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21/06/2012 | FRANCE | N°10VE02473

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 juin 2012, 10VE02473


Vu I°) la requête, enregistrée le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE02473, présentée pour la société FREE SAS, dont le siège social est situé 8 rue de la Ville l'Evêque à Paris (75008), par Me Cabot, avocat ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0605281-0802148-0803054-0803077 en date du 11 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 21 décembre 2007 du département des Hauts-de-Seine approuvant le choix du groupement Numéricâble comme délég

ataire du service public de communications électroniques à très haut débit et ...

Vu I°) la requête, enregistrée le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE02473, présentée pour la société FREE SAS, dont le siège social est situé 8 rue de la Ville l'Evêque à Paris (75008), par Me Cabot, avocat ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0605281-0802148-0803054-0803077 en date du 11 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération du 21 décembre 2007 du département des Hauts-de-Seine approuvant le choix du groupement Numéricâble comme délégataire du service public de communications électroniques à très haut débit et autorisant son président à signer la convention afférente ainsi que la décision du président du département des Hauts-de-Seine de signer cette convention, en tant que le tribunal a, par l'article 3 de ce jugement, fait injonction au département, à titre principal, de modifier les stipulations de l'article 49 de la convention en cause puis, à défaut, de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce l'annulation de cette convention ;

2°) d'enjoindre au département des Hauts-de-Seine, à défaut d'avoir obtenu la résolution amiable de la convention en cause, de solliciter du juge du contrat qu'il prononce la nullité de celle-ci dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de condamner le département des Hauts-de-Seine aux dépens et de mettre à sa charge le versement à son profit d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en n'indiquant pas le motif d'intérêt général justifiant qu'il n'y ait pas lieu à résolution de la convention ;

- les premiers juges ont méconnu leur office de juge de l'exécution en ne vérifiant pas si un autre moyen pouvait être retenu pour prononcer l'illégalité de la convention en cause et conduire à sa résolution ;

- le juge avait l'obligation de retenir le moyen impliquant l'injonction la plus favorable aux requérants ;

- le vice entachant d'illégalité les actes détachables de la convention en cause aurait du conduire les premiers juges à enjoindre au département de prononcer la résolution de la convention au lieu d'admettre une possibilité de régularisation par la réécriture de l'article 49 contesté ;

- l'article 49 en cause était, en effet, de nature à interdire à l'administration d'user de son pouvoir de résiliation dans un but d'intérêt général ; cette clause, indivisible du reste du contrat, aurait du conduire le juge à enjoindre au département de prononcer la résolution de ce contrat ;

- l'annulation de ce contrat ne portait en effet aucune atteinte excessive à l'intérêt général ;

- les actes détachables étaient également illégaux en raison de l'absence de consultation du comité technique paritaire ;

- la commission de délégation de services publics était irrégulièrement composée ;

- l'attribution de la convention à la société Numéricâble crée une rupture d'égalité entre les opérateurs économiques ;

..........................................................................................................

Vu II°) la requête enregistrée le 13 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE02748, présentée pour la société COLT TECHNOLOGY SERVICES, dont le siège social est situé 23-27 rue Pierre Valette à Malakoff (Hauts-de-Seine), par Me Claisse, avocat ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement nos 0605281-0802148-0803054-0803077 en date du 11 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, après avoir annulé la délibération du 21 décembre 2007 du département des Hauts-de-Seine approuvant le choix du groupement Numéricâble comme délégataire du service public de communications électroniques à très haut débit et autorisant son président à signer la convention afférente ainsi que la décision du président du département des Hauts-de-Seine de signer cette convention, a enjoint au département de modifier les stipulations de l'article 49 de la convention ou, à défaut, de saisir le juge du contra afin qu'il prononce l'annulation de la délégation de service public ;

2°) d'enjoindre au département des Hauts-de-Seine, à défaut d'avoir obtenu la résolution amiable de la convention en cause, de solliciter du juge du contrat qu'il prononce la nullité de celle-ci dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de condamner le département des Hauts-de-Seine aux dépens et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'omission à statuer et d'une insuffisance de motivation en n'indiquant pas que des nécessités liées à l'intérêt général justifiait la poursuite des relations contractuelles ;

- les premiers juges ont méconnu l'office du juge de l'injonction en ne vérifiant pas si un des autres moyens qu'elle avait invoqué faisait obstacle à la régularisation de la convention ;

- le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences de l'annulation de la délibération précitée et de la décision de signer la convention dès lors que la nature du vice entachant ladite convention impliquait nécessairement sa résolution alors qu'aucune atteinte excessive à l'intérêt général ne justifiait cette dérogation ;

