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03/07/2012 | FRANCE | N°11VE04332

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juillet 2012, 11VE04332


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Hamdi A, demeurant ..., par Me Renaud-Rieutord, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708621 en date du 20 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions s

ociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 ...

Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Hamdi A, demeurant ..., par Me Renaud-Rieutord, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708621 en date du 20 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la méthode de reconstitution des résultats de son entreprise individuelle " FAS " est radicalement viciée dès lors que le service s'est borné à additionner les crédits apparaissant sur deux comptes bancaires professionnels sans rechercher la marge bénéficiaire qu'il était susceptible de réaliser ni tenir compte des charges inhérentes à l'exploitation même si celles-ci n'étaient pas appuyées de factures ; que cette méthode aboutit d'ailleurs à des marges bénéficiaires (de 59 % et 77 %) sans commune mesure avec celle de 35 % généralement constatée dans le secteur du bâtiment ; que la doctrine administrative 4 G 3342 §4 du 25 juin 1998 pose pour principe que les reconstitutions de chiffre d'affaires doivent demeurer dans des limites réalistes au regard des conditions effectives d'exploitation ; qu'à tout le moins, il est demandé à la Cour de réduire le bénéfice reconstitué en tenant compte de cette dernière marge ; que c'est à tort que le vérificateur a appliqué le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée à l'ensemble du chiffre d'affaires reconstitué dans la mesure où la majeure partie des prestations réalisées par l'entreprise constituent des travaux d'amélioration sur des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans qui relèvent du taux réduit en application des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts ; que l'existence d'une manoeuvre frauduleuse n'est pas établie dès lors que les deux comptes bancaires susmentionnés ont été ouverts pour faire échapper une partie de ses revenus à son épouse dans le cadre d'une procédure de divorce et non pour éluder l'impôt de sorte qu'alors même qu'il aurait eu conscience de souscrire des déclarations inexactes, cette circonstance justifie uniquement l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré et non de la majoration de 80 % ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que l'entreprise individuelle de travaux de bâtiment exploitée par M. A sous l'enseigne " FAS " a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de ses exercices clos en 2002 et 2003, aux termes de laquelle le service vérificateur a procédé à des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux sur la base d'une reconstitution des recettes de l'entreprise dont la comptabilité a été écartée comme non probante ; que l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant du contrôle a été mis en recouvrement au nom de M. A ; que les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ont été mis à la charge du foyer fiscal composé de M. et Mme A pour la période allant du 1er janvier 2002 au 31 juillet 2003 et, à la suite de la séparation du couple, à la charge de M. A pour la période du 1er août au 31 décembre 2003 ; que l'intéressé relève appel du 20 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits qui lui ont ainsi été assignés et des pénalités correspondantes ;

Considérant que, par arrêt de ce jour, la Cour statuant sur la requête n° 11VE01041 présentée par M. A dirigée contre le jugement n° 0708621 en date du 20 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires établies dans les conditions rappelées ci-dessus, a annulé ce jugement pour avoir statué, en matière d'impôt sur le revenu, sur la demande de deux contribuables distincts, à savoir M. et Mme A pour la période du 1er janvier 2002 au 31 juillet 2003, et M. A pour la période du 1er août au 31 décembre 2003 ; que la Cour a, d'une part, évoqué la demande du requérant afférente aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur le revenu mis à sa seule charge et, d'autre part décidé de statuer sur le surplus de cette demande après que les mémoires et pièces correspondant auront été enregistrés sous un numéro distinct ; que ces productions ayant été enregistrées sous le n° 11VE04332, il y a lieu de statuer, sous ce numéro, sur les conclusions de la demande de M. A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 juillet 2003 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'au cours des opérations de contrôle, le service vérificateur a relevé que M. A avait, d'une part, dissimulé deux comptes bancaires ouverts auprès de la société Générale et du Crédit du Nord sur lesquels étaient encaissées d'importantes recettes professionnelles, d'autre part, omis de comptabiliser des recettes provenant de diverses entreprises, et, enfin avait déduit des factures de sous-traitance fictives ; que le requérant, qui ne conteste pas que ces anomalies et, en particulier la première, étaient de nature à ôter toute valeur probante à sa comptabilité, soutient que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires serait radicalement viciée dès lors que l'administration s'est bornée à réintégrer dans le bénéfice imposable les crédits bancaires présumés correspondre à des recettes sans facture en s'abstenant de tenir compte de ses charges et de rechercher la marge bénéficiaire qu'il était susceptible de réaliser ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ;

