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16/07/2012 | FRANCE | N°11VE01863

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 16 juillet 2012, 11VE01863


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société LES BERLINES DE PARIS, dont le siège est 12 rue Martre à Clichy (92110), par la SCP d'avocats cabinet d'Orso ; la société LES BERLINES DE PARIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902190 du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 17 juin 2008 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. Ali Reza ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique

formé le 8 août 2008 par l'intéressé ;

2°) de confirmer lesdites déci...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société LES BERLINES DE PARIS, dont le siège est 12 rue Martre à Clichy (92110), par la SCP d'avocats cabinet d'Orso ; la société LES BERLINES DE PARIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902190 du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 17 juin 2008 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. Ali Reza ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 8 août 2008 par l'intéressé ;

2°) de confirmer lesdites décisions ;

Elle soutient qu'il n'existe aucun lien entre la décision de licencier l'intéressé et ses mandats de représentation dès lors que le licenciement est consécutif au refus de M. d'un reclassement sur un poste qui lui permettait de continuer l'activité syndicale et était en adéquation avec son état de santé ; que la discrimination est d'autant moins établie que, d'une part, l'employeur a proposé de racheter des trimestres éventuellement manquants pour lui permettre de prendre sa retraite s'il préférait cette option au reclassement proposé, d'autre part, l'intéressé étant âgé de 71 ans, la société aurait pu envisager une mise à la retraite d'office sous le contrôle de l'inspection du travail ; que l'autorisation de licenciement est justifiée par la conjoncture économique défavorable que subit la société, la réduction du volume de travail requis au poste de l'intéressé, l'impossibilité de proposer en novembre 2007 à l'intéressé alors en arrêt maladie un poste de dispatcheur de nuit puis en février 2008 le même poste dès lors qu'il était en mi-temps thérapeutique de jour et ne pouvait occuper un poste de nuit ; que le refus implicite du reclassement en temps partiel de jour comme le refus de prendre une retraite sans les désagréments de trimestres manquants ne sont pas justifiés par l'intéressé ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2012 :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant , rapporteur public,

- et les observations de Me Ribaltchenko, de la SCP Cabinet d'Orso, pour la société LES BERLINES DE PARIS ;

Considérant que, par une décision en date du 17 juin 2008, l'inspectrice du travail des transports de la subdivision des Hauts-de-Seine Nord a accordé à la société Carey France l'autorisation de licencier pour motif économique M. Ali , employé en qualité d'agent de contrôle des coûts et investi des fonctions de délégué syndical FO, conseiller du salarié et membre de la délégation unique du personnel ; qu'une décision implicite de rejet a résulté du silence gardé par le ministre chargé de l'inspection du travail des transports sur le recours hiérarchique formé par le secrétaire général de la fédération FO des transports et de la logistique, en date du 8 août 2008, réceptionné le 12 août 2008 ; que la société Carey France aux droits de laquelle vient la société LES BERLINES DE PARIS fait appel du jugement du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé pour excès de pouvoir ces deux décisions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du même code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-8 du même code : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et du mandat de représentant syndical au comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que, pour annuler l'autorisation de licenciement de M. , le tribunal administratif a considéré qu'eu égard, d'une part, à l'état conflictuel depuis plusieurs années des relations entre la direction de la société et le salarié, qui avait notamment fait l'objet, entre 2002 et 2004, de deux demandes d'autorisation de mise à la retraite et d'une demande d'autorisation de licenciement, lesquelles avaient été refusées par l'administration au motif notamment qu'elles étaient liées à l'activité syndicale de l'intéressé, et d'autre part, au rôle actif joué par le requérant dans le cadre de ses fonctions représentatives, la dégradation ainsi constatée des relations de travail entre l'employeur et le salarié depuis la désignation de celui-ci en qualité de délégué syndical ne permettait pas d'exclure l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par l'intéressé, et ce quelles qu'aient pu être par ailleurs la réalité et l'importance des difficultés économiques rencontrées par l'entreprise ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, notamment des courriers de la direction de la société des 26 avril 2006, 26 juillet 2006, 8 septembre 2006, 19 avril 2007 adressés à M. en réponse à de très nombreux courriers adressés par ce dernier à son employeur qui portaient pour l'essentiel non sur l'activité syndicale mais sur des divergences d'appréciation de l'organisation et du contenu du poste d'agent de contrôle des coûts que l'intéressé occupait depuis le 1er mars 2006 à la suite d'une restructuration pour motif économique, du courrier du 18 février 2008 de l'employeur, lequel, d'une part, rappelait la proposition écrite du 25 janvier 2008 de modifier pour motif économique, afin d'éviter de supprimer le poste, le contrat de travail à temps plein par un temps partiel avec une activité syndicale poursuivie dans les mêmes conditions que précédemment, d'autre part, proposait, au cas où M. , alors âgé de 71 ans, accepterait de faire valoir ses droits à retraite, de racheter des trimestres éventuellement manquants pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein, que le licenciement de l'intéressé avait un lien avec le mandat dont il était investi ; que ce lien avec le mandat n'est pas davantage révélé, eu égard notamment au délai de plus de trois ans séparant ces décisions de l'autorisation de licenciement attaquée, par les refus de l'inspecteur du travail du 8 novembre 2004 d'un licenciement pour faute de M. au motif qu'avait été omise la consultation régulière du comité d'entreprise ni par les trois refus de la même inspection du travail des 10 mai 2002, 30 janvier 2003 et 12 août 2003 de mises à la retraite et d'un licenciement pour faute pris au motif d'un possible lien avec le mandat détenu par le salarié ; qu'enfin si l'intéressé allègue avoir été la victime de faits constitutifs de harcèlement de la part de son employeur, cette allégation n'est pas établie par les pièces du dossier, les deux procès-verbaux d'audition de salariés produits à l'appui de cette allégation étant dépourvus de tout caractère probant et les procédures judiciaires engagées par le salarié n'ayant pas abouti ; que, par suite, la société LES BERLINES DE PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision d'autorisation de licenciement de l'inspectrice du travail des transports du 17 juin 2008 ainsi que la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu par l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la Cour ;

