxe sur la valeur ajoutée aux taux de 5,50 %, s'agissant de la vente de concerts, et de 2,10 % s'agissant de la production de spectacles musicaux nouveaux ou faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène, et de la réintégration dans les résultats de l'intéressée d'un passif injustifié correspondant à des sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert dans ses écritures au nom de M. A, son gérant et associé ;

Sur l'intervention du Syndicat national des entrepreneurs de spectacles :

Considérant que, dans les litiges de plein contentieux, sont seules recevables à former une intervention les personnes qui se prévalent d'un droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier ; que le Syndicat national des entrepreneurs de spectacles ne se prévaut d'aucun droit de cette nature ; que, dès lors, son intervention n'est pas recevable ;

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la taxe au taux réduit de 5,50 % :

Considérant qu'aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition 2002 et 2003 : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : (...) b bis) : Les spectacles suivants : (...) concerts ; spectacles de variétés, à l'exception de ceux qui sont données dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, la SARL GERARD SEDRU MUSIC a conclu des contrats de vente de concerts avec des collectivités territoriales, en vertu desquels elle représente les artistes ou groupes appelés à se produire et assure la rémunération des artistes et des techniciens, les collectivités étant responsables de l'organisation des concerts et lui versant un cachet forfaitaire qu'elle perçoit intégralement ; que, d'autre part, il n'est pas contesté que les spectacles dont s'agit ont le caractère de " concerts ", lesquels sont visés au b bis de l'article 279 précité du code général des impôts ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle agissait ou non comme entrepreneur de spectacles indépendant et sans qu'importe la circonstance qu'elle ne serait pas propriétaire de ces spectacles, la SARL GERARD SEDRU MUSIC est fondée à soutenir qu'elle devait être imposée à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit prévu par le b bis) de l'article 279 précité du code général des impôts ; qu'à cet égard, l'administration ne saurait utilement se prévaloir d'une jurisprudence faisant application des dispositions de l'article 88 de l'annexe III au code général des impôts et du 2 b) de l'article 280 du code général des impôts qui ont été abrogés par la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 ;

En ce qui concerne la taxe au taux réduit de 2,10 % :

Considérant qu'aux termes de l'article 281 quater du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 2,10 % en ce qui concerne les recettes réalisées aux entrées des premières représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales ou chorégraphiques nouvellement créées ou d'oeuvres classiques faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène, ainsi que des spectacles de cirque comportant exclusivement des créations originales conçues et produites par l'entreprise et faisant appel aux services réguliers d'un groupe de musiciens " et qu'aux termes de l'article 89 ter de l'annexe III à ce code : " 1. Les dispositions prévues à l'article 281 quater du code général des impôts s'appliquent aux cent quarante premières séances où le public est admis moyennant paiement, à l'exclusion des séances entièrement gratuites./ 2. est considérée comme oeuvre classique l'oeuvre d'un auteur décédé depuis plus de cinquante ans ou d'un auteur décédé dont le nom figure sur une liste fixée par arrêt conjoint du ministre chargé des affaires culturelles et du ministre de l'économie et des finances / 3. La reprise d'une oeuvre classique est considérée comme faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène, lorsque celle-ci est réalisée dans une présentation nouvelle par rapport à des réalisations antérieures, en ce qui concerne l'interprétation de la scénographie " ;

Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations ; qu'il appartient cependant au contribuable qui entend se prévaloir du taux réduit de la taxe d'établir qu'il remplit les conditions de fait pour en bénéficier ; que, contrairement à ce qu'allègue la SARL SEDRU MUSIC, une telle preuve n'est pas impossible à apporter ;

