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26/06/2012 | FRANCE | N°10VE03077

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 26 juin 2012, 10VE03077


Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Jeannine A, demeurant ..., et Mme Paule B, demeurant ..., par Me de Baynast, avocat ; Mmes A et B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0713283-0812132 du 2 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 25 septembre 2007 par laquelle le conseil municipal d'Argenteuil a adopté le plan local d'urbanisme de la commune, notamment en tant qu'il classe en

espace boisé classé la parcelle leur appartenant, ... et de cond...

Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Jeannine A, demeurant ..., et Mme Paule B, demeurant ..., par Me de Baynast, avocat ; Mmes A et B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0713283-0812132 du 2 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de la délibération du 25 septembre 2007 par laquelle le conseil municipal d'Argenteuil a adopté le plan local d'urbanisme de la commune, notamment en tant qu'il classe en espace boisé classé la parcelle leur appartenant, ... et de condamner la commune à leur verser une somme de 100 000 euros au titre du préjudice subi en raison de ce classement illégal ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Argenteuil le versement d'une somme de 100 000 euros au titre du préjudice subi en raison de ce classement illégal ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Argenteuil le versement d'une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent, sur la légalité de la délibération attaquée, qu'elles contestent principalement le classement de leur parcelle en espace boisé classé ; que ce classement est entaché d'erreur de fait dès lors que la parcelle ne présente aucune des caractéristiques définies par l'article L. 1306-1 du code de l'urbanisme ; que ce classement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le terrain est situé en plein centre-ville, en zone UA, et supporte une maison d'habitation ; que cette parcelle ne présente aucun intérêt paysager ; qu'elle n'est pas incluse dans un ensemble plus vaste dès lors qu'elle est bordée de tous côtés par des terrains déjà bâtis, dont l'un a été déclassé et supporte un immeuble collectif ; que le commissaire enquêteur avait seulement demandé de détourer sur les plans les maisons concernées afin qu'elles soient exclues des espaces boisés classés correspondants ; que les servitudes ne peuvent être prescrites que par des dispositions réglementaires et non par les documents graphiques du PLU ; que le rapport de présentation est insuffisant ; que la commune ne peut utilement se prévaloir de la notion d'" espace vert à protéger " qui ne figure pas dans le code de l'urbanisme ; sur les conclusions à fin d'indemnité, qu'elles ne peuvent pas vendre leur terrain ; que le bâtiment est fortement dégradé ; qu'il n'y a pas, contrairement à ce que soutient la commune, de prescription quadriennale ; que leur préjudice est durable et successif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de Mme Agier-Cabanes, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- les observations de Me de Baynast pour Mmes A et B,

- et les observations de Me Chaineau de la SCP CGCB et associés pour la commune d'Argenteuil ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

Et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ;

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à la commune de suivre l'avis du commissaire enquêteur, lequel, d'ailleurs, s'était borné à recommander de " détourer sur les plans les maisons concernées afin qu'elles soient exclues des espaces boisés classés concernés " ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements (...) " ;

Considérant que Mmes A et B soutiennent que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient commis une erreur de fait en classant leur propriété en espace boisé classé ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que leur propriété, située en centre-ville est constituée d'une maison et d'un jardin planté de cinq marronniers et de deux érables et d'une maison d'habitation ; que ces caractéristiques n'ayant pas été appréciées de manière erronée, le classement de la parcelle en espace boisé classé n'est pas entaché d'erreur de fait ;

Considérant, en troisième lieu, que les requérantes font valoir que leur propriété est classée en zone urbaine UA au règlement du plan local d'urbanisme, que la parcelle supporte une construction et est entourée de parcelles bâties, qu'elle ne présente aucun intérêt paysager ; que, toutefois, ni le nombre restreint des arbres plantés sur la parcelle et leur faible intérêt paysager, ni la présence d'une construction sur celle-ci, ou aux abords de celle-ci, ni le fait que le terrain serait compris dans une zone urbaine ne font obstacle au classement de celui-ci en espace boisé classé ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain constitue, avec d'autres parcelles avoisinantes, un ensemble et n'est pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, comprise dans un ensemble plus vaste et d'un seul tenant, comprenant des arbres et ayant fait l'objet d'un classement en espace boisé classé ; que la circonstance que cet espace soit attenant à des parcelles supportant des constructions, dont certaines auraient fait l'objet d'une suppression totale ou partielle du classement en espace boisé classé n'est pas de nature à entacher d'erreur manifeste d'appréciation le classement contesté ;

Considérant, toutefois, qu'en incluant dans l'espace boisé classé l'emprise de la maison existant sur le terrain d'assiette, laquelle peut être soustraite du périmètre de cet espace sans porter atteinte à l'intérêt de ce dernier, la commune d'Argenteuil a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles ; que, dès lors que cette délimitation ne repose pas, comme il a été dit ci-dessus, sur une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas d'atteinte illégale au principe d'égalité des citoyens devant la loi ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, pour la création de lotissements et l'ouvertures des installations classées appartenant aux catégories déterminées par le plan. " ; qu'aux termes de l'article R. 123-11 du même code : " les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : a) Les espaces boisés classés définis à l'article L. 130-1 " ; qu'il résulte de ces dispositions que la représentation graphique des espaces boisés classés dans les documents du PLU, et notamment dans le plan de zonage, suffit à les rendre opposables ; que, dès lors, peu important le fait que le rapport de présentation ne fasse pas apparaître la surface des espaces boisés classés et leur évolution, le moyen tiré du défaut de prescriptions réglementaires relatives à ces espaces manque en droit ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme : " (les plans locaux d'urbanisme) peuvent : 8°) fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts " ; que la commune n'étant pas tenue de fixer un emplacement réservé pour la réalisation d'un espace vert comprenant le terrain dont s'agit, elle n'a pas, en le classant en espace boisé classé, commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mmes A et B sont fondées à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération attaquée en tant qu'elle classait l'emprise de la maison leur appartenant dans le périmètre de l'espace boisé classé litigieux ;

Sur le préjudice :

Considérant que les préjudices allégués, lesquels n'entrent, d'ailleurs, pas dans les prévisions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, ne sont pas établis ; que, dès lors, leurs conclusions à fin d'indemnité ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mmes A et B, qui ne sont pas, en la présente instance, la partie principalement perdante, le versement à la commune d'Argenteuil de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Argenteuil le versement à Mmes A et B d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La délibération du 25 septembre 2007 du conseil municipal d'Argenteuil est annulée en tant qu'elle classe l'emprise de la maison appartenant à Mmes A et B dans le périmètre de l'espace boisé classé auquel appartient leur parcelle.

Article 2 : La commune d'Argenteuil versera à Mmes A et B une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mmes A et B est rejeté.

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N° 10VE03077 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03077
Date de la décision : 26/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Isabelle AGIER-CABANES
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : DE BAYNAST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-26;10ve03077 ?
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