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16/07/2012 | FRANCE | N°11VE04225

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 juillet 2012, 11VE04225


Vu la décision n° 343663 du 14 décembre 2011, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 21 décembre 2011 sous le n° 11VE04225, par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé devant la cour administrative d'appel de Versailles, après annulation de l'ordonnance du 1er septembre 2010 du président de la 4ème chambre de cette Cour, la requête présentée sous le n° 10VE02041 pour le CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juin 2010 sous le n° 10VE02041, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUIL

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Vu la décision n° 343663 du 14 décembre 2011, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 21 décembre 2011 sous le n° 11VE04225, par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé devant la cour administrative d'appel de Versailles, après annulation de l'ordonnance du 1er septembre 2010 du président de la 4ème chambre de cette Cour, la requête présentée sous le n° 10VE02041 pour le CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 juin 2010 sous le n° 10VE02041, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET, dont le siège est situé 13, rue Pasteur à Rambouillet (Yvelines), par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; le Centre hospitalier demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0400253 du 13 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a déclaré responsable des conséquences dommageables de l'hospitalisation de Mme Magali A dans cet établissement et l'a condamné à verser la somme de 160 643,54 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à cette dernière, à verser la somme de 37 398,37 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines ainsi qu'une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1, à verser une somme de 17 122 euros à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, à verser une somme de 5 573,16 euros à l'Etat, à verser une somme de 484,50 euros au Groupement militaire de prévoyance des armées et à la société Allianz et à procéder au remboursement des frais d'expertise pour une somme de 960 euros ;

Le Centre hospitalier soutient que le jugement du tribunal administratif de Versailles est insuffisamment motivé ; que le diagnostic d'accident vasculaire cérébral de Mme A n'a pas été établi avec retard et qu'il n'a donc pas commis de faute ; qu'en tout état de cause, le tribunal administratif a fixé à tort, à hauteur de 30 %, la perte de chance résultant du retard de diagnostic ; qu'il a surévalué les différents postes de préjudices ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 juillet 2012, présentée pour Mme A par Me Kerourédan ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, née le 28 avril 1977, a, après avoir été admise au service des urgences à plusieurs reprises les jours précédents, été hospitalisée au CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET en unité de court séjour le 5 janvier 2003 au soir en raison de douleurs au bras, de la constatation d'une cyanose des doigts et de son état de demi-inconscience ; que Mme A a été victime dans la matinée du 6 janvier 2003, alors qu'elle était toujours hospitalisée, d'un accident vasculaire cérébral résultant d'une dissection de la carotide et compliqué par un oedème cérébral ayant pour conséquence une hémiplégie du coté gauche du corps ; qu'elle a été transférée au service de réanimation neurochirurgicale du centre hospitalier du Kremlin-Bicêtre pour y être opérée puis au service de rééducation neurologique de Garches jusqu'au 7 juin 2003 ; qu'après consolidation de son état, Mme A est restée affectée d'un taux d'incapacité permanente partielle de 60 % ; que, saisi par l'intéressée d'une demande de condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET à l'indemniser du préjudice résultant de cet accident vasculaire cérébral, le tribunal administratif de Versailles a, par le jugement attaqué, estimé que la responsabilité du Centre hospitalier était engagée en raison d'un défaut dans l'organisation du service consistant à ne pas avoir informé le médecin de garde de l'existence d'un symptôme nouveau apparu dans la nuit du 6 janvier 2003 et de nature à constituer un signe précurseur d'une survenue d'un accident vasculaire cérébral ; que le tribunal a ensuite estimé que la perte de chance, pour Mme A, d'éviter le dommage devait être évaluée à 30 % ; que le tribunal a, en conséquence, décidé de condamner le Centre hospitalier à indemniser Mme A du préjudice subi en lui versant une somme de 160 643,54 euros dont 93 443,54 euros au titre de son préjudice patrimonial et 67 200 euros au titre de son préjudice personnel ; que le tribunal a également condamné le Centre hospitalier à verser respectivement à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, au Groupement militaire des armées et la société Allianz et à l'Etat, les sommes de 37 398,37 euros et 966 euros, 16 156 euros et 966 euros, 484,50 euros et 5 573,16 euros au titre des frais avancés par ces organismes ; que le Centre hospitalier relève appel du jugement précité en limitant cependant sa critique à l'erreur qu'auraient commise les premiers juges en estimant, d'une part, que l'accident dont a été victime Mme A aurait été dû à une mauvaise organisation du service, d'autre part, en fixant à 30 % la perte de chance de la demanderesse et enfin en surévaluant le montant des différents postes de préjudice ; que Mme A relève appel incident en demandant que l'indemnité à lui allouer soit fixée à un montant de 313 407,33 euros identique à celui déjà demandé en première instance ; que la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France demande, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité qui lui est due prenne en compte tant les arrérages déjà versés ainsi que ceux à prévoir en ce qui concerne la pension d'invalidité servie à Mme A ainsi que la fixation à une somme de 74 333,05 euros du poste " perte de gains professionnels futurs " ; que la société Allianz demande que la somme qui lui a été allouée soit portée à un montant de 84 483 euros ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si le Centre hospitalier soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, ce moyen est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur la recevabilité des pièces produites par le Centre hospitalier :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions d'appel, le Centre hospitalier a fait état des mentions figurant dans le rapport d'un médecin mandaté par ses soins ; que ce rapport, joint aux pièces du dossier, a été soumis à la procédure contradictoire et a pu être utilement critiqué par les autres parties ; qu'en conséquence, la prise en compte éventuelle, par la Cour, des éléments figurant dans ce document n'est pas de nature à entacher la régularité de la procédure suivie dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter les conclusions de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France tendant à ce que cette pièce soit écartée des débats ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la lecture des deux rapports d'expertise dressés par le docteur Koskas à la demande de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de la région Ile-de-France et par le docteur Gueguen à la demande du tribunal administratif de Versailles que seuls deux éléments, survenus aux premières heures de la journée du 6 janvier 2003, auraient pu être de nature à révéler l'existence d'un symptôme précurseur de l'accident vasculaire cérébral survenu, selon les constatations effectuées par les mêmes experts, vers 7 h 45 du matin ; qu'il était ainsi noté, dans les comptes rendus de suivi de Mme A que celle-ci se serait plainte, à 3 h 25, d'une douleur au genou gauche et d'une difficulté à bouger le membre inférieur gauche ; qu'il a été également noté, à 4 h 40 du matin, que Mme A manifestait des difficultés de compréhension des demandes qui lui étaient faites par l'infirmière ; que si le premier expert a estimé, tout en regrettant l'absence de transmission de l'information concernant la difficulté de mouvoir le membre inférieur gauche, qu'il n'y avait pas faute dans l'organisation du service, le deuxième expert a mentionné la possibilité de la révélation, par ce symptôme, de la survenue d'un accident ischémique transitoire, lui-même annonciateur de l'accident vasculaire cérébral survenu à 7 h 45, et a estimé que l'absence de transmission immédiate de cette information au médecin de garde constituait en conséquence une faute dans l'organisation du service ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction, notamment des informations figurant en page 8 du rapport du docteur Gueguen, que la douleur au genou affectant Mme A pouvait avoir comme origine une mauvaise position de couchage et a été soulagée par un changement de position de l'intéressée ; qu'aucun épisode de même nature n'a été signalé entre 3 h 25 et 7 h 45 ; que, par ailleurs, s'il est fait état d'une difficulté pour Mme A à suivre les instructions qui lui sont données à 4 h 40, cette difficulté n'est plus mentionnée par la suite ; que la survenue de ces incidents isolés et mal identifiés n'apparaît donc pas de nature à avoir pu permettre d'identifier immédiatement la survenue d'un accident ischémique transitoire chez une patiente de 25 ans ;

