Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SA ARTEMIS CONSEIL, dont le siège social est 12, rue François 1er à Paris (75008), par Me Entraygues, avocat à la Cour ; la SA ARTEMIS CONSEIL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0714182 en date du 24 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réintégration dans ses déficits reportables, des sommes de 14 398 059 euros au titre de l'année 2001 et de 5 766 126 euros au titre de l'année 2002 ;
2°) de prononcer la réintégration susmentionnée et, le cas échéant, la restitution des sommes acquittées, assorties des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts est applicable aux dividendes afférents à des titres Pinault-Printemps-Redoute (PPR), dont certains avaient fait l'objet d'un prêt pendant la période de deux ans suivant leur acquisition, dès lors que ce prêt, qui constitue seulement un transfert temporaire de titres, ne saurait être regardé comme une rupture rétroactive de l'engagement de leur conservation pendant deux ans, prévu par le 1 de l'article 145 du code général des impôts ; qu'elle est fondée à invoquer la documentation administrative de base référencée 4 A-3-08 n° 26 du 27 février 2008 dès lors que le contrat de prêt concernait une période de moins de trois mois ; qu'il ne ressort pas des travaux parlementaires relatifs à la loi de 1987 que l'exclusion des titres du régime des sociétés mères pendant la durée du prêt devrait entraîner la remise en cause dudit régime pour des dividendes déjà distribués antérieurement à la conclusion du prêt ; que le principe de neutralité fiscale ne peut avoir pour effet de remettre en cause rétroactivement le bénéfice de ce régime pour des dividendes déjà reçus par le prêteur ; que le régime de neutralité fiscale a été étendu par le législateur à d'autres transferts temporaires de titres ainsi qu'il résulte de l'instruction référencée 4 H-7-95 du 18 avril 1995 ; que le seuil minimal de 5 % de détention doit être apprécié au moment de l'option pour le régime mère-fille ; que la documentation administrative de base référencée 4 H-2112 du 1er mars 1995, en exigeant la détention d'une participation minimale de 5 % pendant deux ans, ajoute une condition au b) du 1 de l'article 145 du code général des impôts lequel ne vise qu'un seuil minimal de 5% à la date de mise en paiement des dividendes ; que, dès lors qu'elle détenait 5 % du capital de PPR à la date de la mise en paiement des titres de participation, la circonstance que ce seuil n'aurait plus été atteint ultérieurement est, dès lors, sans influence sur son droit à bénéficier du régime des sociétés mères ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :
- le rapport de Mme Riou, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,
- et les observations de Me Entraygues, pour la SA ARTEMIS CONSEIL ;
Considérant que la SA ARTEMIS CONSEIL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rehaussements lui ont été notifiés en sa qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés, au titre des années 2001 et 2002, à raison de la remise en cause, par l'administration, de l'application du régime des sociétés mères aux dividendes issus de titres détenus dans la société Pinault-Printemps-Redoute ;
Considérant qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) " ; qu'aux termes de l'article 145 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice : ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation / Si, à la date mentionnée au premier alinéa, la participation dans le capital de la société émettrice est réduite à moins de 5 p. cent du fait de l'exercice d'options de souscription d'actions dans les conditions prévues à l'article L. 225-183 du code de commerce, le régime des sociétés mères lui reste applicable si ce pourcentage est à nouveau atteint à la suite de la première augmentation de capital suivant cette date et au plus tard dans un délai de trois ans / c. Les titres de participation doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans (...) Les titres prêtés dans les conditions du chapitre V modifié de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 sur l'épargne ne peuvent être pris en compte par les parties au contrat de prêt pour l'application du régime fiscal des sociétés mères (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 de l'annexe II au code général des impôts : " Les personnes morales (...) 1° (...) doivent prendre l'engagement de conserver pendant deux ans au moins la pleine propriété des titres. / Toutefois, cet engagement n'est pas exigé en ce qui concerne : a. Les titres que la personne morale justifie avoir conservés pendant cette durée (...) " et qu'aux termes de l'article 55 de cette annexe : " 1. L'engagement prévu au 1° de l'article 54 doit faire l'objet d'une déclaration qui est adressée au service des impôts compétent pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. / Cette déclaration doit parvenir au plus tard dans les trois mois de la clôture du premier exercice dont les résultats comprennent les produits des titres qui y sont mentionnés. / Elle indique : / Le montant du capital de la société émettrice ; La nature, le nombre et les numéros des titres ; La date de leur acquisition et, pour les titres au porteur, celle de leur dépôt (...) / 2. Le délai de deux ans pendant lequel les titres doivent être conservés est décompté de la date de leur acquisition, s'il s'agit de titres nominatifs ou de parts d'intérêts, et de la date de leur dépôt, s'il s'agit de titres au porteur " ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour bénéficier du régime dit des sociétés