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04/10/2012 | FRANCE | N°11VE00160

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 octobre 2012, 11VE00160


Vu la décision n° 333169 en date du 23 décembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, d'une part, a, sur le pourvoi de Mme Joëlle A, annulé l'arrêt n° 07VE02327 en date du 9 juin 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé, à la demande de l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR, le jugement n° 0305073 du 6 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision en date du 25 juillet 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision en da

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Vu la décision n° 333169 en date du 23 décembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, d'une part, a, sur le pourvoi de Mme Joëlle A, annulé l'arrêt n° 07VE02327 en date du 9 juin 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé, à la demande de l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR, le jugement n° 0305073 du 6 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision en date du 25 juillet 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision en date du 18 février 2003 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme A et a autorisé ledit licenciement et a rejeté la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et, d'autre part, a renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Versailles ;

Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2007, présentée pour l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR, prise en la personne de ses représentants légaux, dont le siège est 100, rue Lavoisier à Rosny-sous-Bois (93110), par la SCP d'avocats Doumith ; l'association requérante demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305073 du 6 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 25 juillet 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité annulant la décision du 18 février 2003 de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de Mme A ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'elle avait soutenu que Mme A avait eu connaissance dès l'enquête contradictoire de l'ensemble des griefs qui lui avaient été reprochés et que le tribunal n'a pas vérifié la réalité des fautes commises dont la gravité justifiait que l'autorisation de licencier soit accordée ; que Mme A a été contradictoirement informée des griefs qui lui étaient reprochés, alors même que la version du rapport d'inspection de la DDASS transmise à l'inspecteur du travail était expurgée des passages ne concernant pas cette salariée ; qu'ainsi, le ministre n'était pas tenu de diligenter une nouvelle enquête contradictoire ; que les carences et l'insuffisance professionnelle, l'insubordination ainsi que les faits et agissements contraires à la probité reprochés à Mme A sont établis ; que le comité d'entreprise a été régulièrement consulté ; que les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'enquête de la DDASS étaient régulières et sans influence sur la décision attaquée ; que ce rapport d'enquête dans sa version intégrale a été communiqué au ministre qui avait le pouvoir de prendre en considération les éléments qui n'auraient pas été soumis à l'inspectrice du travail ; qu'aucune obligation de reclassement ne pesait sur l'établissement ; que la demande d'autorisation de licenciement était sans lien avec les mandats exercés par l'intéressée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de Me Romain Violet pour l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR ;

Considérant que la directrice de l'Institut médico-éducatif, géré à Rosny-sous-Bois par l'association pour adultes et jeunes handicapés de Rosny (APAJHR), a demandé, par lettre du 23 janvier 2003 l'autorisation de licencier Mme A, chef du service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), déléguée syndicale CGC et représentante syndicale au comité d'entreprise ; que, par une décision en date du 18 février 2003 l'inspectrice du travail de la 9ème section de la Seine-Saint-Denis a refusé d'accorder l'autorisation de licencier Mme A ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a, par une décision en date du 25 juillet 2003, annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licencier Mme A ; que, par un arrêt du 9 juin 2009, contre lequel Mme A s'est pourvue en cassation, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé, à la demande de l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR, le jugement du 6 juillet 2007 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et a rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de l'autorisation de licenciement accordée par le ministre ; que par décision du 23 décembre 2010, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt au motif que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que, dès lors que la demande d'autorisation adressée par l'employeur à l'autorité administrative exposait de façon circonstanciée les faits de nature à établir l'insuffisance professionnelle de l'intéressée, la circonstance que Mme A n'avait pas été mise à même de prendre connaissance d'une version complète du rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) sur lequel le ministre s'était fondé pour conclure à son insuffisance professionnelle ne méconnaissait pas le caractère contradictoire de l'enquête préalable prévue par les dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail ; que le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire devant la Cour pour qu'il y soit statué à nouveau ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a considéré que Mme A soutenait " sans être contestée sur ce point qu'elle n'a jamais eu communication du rapport de la DDASS au cours des enquêtes administratives " ; que l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR s'est bornée devant les premiers juges à soutenir, d'une part, que la circonstance que le rapport de la DDASS aurait été établi de façon non contradictoire était indifférente au regard de la procédure de licenciement et, d'autre part et sans autre précision, que la procédure de licenciement avait respecté le principe du contradictoire ; qu'ainsi l'association n'a pas soutenu que Mme A avait eu connaissance dès l'enquête contradictoire de l'ensemble des griefs qui lui avaient été reprochés ; que, dans ces conditions, le tribunal a suffisamment motivé son jugement ;

Considérant, en second lieu, que le tribunal a annulé la décision ministérielle en date du 25 juillet 2003, et " sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ", au motif que la procédure au terme de laquelle est intervenue cette décision avait méconnu le principe du contradictoire et qu'elle était entachée d'un vice substantiel ; qu'ainsi le tribunal n'avait pas à vérifier la réalité des fautes commises dont la gravité justifiait selon l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR que l'autorisation de licencier fût accordée ;

Sur la légalité de l'autorisation de licenciement :

Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'insuffisance professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant, d'autre part, qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;

Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions du code du travail précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif d'insuffisance professionnelle, de mettre à même le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces mises en avant par l'employeur afin d'établir la réalité de cette insuffisance ; que, toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité s'est fondé, pour conclure à l'insuffisance professionnelle de Mme A et autoriser son licenciement, sur un rapport de septembre 2002 de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales faisant état d'importants dysfonctionnements de l'institut médico-éducatif, en particulier du SESSAD dont Mme A était responsable en son sein, sans que l'intéressée ait été mise à même de prendre connaissance d'une version complète de ce rapport, tant au cours de la procédure d'enquête préalable devant l'inspecteur du travail qu'au cours de la procédure suivie devant le ministre ; que l'association qui se borne à soutenir qu'elle a produit devant l'inspecteur du travail les extraits du rapport concernant les faits reprochés à Mme A " sans les modifier d'aucune sorte " ne conteste pas utilement que la salariée n'a pas été mise en mesure de prendre connaissance du rapport précité dans une version originale et intégrale avant l'intervention de l'autorisation de licenciement prise par le ministre; qu'il n'est allégué ni établi que la communication intégrale du rapport aurait été de nature à porter gravement préjudice à d'autres personnes ; qu'à supposer même établie la circonstance que Mme A aurait pris connaissance d'extraits du rapport qui n'auraient pas été falsifiés par le demandeur de l'autorisation, il ressort des pièces du dossier, que les parties non communiquées du rapport, au demeurant falsifiées par le demandeur de l'autorisation lors de la communication à l'inspecteur du travail, concernaient notamment le comportement de la direction face aux dysfonctionnements reprochés à l'intéressée et n'étaient pas étrangères à sa situation ; qu'elles devaient en conséquence lui être communiquées ; que, par suite, la décision du 25 juillet 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de licenciement est intervenue à l'issue d'une enquête contradictoire irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 25 juillet 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'association INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR la somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par elle ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR est rejetée.

Article 2 : L'ASSOCIATION INSTITUT MEDICO-EDUCATIF APAJHR versera à Mme A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11VE00160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00160
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure contradictoire - Modalités.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation - Modalités d'instruction de la demande - Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : KADRI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-04;11ve00160 ?
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