Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Yavuz A, demeurant chez M. Yalcin B, ..., par Me Cecen, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1104677 du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 12 mai 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue du réexamen de sa situation devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient, en premier lieu, que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; en deuxième lieu, que le préfet du Val-d'Oise a commis une erreur de droit et un détournement de procédure dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'exposant était placé sous écrou extraditionnel depuis le 29 octobre 2010 à la suite de la demande d'extradition faite par la Turquie pour l'exécution d'un reliquat d'une peine de prison prononcée contre lui par arrêt du 7 mars 2006 le condamnant à onze ans et huit mois de prison pour homicide volontaire ; que le préfet n'a pas pris en considération cette circonstance et a commis une erreur manifeste d'appréciation lorsqu'il a pris la mesure d'éloignement attaquée alors que l'exposant ne pouvait y déférer ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen ; qu'ainsi, l'obligation de quitter le territoire répond à une initiative de la Turquie et a été prise par le préfet dans le but exclusif de le remettre aux autorités turques et non d'assurer l'exécution d'une mesure d'expulsion légalement décidée ; enfin, qu'il a fait état d'éléments nouveaux depuis l'intervention des décisions de l'OFPRA et de la CNDA et, en particulier, de la circonstance que deux membres de sa famille sont arrivés en France en février 2011 pour y solliciter l'asile ; qu'ainsi, la décision fixant le pays de renvoi a été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 :
- le rapport de M. Formery, président assesseur,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me Abdollahi, substituant Me Cecen, pour M. A ;
Considérant que M. A, ressortissant turc d'origine kurde, fait appel du jugement du 27 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 12 mai 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort de l'examen de la demande de première instance que M. A n'a pas soulevé, devant le tribunal administratif, le moyen tiré du détournement de procédure dont serait entaché l'arrêté attaqué du fait de l'existence d'une procédure d'extradition pendante à son encontre ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour le tribunal d'avoir répondu à ce moyen ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant qu'en admettant que M. A ait entendu faire valoir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'à la date de la mesure d'éloignement, il était placé sous écrou extraditionnel et ne pouvait donc déférer à cette obligation, cette circonstance, qui fait seulement obstacle à ce que la décision d'éloignement soit mise à exécution jusqu'à la levée par le juge judiciaire de la mesure prononcée, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; que ce moyen doit, par suite, être écarté sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a fait l'objet d'une demande d'extradition de la part des autorités turques et a été placé sous écrou extraditionnel à compter du 29 octobre 2010 ; qu'il est constant qu'à la date de la décision attaquée, les autorités françaises n'avaient pas statué sur cette demande ; que, dans ces conditions, le préfet du Val-d'Oise ne pouvait légalement, sans porter atteinte au bon déroulement de la procédure d'extradition, fixer la Turquie comme pays à destination duquel le requérant pourrait être reconduit d'office ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 12 mai 2011 en tant qu'il fixe la Turquie comme pays à destination duquel il pourra être renvoyé ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que l'exécution du présent arrêt qui prononce l'annulation de la décision fixant le pays de destination de M. A implique seulement que le préfet du Val-d'Oise procède à un nouvel examen de la situation de l'intéressé ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en attendant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à M. A d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1104677 du 27 septembre 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-d'Oise du 12 mai 2011 fixant la Turquie comme pays à destination duquel il pourra être renvoyé.
Article 2 : La décision du préfet du Val-d'Oise du 12 mai 2011 fixant la Turquie comme pays à destination duquel M. A pourra être renvoyé est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de réexaminer la situation de M. A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
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N° 11VE03700