mères, qui prévoit une exemption d'imposition des dividendes reçus de sa filiale, une société mère doit détenir des titres de participation de cette filiale à hauteur d'au moins 5 % du capital de celle-ci, ce pourcentage s'appréciant à la date de distribution des produits de cette participation et non à la date d'acquisition des titres ; que, si ces titres n'ont pas été souscrits à l'émission, la société mère doit avoir pris l'engagement de conserver ceux-ci, sans discontinuité, pendant un délai de deux ans ou, en l'absence de cet engagement, justifier les avoir conservés pendant cette durée ; qu'il suit de là que le bénéfice du régime de faveur dont s'agit peut être remis en cause en cas de non respect du délai minimal de conservation des titres pendant deux ans et que, dans le cas où la société ne remplit pas les conditions cumulatives ainsi rappelées, elle doit alors acquitter le complément d'imposition résultant, pour chaque exercice, de la réintégration du montant des dividendes indûment retranchés de son bénéfice net total ;
Considérant qu'il est constant que la SA ARTEMIS CONSEIL détenait, au 1er janvier 2000, des titres de participation à hauteur de 4 245 120 actions, non souscrites à l'émission, de la société Pinault Printemps Redoute (PPR), représentant 3,61 % du capital de celle-ci, porté à 5 % à compter du 29 septembre 2000, compte tenu de l'achat de 1 484 227 actions supplémentaires PPR et à 6,01 % au 31 décembre 2000, après l'acquisition de 893 925 nouvelles actions PPR ; que des obligations PPR ont été converties en actions le 30 novembre 2011, à hauteur de 202 475 titres ; qu'en outre, une convention a été signée par la société requérante, le 24 septembre 2002, avec la société Artemis, prévoyant le prêt à celle-ci de 2 580 627 actions PPR, jusqu'au 18 décembre 2002 ; que, pendant cette période de trois mois, et déduction faite des 202 475 actions PPR souscrites à l'émission et libres de tout engagement, le taux de participation au capital de la société Pinault Printemps Redoute n'était plus que de 4 % ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que l'engagement de conservation des titres acquis le 29 septembre 2000 par la société requérante ne respectait pas toutes les obligations prévues par l'article 55 précité de l'annexe II au code général des impôts en l'absence de mention, dans l'acte d'engagement, du numéro de compte et de la date d'acquisition de ces titres de participation ; qu'en outre, il est constant que, compte tenu de l'exclusion du prêt de titres réalisé par la société requérante, sur la période du 24 septembre 2002 au 18 décembre 2002, du dispositif prévu pour l'application du régime fiscal des sociétés mères, et déduction faite des actions souscrites à l'émission, la SA ARTEMIS CONSEIL ne justifie pas avoir détenu au moins 5 % du capital de la société émettrice, sans discontinuité, pendant une période de deux ans ; que, dans ces conditions, et nonobstant la circonstance qu'aux 14 juin 2001 et 7 juin 2002, les dividendes relatifs aux actions PPR ont été mis en paiement, l'intéressée doit être regardée comme ayant rompu son engagement de conserver les titres de participation dont s'agit pendant deux ans conformément aux dispositions du c) du 1 de l'article 145 précité du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le non-respect de ces dispositions était de nature à entraîner la déchéance du régime fiscal de faveur qu'elles instaurent et, par suite, remis en cause l'application à l'ensemble des dividendes issus de la participation de la SA ARTEMIS CONSEIL dans la société Pinault-Printemps-Redoute, du régime des sociétés mères au titre des années 2001 et 2002 ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SA ARTEMIS CONSEIL ne peut, en tout état de cause, se prévaloir, ni du régime dérogatoire dont peuvent bénéficier les pensions de titres, ni de la documentation de base référencée 4 H-7-95 du 18 avril 1995 relative au régime fiscal des opérations de pension qui n'est pas applicable aux prêts de titres de participation ; qu'en outre, l'instruction 4 H-2112 du 1er mars 1995, dans les prévisions desquelles, au demeurant, la SA ARTEMIS CONSEIL n'entre pas, ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle qui résulte de cette loi ; qu'enfin, la société requérante ne peut davantage invoquer la documentation administrative de base 4 A-3-08 n° 26 du 27 février 2008, postérieure aux années d'imposition en litige ;
Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'une part, le c) du 1 de l'article 145 du code général des impôts exclut les prêts de titres du régime fiscal des sociétés mères et que, d'autre part, la condition de conservation continue des titres de participation pendant deux ans n'était pas remplie pour les années 2001 et 2002 ; que, dès lors que la déchéance du régime fiscal de faveur prévue par ces dispositions porte sur l'ensemble des dividendes issus de sa participation dans la société Pinault-Printemps-Redoute, la SA ARTEMIS CONSEIL ne peut utilement soutenir que le principe de neutralité fiscale ferait obstacle à la remise en cause, rétroactive, du bénéfice de ce régime pour des dividendes générés par les titres appelés à être prêtés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA ARTEMIS CONSEIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réintégration, dans ses déficits reportables, des sommes de 14 398 059 euros au titre de l'année 2001 et de 5 766 126 euros au titre de l'année 2002 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SA ARTEMIS CONSEIL est rejetée.
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N° 10VE02622 2