- dès lors que l'annulation a été prononcée en raison de l'illégalité des stipulations contractuelles, la résolution du contrat s'imposait puisque la clause litigieuse, qui prévoyait le versement d'une indemnité de 70 millions d'euros en cas de résiliation pour un motif d'intérêt général empêchant la personne publique d'utiliser son pouvoir de résiliation ;

- cette clause litigieuse étant indivisible du reste de la convention, la nullité de celle-ci devait être prononcée ;

- la résiliation de cette convention ne porte aucune atteinte excessive à l'intérêt général ;

- d'autres moyens invoqués en première instance justifiaient également qu'il ne soit pas procédé à la régularisation de la convention puisque le département a consulté tardivement le comité technique paritaire et que la délibération en cause a été prise après un avis d'une commission dont la composition était irrégulière ;

- de même la convention en question méconnaissait le principe d'égale concurrence entre les opérateurs économiques ;

- le tribunal aurait du retenir le moyen impliquant l'injonction la plus favorable à sa demande ;

- la société Numéricâble a induit en erreur le département en fondant son offre sur l'existence de droits irrévocables d'usage d'infrastructures dans la mesure où elle n'avait pas le droit de rétrocéder ces droits d'usage au groupement et d'en faire un des arguments essentiels de sa proposition ;

- ce prétendu droit a faussé la consultation dès lors que le groupement a pu, ce faisant, obtenir une note meilleure sur le critère relatif au niveau de la participation financière attendue ;

- l'incertitude concernant ces droits méconnaît le principe de continuité du service public ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Cabot pour la société FREE SAS, de Me Cano pour la société COLT TECHNOLOGY SERVICES, de Me O'Mahony pour le département des Hauts-de-Seine et de Me Feldman pour la société Séqualum et la société Numéricable ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2012 pour le département des Hauts-de-Seine par Me Bloch, avocat ;

Considérant que, par une délibération en date du 24 mars 2006, le conseil général du département des Hauts-de-Seine a décidé, en application de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, de mettre en place, sur l'ensemble du territoire du département, un réseau câblé de transmission de données numériques à très haut débit dénommé " THD 92 " ; qu'il était ainsi prévu que la réalisation et l'exploitation de ce réseau se ferait par le biais d'une délégation de service public d'une durée de 25 ans ; qu'à cet effet, le département a lancé, en 2006, une procédure de consultation à l'issue de laquelle le président du conseil général a retenu l'offre du groupement Numéricable / LD Collectivités / Eiffage ; que, par une délibération en date du 21 décembre 2007, le conseil général a approuvé ce choix ainsi que le projet de convention de délégation de service public afférent et a autorisé son président à signer ce dernier document ; que cette signature est effectivement intervenue le 13 mars 2008 ; que, saisi de quatre recours par trois membres du conseil général ainsi que par les sociétés FREE SAS et COLT TECHNOLOGY SERVICES dirigé tant contre la délibération du 24 mars 2006 que contre celle du 21 décembre 2007 précitée ainsi que de la décision de signer la convention de délégation de service public, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir joint lesdits recours et rejeté les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 24 mars 2006, a, par le jugement attaqué du 11 juin 2010, fait droit aux demandes d'annulation de la délibération du 21 décembre 2007 et enjoint au département des Hauts-de-Seine de modifier par voie d'avenant l'article 49 de la convention en cause, et, à défaut, de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la résolution de la convention précitée ; que les sociétés FREE SAS et COLT TECHNOLOGY SERVICES relèvent appel du jugement en question en tant seulement qu'il a, par son article 3, enjoint aux parties de modifier l'article 49 de la convention ; que le département des Hauts-de-Seine relève appel incident du même jugement en demandant son annulation dans son ensemble ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées n° 10VE02473 et n° 10VE02748 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur l'appel incident du département :

S'agissant de la recevabilité de l'appel incident :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie des conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions et au lien ainsi établi entre la décision juridictionnelle et la définition de ses mesures d'exécution, des conclusions tendant à leur mise en oeuvre à la suite d'une annulation pour excès de pouvoir ne présentent pas à juger un litige distinct de celui qui porte sur cette annulation ; que, par suite, les conclusions du département des Hauts-de-Seine présentées par la voie de l'appel incident tendant à l'annulation de l'ensemble du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 11 juin 2010 annulant la délibération du conseil général des Hauts-de-Seine du 21 décembre 2007 et la décision de signer avec le groupement Numéricâble / LD Collectivités / Eiffage la convention de délégation de service public relative à la constitution et à l'exploitation du réseau de très haut débit numérique ne présentent pas à juger un litige distinct des appels principaux dirigés contre l'article 3 du même jugement présentés par les sociétés FREE SAS et COLT TECHNOLOGY SERVICES ; qu'elles sont, en conséquence, recevables ;