Considérant, en second lieu, que, si la société requérante se prévaut du caractère nouveau des spectacles qu'elle produit, en faisant notamment valoir que les premières tournées du groupe Tcharivni n'auraient commencé qu'à partir de mars 2003, que les titres chantés par les artistes Ursuline Kairson et Jean-Paul Polletti peuvent changer, de même que les chanteurs faisant partie du Choeur d'enfants ukrainiens, elle se borne à produire au soutien de ses allégations des plaquettes et des affiches, qui ne comportent d'ailleurs pas systématiquement de mention de dates des représentations ou mentionnent des dates anciennes ; qu'elle ne justifie pas, par des relevés et attestations de la " société des auteurs et compositeurs dramatiques " ou par tout autre élément probant, que les représentations en cause étaient soit des représentations musicales nouvellement créées, soit des oeuvres classiques faisant l'objet d'une nouvelle mise en scène, et qu'il s'agissait de représentations comprises dans les 140 premières représentations visées à l'article 89 ter précité de l'annexe III au code général des impôts ; que, par suite, c'est à juste titre que l'administration a remis en cause le bénéfice du taux réduit de 2,10 % prévu par l'article 281 quater précité du code général des impôts et a fait application du taux réduit de 5,50 % susmentionné aux concerts dits " en production " ;

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

Considérant que l'administration a réintégré dans les résultats de la SARL GERARD SEDRU MUSIC un passif injustifié correspondant à des sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé ouvert dans les écritures de la société au nom de M. A, son gérant et associé, pour des montants respectifs de 33 053,33 euros et de 12 204,83 euros au titre des années 2002 et 2003 ;

Considérant qu'en vertu du 2 de l'article 38 du code général des impôts, il appartient à une société qui a choisi d'inscrire une dette au passif de son bilan de produire la justification de la réalité de cette dette ;

Considérant, d'une part, que la SARL GERARD SEDRU MUSIC soutient que, dès lors qu'elle ne disposait pas d'une caisse, M. A aurait exposé en son nom des dépenses en espèces et, en particulier, des " menues acquisitions ", et que les sommes en litige correspondent aux remboursements de ces dépenses et fait état de ce qu'une tolérance administrative est admise concernant la justification des dépenses dès lors que celles-ci ne revêtent pas un caractère excessif ; que, toutefois, les justificatifs de dépenses dont elle se prévaut, constitués de tickets de caisse, facturettes, preuves de dépôt concernant des dépenses postales, de photocopies, d'achats de produits d'entretien ou d'autres frais ne mentionnent pas le nom de M. A ou ne sont pas datées ; que, dans ces conditions, il n'est pas justifié de leur paiement effectif par M. A ; que, par ailleurs, la SARL GERARD SEDRU MUSIC n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni de la documentation administrative de base 4 C-122 n° 5 ni de la réponse ministérielle faite le 8 juillet 1954 à M. Lyautey, député, qui concernent exclusivement la justification des charges pouvant être déduites du résultat imposable, et ne sont, par suite, pas applicables au redressement en litige ;

Considérant, d'autre part, que, s'agissant des frais de voyage et de déplacement et, notamment, des frais d'hôtels, de restaurants, de taxis ou d'essence, les tickets ou factures établis, pour certains, à l'entête de la société, ne permettent pas davantage de justifier d'un paiement effectif par M. A ; que s'agissant, enfin, des sommes versées en espèces et correspondant aux cachets d'artistes ou à des primes aux chauffeurs, si les reçus produits par la requérante mentionnent pour la plupart la date, l'artiste ou le groupe concerné ainsi que le concert correspondant, ils ne permettent pas, en revanche, d'établir que M. A aurait effectué ces paiements, nonobstant la mention manuscrite de son nom sur certains d'entre eux ;

Considérant qu'il suit de là que la société requérante ne justifie pas que le passif dont s'agit serait justifié par le remboursement de sommes exposées par M. A à son profit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL GERARD SEDRU MUSIC est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 résultant de l'application aux concerts vendus du taux de 19,6 % au lieu du taux réduit de 5,5 % ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SARL GERARD SEDRU MUSIC et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du Syndicat national des entrepreneurs de spectacles n'est pas admise.

Article 2 : Le taux de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée aux concerts vendus par la SARL GERARD SEDRU MUSIC est ramené de 19,6 % à 5,50 % au titre des années 2002 et 2003.

Article 3 : La SARL GERARD SEDRU MUSIC est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de la différence de taux mentionnée à l'article 2.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à la SARL GERARD SEDRU MUSIC une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL GERARD SEDRU MUSIC est rejeté.

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N° 10VE03742 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03742
Date de la décision : 16/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Calcul de la taxe. Taux.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : SONET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-16;10ve03742 ?
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