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19/06/2012 | FRANCE | N°10VE01449

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 juin 2012, 10VE01449


Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES, anciennement société SCE, dont le siège est sis ZI Villemilan, 19, boulevard Arago à Wissous (91320), par la SELAS Bontoux et Associés ; la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0612525 du 23 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, d'une part, l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la p

articipation des employeurs à l'effort de construction auxquelles la sociét...

Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES, anciennement société SCE, dont le siège est sis ZI Villemilan, 19, boulevard Arago à Wissous (91320), par la SELAS Bontoux et Associés ; la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0612525 du 23 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, d'une part, l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles la société SCE a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et, d'autre part, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Elle soutient, en premier lieu, que l'administration a retenu une méthode excessivement sommaire pour calculer l'assiette de la taxe en litige ; en second lieu, que s'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction, l'application du taux majoré de 2 % a le caractère d'une sanction comme le rappelle la documentation 5 L-263 n° 5 ; qu'une majoration de 344 % a nécessairement un caractère répressif ; qu'il suit de là que l'administration devait motiver l'application de cette sanction conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 ;

Vu la décision n° 2010-84 QPC du Conseil constitutionnel en date du 13 janvier 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES, anciennement société SCE, fait appel du jugement du 23 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a déchargée de l'éventuelle différence entre les cotisations à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles la société SCE a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 et celles résultant de l'intégration dans la base d'imposition de ces taxes du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait versé à ses salariés si elle n'avait pas été affiliée à une caisse de congés payés et a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant que, par sa décision du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1 de l'article 235 bis du code général des impôts ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il est de l'office du juge du plein contentieux fiscal de calculer exactement le montant des droits faisant l'objet de sa décision ou, à défaut, de fixer avec précision les bases sur lesquelles ils doivent être calculés ; que, par suite, le tribunal administratif ne pouvait se borner à décider que la société SCE était " déchargée de l'éventuelle différence " entre les cotisations des taxes en litige auxquelles elle avait été assujettie et celles résultant du montant des indemnités de congés payés qu'elle aurait dû verser en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse de congés payés, alors qu'il lui appartenait, le cas échéant après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer lui-même les nouvelles bases d'imposition qu'il entendait assigner à la société SCE ; qu'à défaut de l'avoir fait, le tribunal a méconnu sa propre compétence et a entaché sa décision d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société SCE, devenue société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES, devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que la cotisation de 2 p. 100 prévue par le 1 de l'article 235 bis du code général des impôts ne constituant pas une sanction, quels que soient, à cet égard, les termes de la doctrine dont la requérante a entendu se prévaloir, le moyen tiré de la violation de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public est inopérant ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 6 juin 2006, qui indique la nature, le montant et le motif des redressements envisagés, énonce notamment que l'assiette retenue par la société requérante pour la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs à l'effort de construction ne comprend pas les indemnités de congés payés versées à ses salariés et qu'elle doit, en conséquence, être majorée forfaitairement de 13,14 % pour tenir compte de ces indemnités ; qu'elle précise que ce taux de 13,14 %, à appliquer aux sommes versées à titre de rémunérations, correspond au pourcentage forfaitaire choisi par la fédération du bâtiment pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue ; que, par suite, la proposition de rectification satisfait aux exigences de motivation prévues par l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne le principe de l'inclusion des indemnités de congés payés dans l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison notamment des dispositions des articles 224, 225 et 235 bis du code général des impôts et de l'article 242-1 du code de la sécurité sociale, que l'assiette de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction auxquelles est assujetti un employeur est constituée par l'ensemble des rémunérations dues par celui-ci à ses salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail, y compris les indemnités de congés payés ; que la circonstance que le service des indemnités de congés payés soit assuré pour son compte par une caisse de congés payés à laquelle il est affilié en vertu de l'article 223-16 du code du travail, devenu l'article L. 3141-30, est sans incidence sur l'assiette de ces prélèvements et sur l'assujettissement de l'employeur ; que, par suite, l'administration était en droit d'inclure, dans l'assiette de la taxe et de la participation en litige, les indemnités de congés payés dues par la requérante à ses salariés ;