S'agissant de la légalité de la délibération du 21 décembre 2007 et de la décision du président du conseil général de signer la convention de délégation de service public :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales : " Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local après avoir recueilli l'avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l'article L. 1413-1. Elles statuent au vu d'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-5 du même code : " (...) l'autorité habilitée à signer la convention engage librement toute discussion utile avec une ou des entreprises ayant présenté une offre. Elle saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé. Elle lui transmet le rapport de la commission présentant notamment la liste des entreprises admises à présenter une offre et l'analyse des propositions de celles-ci, ainsi que les motifs du choix de la candidate et l'économie générale du contrat " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-7 du même code : " (...) l'assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et le contrat de délégation. Les documents sur lesquels se prononce l'assemblée délibérante doivent lui être transmis quinze jours au moins avant sa délibération " ; que, conformément aux dispositions combinées des articles L. 1411-4, 1411-5 et 1411-7 précités du code général des collectivités territoriales les membres du conseil général doivent, lorsqu'ils se prononcent sur un projet de convention de délégation de service public, avoir reçu communication des documents nécessaires à leur information au moins quinze jours avant que n'ait lieu le vote de la délibération approuvant le choix du délégataire et autorisant le président du conseil général à signer la convention afférente ; que lesdits membres doivent, en conséquence, avoir été destinataires, dans ce délai, du rapport mentionné à l'article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales, du rapport établi de la commission consultative mentionné à l'article L. 1411-5 du même code et d'un exemplaire du projet de contrat de délégation tel qu'il est mentionné à l'article L. 1411-7 du même code ; que la société FREE SAS soutient que le département n'aurait pas respecté cette formalité dès lors que ce dernier n'établit aucunement, en se référant à des avis d'envois postaux en recommandés dépourvus de valeur probante compte tenu de leur date et de leur lisibilité insuffisante, la réalité des communications dont ce dernier se prévaut pour justifier du bien-fondé des communications prévues par les article précités du code général des collectivités territoriales ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la lecture du bordereau récapitulatif d'envoi adressé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2008, que si l'ensemble des conseillers généraux est mentionné comme ayant été destinataire d'un rapport concernant le réseau départemental des communications électroniques à haut débit pour le département des Hauts-de-Seine, ce document, qui fait état de deux rapports portant un numéro différent, ne mentionne cependant aucunement que les conseillers généraux auraient été rendus destinataires tant du rapport de la commission consultative que du texte de la convention à approuver ; qu'en outre, les mentions figurant dans ce document ne permettent pas d'établir, dans plusieurs cas, que les conseillers généraux qui y sont mentionnés comme destinataires ont effectivement reçu les documents en question ; qu'ainsi, la société FREE SAS était bien fondée à soutenir que la délibération qu'elle critique a été adoptée en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 1411-4, L. 1411-5 et L. 1411-7 du code général des collectivités territoriales ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 3121-18 du même code : " Tout membre du conseil général a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaire du département qui font l'objet d'une délibération " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier en date du 18 décembre 2007, trois membres du conseil général ont sollicité la communication de différents documents qu'ils estimaient nécessaires à leur information avant de pouvoir se prononcer sur le bien-fondé de la délibération attaquée, documents au nombre desquels figuraient les modalités techniques de détermination du plan d'affaires du délégataire ; que la communication de ces informations était nécessaire dès lors que c'est sur la foi des informations générales fournies par le délégataire en qui concerne les résultats attendus de l'exploitation de la délégation de service public qu'il a été décidé de prévoir, dans la traité de convention approuvé par la délibération attaqué, tant l'attribution d'une subvention au délégataire que la détermination d'un régime spécifique d'indemnisation en cas de résiliation de la convention pour un motif d'intérêt général ; que la demande de communication faite en ce sens n'avait donc pas de caractère dilatoire ; que, par suite, l'exécutif du département, qui devait nécessairement avoir connaissance, dans tous leurs détails, des modalités de détermination du plan d'affaires du délégataire pressenti à l'issue de la procédure de consultation, ne pouvait pas, sauf à méconnaître le droit des membres du conseil général à être informé des affaires du département garanti par l'article L. 1321-18 précité du code général des collectivités territoriales à leur interdire, en les privant de la connaissance d'éléments nécessaires à la détermination de leur vote, d'exercer dûment leurs fonctions en refuser la communication au motif du respect du secret des affaires ; qu'il n'est dès lors pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a estimé que la violation de cet article était établie et que cette violation justifiait l'annulation de la délibération attaquée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par cette collectivité, que le département des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé la délibération attaquée du 21 décembre 2007 ainsi que la décision de signer la convention de délégation de service public conclue avec le groupement Numéricâble / LD Collectivités / Eiffage le 13 mars 2008 ; que, par suite, ses conclusions incidentes tendant à l'annulation dudit jugement doivent être rejetées ;