Sur la légalité externe :

Considérant, d'une part, que la procédure suivie par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'examen d'une demande de licenciement ne revêt pas un caractère juridictionnel ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être utilement invoqué ; que, d'autre part, l'inspecteur du travail a visé dans sa décision " les éléments recueillis au cours de l'enquête contradictoire du 26 mai 2008 " ; que si M. soutient qu'il n'a pas pu faire valoir ses arguments au sujet de la situation économique de l'entreprise devant l'inspecteur du travail, il n'apporte aucune précision ni élément justificatif permettant d'apprécier le bien-fondé de cet argument ; qu'enfin la décision de l'inspecteur du travail en litige mentionne que " l'activité de la société repose essentiellement sur une clientèle américaine impactée par l'effondrement du dollar ", que la réorganisation en vue de maintenir l'activité a un impact direct sur la réduction du volume de travail du poste du salarié et prend en considération " les efforts de reclassement effectués par la société au sein de Carey France et de la société mère SAS First Limousine ainsi que la proposition de rachat des trimestres pour permettre à M. de prendre sa retraite " ; qu'était également mentionnée l'absence de lien entre le mandat exercé par le salarié et la mesure de licenciement envisagée ; que, dès lors, M. n'est pas fondé à soutenir que ladite décision serait stéréotypée ;

Sur la légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2007 le bénéfice de la société LES BERLINES DE PARIS a diminué de 7 % et que son chiffre d'affaires avait baissé entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2007 d'environ 23 % ; que cette baisse avait pour origine une réduction de la demande de limousines par une clientèle essentiellement étrangère ; que la société avait été dans l'obligation de fermer définitivement début 2008 sa succursale de Cannes réduisant ainsi son parc automobile de 20 % ; que ces difficultés économiques étaient de nature à justifier la suppression, outre la réduction d'un tiers du nombre de chauffeurs, de deux postes administratifs à l'origine du licenciement de M. ; que les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation économique de la société dont seraient entachées les décisions attaquées ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, d'autre part, que M. s'est vu proposer la poursuite de son contrat de travail sur le même site et à des horaires adaptés à son état de santé et à son activité syndicale par un contrat à temps partiel de 65 heures mensuelles, proposition qu'il a déclinée implicitement ; que, s'il fait valoir que d'autres postes permettant un maintien d'un contrat de travail à temps plein pouvaient lui être proposés, il ressort des pièces du dossier que le poste de dispatcheur libéré par une démission inopinée en février 2008 ou le poste de facturation et de comptabilité occupé par la même salariée depuis octobre 2006 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation puis d'un contrat à durée indéterminée ou un poste relevant de la catégorie agent de maîtrise en contrat à durée déterminée pour un besoin saisonnier n'auraient pu être proposés à M. qui ne pouvait travailler de nuit comme dispatcheur en raison d'un mi-temps thérapeutique après un congé de maladie de plusieurs mois ou qui ne disposait pas du grade ou des compétences requises ; que, dans ces conditions et dans les circonstances particulières de l'espèce, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un emploi correspondant aux qualifications et aux aptitudes de M. , alors âgé de 71 ans, ait été vacant au sein de la société, le requérant n'est pas fondé à soutenir que son employeur aurait méconnu l'obligation de reclassement à laquelle il était légalement tenu ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit commise en estimant suffisants les efforts de reclassement de la société doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LES BERLINES DE PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 17 juin 2008 par laquelle l'inspecteur du travail l'a autorisée à licencier M. Ali Reza et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société LES BERLINES DE PARIS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que M. demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 0902190 du 24 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11VE01863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE01863
Date de la décision : 16/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : GAUVAIN-KRIBECHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-16;11ve01863 ?
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