Considérant, en second lieu, que la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 13 avril 1976 à M. Blary, député, reprise dans l'instruction 5 L-7-76, dont les dispositions sont devenues caduques à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social, qui a aligné la base de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs à l'effort de construction sur celle des cotisations sociales laquelle comprend les indemnités de congés payés ; qu'elle n'est pas davantage fondée à invoquer, sur le fondement des mêmes dispositions, la circulaire du ministre du travail du 28 juillet 1993 qui ne comporte aucune interprétation d'un texte fiscal ;

En ce qui concerne le montant de l'imposition :

Considérant qu'il résulte des dispositions du code général des impôts et du code de la sécurité sociale qui viennent d'être mentionnées, ainsi que de celles des articles L. 223-16, D. 732-1, D. 732-5 et D. 732-6 du code du travail, respectivement devenus les articles L. 3141-30, D. 3141-12, D. 3141-29 et D. 3141-31 de ce code, que, pour le calcul des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, il convient de retenir le montant des indemnités de congés payés dû par l'employeur à ses salariés en application des dispositions du code du travail et des conventions collectives ou accords applicables à la profession, c'est-à-dire le montant que l'employeur aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ;

Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, faute de connaître le montant des indemnités de congés payés que la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES aurait versé à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse ou les éléments permettant de procéder au calcul de ce montant, l'administration s'est livrée à une évaluation de ces indemnités en appliquant aux rémunérations versées par la requérante au cours des années concernées un taux de 13,14 %, qui correspond au rapport entre le nombre de jours de congés payés et la masse salariale des entreprises du bâtiment et qui est retenu, pour le calcul de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue en application d'un accord collectif du 31 décembre 1979 ;

Considérant, d'une part, que, si la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES relève que les sommes ainsi déterminées par l'administration ne sont pas issues d'une reconstitution des montants des indemnités de congés payés qu'elle aurait versés à ses salariés en l'absence d'affiliation obligatoire à une caisse, elle n'apporte pas, en dépit du supplément d'instruction effectué par la Cour par lettre du 15 février 2012, les éléments permettant de procéder à cette reconstitution et qui résultent pourtant de son exploitation ; d'autre part, qu'elle n'est pas fondée à soutenir que le service aurait reporté sur le contribuable la tâche qui lui incombe de déterminer le montant du rehaussement dès lors que l'administration a procédé à cette détermination et qu'il revient à la requérante, dans le cadre de la dialectique de la preuve, d'apporter les éléments de nature à justifier du caractère mal fondé de cette évaluation et qu'elle seule est en mesure de produire ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES, la méthode forfaitaire retenue par l'administration ne peut être regardée comme excessivement sommaire ; qu'à cet égard, la circonstance que cette méthode ne tient pas compte de l'incidence du décalage entre la période d'acquisition des droits à congés des salariés et la période de congés n'est pas, par elle-même, de nature à établir que l'administration aurait surévalué le montant des indemnités de congés payés à prendre en compte dans l'assiette des taxes en litige, ni que lesdites taxes auraient été établies en méconnaissance du principe d'annualité de l'impôt ; qu'il suit de là que l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé des impositions restant en litige ;

Considérant, par ailleurs, que la documentation de base 13 L-1511, n° 13 et 14, du 1er juillet 2002, qui est afférente à la procédure d'imposition, ne contient aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dont la requérante pourrait demander le bénéfice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES n'est pas fondée à demander la décharge des impositions en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES.

Article 2 : Le jugement n° 0612525 du 23 mars 2010 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la société EIFFAGE CONSTRUCTION SERVICES devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

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N° 10VE01449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01449
Date de la décision : 19/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Taxe d'apprentissage.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : BONTOUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-19;10ve01449 ?
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