Sur l'appel principal :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision de recourir aux dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ; que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article L. 9 du même code doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, d'autre part, que le juge, saisi de conclusions tendant à ce que soient prescrites les mesures d'exécution qu'impliquent nécessairement l'annulation d'un acte détachable d'un contrat, est tenu d'assurer l'exécution de la chose jugée s'attachant tant au dispositif qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire, sans pouvoir retenir un autre motif que celui retenu comme fondement de cette annulation ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre le seul article 3 du jugement, que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en ne recherchant pas, dans le cadre de la définition des mesures d'exécution, si d'autres motifs auraient été susceptibles de justifier qu'il soit seulement enjoint aux parties de saisir le juge du contrat afin qu'il prononce la résolution de la convention conclue entre le département et le groupement Numéricâble / LD Collectivités / Eiffage ;

Considérant, enfin, que compte tenu de ce qui précède, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur décision d'une contradiction de motifs en ce qui concerne les conséquences à donner à l'annulation qu'ils avaient prononcé ;

S'agissant du non-lieu à statuer :

Considérant que le département des Hauts de Seine soutient que, compte tenu de l'intervention de la signature du 1er avenant intervenu à la suite du vote d'une délibération du 20 septembre 2010 modifiant les stipulations de l'article 49 de la convention de délégation de service public, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par les sociétés FREE et COLT TECHNOLOGY SERVICES ; que, toutefois, la seule hypothèse d'une absence de divisibilité des stipulations de l'article 49 en question avec le reste des dispositions de la convention en cause a pour effet de ne pas priver d'objet la requête des 2 sociétés qui conservent un intérêt à obtenir l'annulation de l'ensemble de cette convention ;

S'agissant de la régularité de l'article 49 de la convention attaquée :

Considérant qu'en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'autorité concédante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier un contrat de concession, sous réserve des droits à indemnité du concessionnaire ; que l'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve, conformément au principe interdisant aux personnes publiques de consentir des libéralités, qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé ; que, par ailleurs, le montant de l'indemnisation ainsi prévue par voie contractuelle ne doit pas être fixé à un niveau tel qu'il devienne dissuasif pour la collectivité signataire et la conduise à ne pas faire usage de son pouvoir de résiliation pour un motif d'intérêt général ;

Considérant que l'article 49 de la convention conclue entre le département et le groupement Numéricâble / LD Collectivités / Eiffage le 13 mars 2008 prévoit, en cas de résiliation décidée pour un motif d'intérêt général par le département, outre le remboursement des dépenses engagées par le groupement en ce qui concerne les immobilisations non encore amorties, le versement d'une somme forfaitaire de 70 millions d'euros ; que, dès lors, comme l'a estimé à juste titre le tribunal et nonobstant la circonstance que le dispositif aurait été globalement favorable au département, ce que celui-ci n'a d'ailleurs pas été en mesure de vérifier réellement dans l'impossibilité, faute de transmission du délégataire, d'apprécier le caractère pertinent des prévisions effectuées par ce dernier dans son plan d'affaires, le versement d'une indemnité forfaitaire d'un tel montant, due quelle que soit la date de la résiliation éventuelle, est effectivement susceptible de l'inciter à ne pas user de cette prérogative, à laquelle il ne saurait renoncer, qu'est son pouvoir de résiliation unilatérale ; que, pour les mêmes raisons, l'indemnité en question peut, compte tenu de la circonstance qu'elle serait susceptible d'intervenir en fin de convention, être qualifiée de libéralité ; que, par suite, le département des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a constaté l'irrégularité de ladite clause et, par voie de conséquences, a estimé que cette irrégularité était également de nature à entacher d'illégalité tant la délibération du 21 décembre 2007 que la décision du président du conseil général de signer ladite convention ;