Considérant, en outre, que, ainsi que le note le docteur Gueguen en page 12 de son rapport, les manifestations cliniques d'un accident ischémique transitoire ou d'un accident vasculaire cérébral affectant une personne âgée de 25 ans victime d'une dissection de la carotide, ce qui représente le cas le plus fréquent de ce type d'accident affectant normalement assez peu cette catégorie d'âge, ne se situent pas, compte tenu des zones cérébrales prioritairement atteintes par les effets de cet accident, au niveau des membres inférieurs gauches ; qu'ainsi les constatations mentionnées ci-dessus relevées au cours de la nuit du 6 janvier 2003 n'étaient pas de nature à faire suspecter la survenue tant d'un accident ischémique transitoire à 3 h 25 que l'existence d'un accident vasculaire cérébral en cours de constitution au moment de la prise en charge de Mme A ; qu'en conséquence, l'absence de transmission de ces informations ne présente pas le caractère d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER de RAMBOUILLET ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER de RAMBOUILLET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles l'a condamné à indemniser Mme A du préjudice résultant de l'accident vasculaire cérébral survenu le 6 janvier 2003 ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante, sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de mettre les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal administratif de Versailles en date du 15 septembre 2009 à la somme de 960 euros, à parts égales à la charge de Mme A et du CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes demandées par Mme A, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et la société Allianz, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 0400253 en date du 13 avril 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A, les conclusions de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France présentées devant le tribunal administratif de Versailles et les conclusions de ladite caisse ainsi que de la société Allianz présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de Mme A, de la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et de la société Allianz présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les frais d'expertise d'un montant de 960 euros (neuf cent soixante euros) sont mis à parts égales à la charge de Mme A et du CENTRE HOSPITALIER DE RAMBOUILLET.

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