Considérant que le service a reconstitué le chiffre d'affaires éludé à partir des crédits figurant sur les deux comptes bancaires susvisés qui n'étaient pas enregistrés dans la comptabilité présentée et hormis quelques charges injustifiées, dont le rejet n'est pas contesté, a admis l'ensemble des charges déduites des bénéfices industriels et commerciaux M. A ; qu'en se bornant à faire valoir de manière générale qu'eu égard aux conditions d'exercice de son activité, l'entreprise a nécessairement supporté des charges correspondant aux recettes non déclarées, le requérant n'apporte aucune précision ni même aucune justification sur la nature de ces prétendues charges ; qu'il n'établit même pas l'existence de charges distinctes de celles déclarées dès lors, ainsi que le fait valoir l'administration, que, d'une part, les factures adressées à ses clients ne mentionnaient ni la quantité de marchandises ni le nombre d'heures nécessaires à la réalisation des chantiers et, d'autre part, que les débits bancaires enregistrés sur les deux comptes dissimulés n'ont pu être identifiés comme correspondant à des dépenses professionnelles ; que, dans ces conditions, et faute du moindre élément probant apporté par le contribuable, qui ne propose pas de méthode de reconstitution plus précise que celle retenue par le vérificateur, la seule circonstance que cette méthode aboutisse à une marge bénéficiaire supérieure à celle généralement constatée pour les entreprises de bâtiment n'est pas de nature à la faire regarder comme radicalement viciée dans son principe ;

Considérant, d'autre part, que M. A n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de la documentation administrative n° 4 G 3342 §4 du 25 juin 1998 selon lesquelles " les reconstitutions opérées doivent demeurer dans des limites réalistes au regard des conditions effectives d'exploitation ", qui ne constituent que des recommandations générales mais ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale invocable sur le fondement de L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses (...) " ;

Considérant que, pour justifier l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses aux rehaussements d'impôt sur le revenu procédant de la reconstitution des recettes dissimulées et du rejet de charges de sous-traitance regardées comme fictives, l'administration fait valoir que l'utilisation de deux comptes bancaires occultes afin de distraire de la comptabilité présentée environ la moitié du chiffre d'affaires réalisé et la déduction injustifiée de plusieurs dépenses procèdent d'une volonté de fraude ; que, toutefois, ce faisant, elle n'établit ni même n'allègue sérieusement l'existence, de la part de M. A, de démarches ou procédés destinés à l'égarer dans ses contrôles, des dissimulations de recettes ou des irrégularités commises dans la tenue d'une comptabilité ne suffisant pas à caractériser de tels procédés ; qu'en particulier, le service ne se prévaut d'aucun agissement particulier du contribuable ayant fait obstacle à l'identification des comptes bancaires occultes, lesquels étaient ouverts au nom de l'entreprise " FAS " ou des prestations fictives litigieuses qui ont fait l'objet de rappels à la suite de la simple mise en oeuvre par le vérificateur de son droit de communication ; que, par suite, l'administration ne justifie pas d'artifice ou de montage destiné à égarer ou à restreindre son pouvoir de vérification et caractérisant ainsi des manoeuvres frauduleuses ; qu'en revanche, en invoquant les circonstances susrappelées, elle établit la volonté délibérée de M. A d'éluder l'impôt, ce que, du reste, l'intéressé ne conteste pas ; qu'il y a lieu, par suite, de substituer à la majoration de 80 %, la majoration prévue, en cas d'absence de bonne foi, par l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la réduction des pénalités afférentes aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assignés à son foyer fiscal à hauteur de la différence résultant de la substitution de la majoration de 40 % pour mauvaise foi à celle de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La pénalité de 40 % pour mauvaise foi prévue par l'article 1729 du code général des impôts est substituée à la pénalité au taux de 80 % dont ont été assorties les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et les contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A au titre de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 juillet 2003.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés de la différence entre les pénalités auxquels ils ont été assujettis et celles résultant de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif et des conclusions de sa requête d'appel est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE04332
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : RENAUD-RIEUTORD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-03;11ve04332 ?
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