S'agissant des conclusions à fin d'injonction :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'inclusion, dans les stipulations de la convention du 13 mars 2008, de l'article 49 précité prévoyant le principe d'une indemnisation forfaitaire du délégataire en cas de résiliation pour un motif d'intérêt général résulte d'une commune intention des parties de lier la présence de cette clause à la signature de l'ensemble de l'acte contractuel ; que, par suite, les stipulations de l'article 49 étaient indivisibles du reste de la convention ; que, dès lors, le département des Hauts-de-Seine n'est pas fondé à soutenir que l'irrégularité affectant ledit article n'était pas de nature à impliquer que le Tribunal lui enjoigne, faute d'accord sur une modification par voie d'avenant, de saisir le juge du contrat afin que ce dernier prononce la résolution de l'ensemble de la convention ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus, il n'appartient pas au juge de l'exécution, saisi de conclusions tendant à ce que soient prescrites les mesures d'exécution qu'impliquent nécessairement l'annulation d'un acte détachable d'un contrat, de retenir un autre motif que celui retenu comme fondement de cette annulation ; que, par suite, les sociétés requérantes ne peuvent, dès lors que les moyens d'annulation retenus par les premiers juges ont été, comme en l'espèce, reconnu comme fondés en appel, se prévaloir, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation du seul article 3 du jugement, d'autres moyens que ceux retenus par les premiers juges ;

Considérant, en troisième lieu, que l'annulation d'un acte détachable d'un contrat n'implique pas nécessairement que la nullité dudit contrat soit constatée par le juge ; qu'il appartient au juge de l'exécution, saisi d'une demande d'un tiers d'enjoindre à une partie au contrat de saisir le juge compétent afin d'en constater la nullité, de prendre en compte la nature de l'acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et de vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l'intérêt général ;

Considérant, d'une part, que la méconnaissance des dispositions des articles L.1411-4, 1411-5, 1411-7 et L. 1321-18 du code général des collectivités territoriales telle qu'elle a été relevée ci-dessus n'est pas de nature à justifier que soit constatée la nullité de la convention du 13 mars 2008 dès lors que rien ne révélant notamment une volonté délibérée d'induire en erreur les conseillers généraux quant à la portée de leur vote, elle doit être regardée comme n'étant relative qu'aux modalités selon lesquelles le consentement de la collectivité a été acquis;

Considérant, d'autre part, que si la rédaction initiale de l'article 49 de la convention est de nature à en affecter la validité, l'irrégularité ainsi relevée n'est pas de nature à entraîner nécessairement la nullité de la convention en cause dès lors qu'elle peut être régularisée par l'adoption de stipulations contractuelles excluant, en cas de mise en jeu d'une résiliation pour motif d'intérêt général, toute libéralité du département et toute incitation à renoncer à la mise en jeu de cette résiliation ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'application de l'article L. 911-1 précité permettait d'enjoindre aux parties, avant toute saisine du juge du contrat, de trouver un accord pour l'adoption d'une clause respectant les principes qui viennent d'être évoqués ;

Considérant, enfin, que les premiers juges n'étaient, dès lors qu'ils enjoignaient aux parties de procéder à la modification de l'article 49 précité, pas tenu de vérifier qu'un motif d'intérêt général justifiait qu'il ne soit pas procédé à la constatation de la nullité de la convention en cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés FREE SAS et COLT TECHNOLOGY SERVICES et le département des Hauts-de-Seine ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 11 juin 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés FREE SAS et COLT TECHNOLOGY SERVICES, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties principalement perdantes, le versement des sommes demandées par le département des Hauts-de-Seine au titre des frais que ce dernier a exposé et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge du Département des Hauts-de-Seine le versement aux sociétés FREE SAS et COLT TECHNOLOGY SERVICES des sommes que ces dernières demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions à fin d'appel principal de la société FREE SAS et de la société COLT TECHNOLOGY SERVICES sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions à fin d'appel principal et d'appel incident du département des Hauts-de-Seine sont rejetées.

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Nos 10VE02473-10VE02748 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02473
Date de la décision : 21/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Département - Organisation du département - Organes du département - Conseil général - Fonctionnement.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Délégations de service public.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Approbation.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Contenu.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs et obligations du juge.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs et obligations du juge - Pouvoirs du juge du contrat.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Voies de recours - Appel - Appel incident.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : SELARL LATOURNERIE WOLFROM et ASSOCIES ; SELARL LATOURNERIE WOLFROM et ASSOCIES ; SCP CLAISSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-21;10ve02473 ?
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