Vu la requête, enregistrée le 12 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE, venant aux droits et obligations de la société Appia Est Ile-de-France, dont le siège est sis 2, rue Hélène Boucher à Neuilly-sur-Marne (93330), par la SELAS Bontoux et Associés ; la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700696 du 27 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, l'a déchargée s'il y a lieu de la différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles la société Appia Est Ile-de-France a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;
Elle soutient, en premier lieu, que l'administration a retenu une méthode excessivement sommaire pour calculer l'assiette de la taxe en litige ; en second lieu, que s'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction, l'application du taux majoré de 2 % a le caractère d'une sanction comme le rappelle la documentation 5 L-263 n° 5 ; qu'une majoration de 344 % a nécessairement un caractère répressif ; qu'il suit de là que l'administration devait motiver l'application de cette sanction conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ;
Vu la décision n° 2010-84 QPC du Conseil constitutionnel en date du 13 janvier 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
Considérant que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE fait appel du jugement du 27 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée, s'il y a lieu, de la différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles la société Appia Est Ile-de-France a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
Considérant que, par sa décision du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision du 31 janvier 2011 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal d'Ile-de-France Est a prononcé le dégrèvement, en droits et intérêts de retard, des impositions en litige à concurrence des sommes de 807 euros et 3 010 euros, correspondant respectivement à la cotisation supplémentaire de taxe d'apprentissage et à la cotisation supplémentaire de participation des employeurs à l'effort de construction réclamées au titre de l'année 2003, et à concurrence des sommes de 684 euros et 2 978 euros, correspondant respectivement à la cotisation supplémentaire de taxe d'apprentissage et à la cotisation supplémentaire de participation des employeurs à l'effort de construction réclamées au titre de l'année 2004 ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
Considérant qu'il est de l'office du juge du plein contentieux fiscal de calculer exactement le montant des droits faisant l'objet de sa décision ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE était " déchargée s'il y a lieu de la différence " entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû verser en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la société ; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché sa décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la cotisation de 2 p. 100 prévue par le 1 de l'article 235 bis du code général des impôts ne constituant pas une sanction, quels que soient, à cet égard, les termes de la doctrine dont la requérante a entendu se prévaloir, le moyen tiré de la violation de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public est inopérant ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
Quant au principe de l'inclusion des indemnités de congés payés dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison notamment des dispositions des articles 224, 225 et 235 bis du code général des impôts et de l'article 242-1 du code de la sécurité sociale, que l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour son compte par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en vertu de l'article 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30, est sans incidence sur l'assiette de ces prélèvements et sur l'assujettissement de l'employeur ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;
Considérant, en second lieu, que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M. Blary, député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales laquelle comprend les indemnités de congés payés ; qu'elle n'est pas davantage fondée à invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993 qui ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal ;
Quant au montant de l'imposition :
Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts et du code de la sécurité sociale qui viennent d'être mentionnées, ainsi que de celles des articles L. 223-16, D. 732-1, D. 732-5 et D. 732-6 du code du travail, respectivement devenus les articles L. 3141-30, D. 3141-12, D. 3141-29 et D. 3141-31 de ce code, que, pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, il convient de retenir le montant des indemnités de congés payés dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, c'est-à-dire le montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ;
Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des indemnités de congés payés que la société Appia Est Ile-de-France aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ou les éléments permettant de procéder au calcul de ce montant, l'administration s'est livrée à une évaluation de ces indemnités en appliquant aux rémunérations versées par la requérante au cours des années concernées un taux de 13,14 %, qui correspond au rapport entre le nombre de jours de congés payés et la masse salariale des entreprises du bâtiment et qui est retenu, pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue en application d'un accord collectif du 31 décembre 1979 ; qu'à la suite d'une demande de l'intéressée en ce sens, elle a toutefois accepté de ramener le montant de ces indemnités, entrant dans les bases d'imposition des taxes en litige, au dixième des rémunérations brutes versées par la société et a, comme il a été dit ci-dessus, prononcé les dégrèvements résultant de cette réduction des bases d'imposition ;
Considérant, d'une part, que, si la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE relève que les sommes ainsi retenues par l'administration ne sont pas issues d'une reconstitution des montants des indemnités de congés payés que la société Appia Est Ile-de-France aurait versés à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, elle n'apporte pas, en dépit du supplément d'instruction effectué par la Cour par lettre du 15 février 2012, les éléments permettant de procéder à cette reconstitution et qui résultent pourtant de l'exploitation de l'entreprise ; d'autre part, que le caractère forfaitaire de la méthode d'évaluation des indemnités de congés payés, dont la requérante a, au demeurant, elle-même demandé l'application, n'est pas, par elle-même de nature à établir que l'administration aurait surévalué le montant des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige ; qu'il suit de là que, faute pour la requérante de fournir des données plus précises, l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé des impositions restant en litige ;
Considérant, par ailleurs, que la documentation de base 13 L-1511, n° 13 et 14, du 1er juillet 2002, qui est afférente à la procédure d'imposition, ne contient aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dont la requérante pourrait demander le bénéfice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE n'est pas fondée à demander la décharge des impositions restant en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge présentées par la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance par l'administration, soit à hauteur des sommes de 807 euros et 3 010 euros, s'agissant respectivement de la cotisation supplémentaire de taxe d'apprentissage et de la cotisation supplémentaire de participation des employeurs à l'effort de construction réclamées au titre de l'année 2003, et à hauteur des sommes de 684 euros et 2 978 euros, s'agissant respectivement de la cotisation supplémentaire de taxe d'apprentissage et de la cotisation supplémentaire de participation des employeurs à l'effort de construction réclamées au titre de l'année 2004.
Article 3 : Le jugement n° 0700696 du 27 mai 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il statue sur les droits restant en litige.
Article 4 : L'Etat versera à la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande de la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS ILE-DE-FRANCE CENTRE devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
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N° 10VE02212