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19/06/2012 | FRANCE | N°10VE00294

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 juin 2012, 10VE00294


Vu la requête, enregistrée le 2 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE WFCS venant aux droits de la société REP TRONIC, ayant son siège social 7 boulevard de Bretagne à Longjumeau (91160), par Mes A et B, avocats à la Cour ; la SOCIETE WFCS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0703233-0810780 du 1er décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a refusé de faire droit à sa demande de remboursement de crédits de TVA pour des montants respectifs de 146 608 euros et 19 600 euros au tit

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Vu la requête, enregistrée le 2 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE WFCS venant aux droits de la société REP TRONIC, ayant son siège social 7 boulevard de Bretagne à Longjumeau (91160), par Mes A et B, avocats à la Cour ; la SOCIETE WFCS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0703233-0810780 du 1er décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a refusé de faire droit à sa demande de remboursement de crédits de TVA pour des montants respectifs de 146 608 euros et 19 600 euros au titre des périodes respectivement du 1er janvier au 31 mars 2006 et du 1er janvier au 31 mars 2008 ;

2°) de faire droit à cette demande de remboursement avec versement des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE WFCS soutient, en premier lieu, que le Tribunal s'est trompé en considérant qu'une société qui ne réalise pas de chiffre d'affaires imposable à la TVA en raison de sa cessation d'activité ne peut se prévaloir de son droit à déduction de la TVA d'amont supportée au titre de frais engagés postérieurement à sa cessation d'activité car cette interprétation est contraire tant à la jurisprudence communautaire qu'à la jurisprudence nationale ; que la Cour de justice des Communautés européennes a en effet jugé, dans un arrêt du 5 mars 2005 Fini, que la TVA grevant les charges liées à l'activité passée peut, sous réserve de comportements frauduleux et abusifs, être récupérée dès lors qu'il existe un lien direct et immédiat entre les charges et l'activité qui était exercée ; que, dans ce cas, la TVA peut être déduite ; en deuxième lieu, que s'agissant de la jurisprudence nationale, le Conseil d'Etat a jugé le 30 avril 2004 que des travaux réalisés par une entreprise après sa cessation provisoire d'activité au titre de la responsabilité décennale des constructeurs, prolongent les opérations de même nature faites par la société avant la cessation de ses activités ; que ces prestations peuvent être rattachées aux opérations de construction antérieurement effectuées ; que le Tribunal administratif d'Amiens a jugé également en ce sens ; qu'au cas d'espèce, le défaut de réalisation d'un chiffre d'affaires non soumis à la TVA ne constitue pas un obstacle à la déduction de la TVA d'amont supportée par une société après cessation de son activité dès lors que les frais engagés sont en relation avec l'activité commerciale antérieure de cette société ; que les dépenses en cause sont liées à l'ensemble de l'activité imposable de la société ouvrant droit à déduction de la TVA ; que les nouvelles prestations de services, définies par les avenants aux contrats de juillet 2003, ont bien pour objet de régler le litige né dans le cadre des relations commerciales entre la société REP TRONIC et son ancien fournisseur et sont, par conséquent, en relation avec son activité imposable précédemment exercée ; que la circonstance que les avenants soient postérieurs à la cessation d'activité doit être écartée ; en troisième lieu, que ces dépenses font, à titre subsidiaire, partie de frais généraux ; que, dans un arrêt du 29 octobre 2009 Skatteverket contre AB/SKF, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que le droit à déduction de la TVA acquittée en amont est acquis si un lien direct et immédiat existe entre les dépenses liées aux prestations en amont et l'ensemble des activités économiques des assujettis ; qu'il ressort du calcul lui-même des indemnités qu'elles comprennent trois parts, soit une part de 4 790 698 euros pour le préjudice résultant de la perte du droit de prospecter de la clientèle et du bénéfice que la société REP TRONIC pouvait en retirer, une part au titre du préjudice résultant de l'absence d'amortissement des frais engagés à la suite des recommandations de la société Xilinx et, enfin, une part au titre de préjudice résultant de la cessation d'activité de la société REP TRONIC, soit pour les licenciements et au titre de la résiliation des baux et autres contrats avec les fournisseurs ; que ce montant ne comprend en aucun cas les prestations facturées par les sociétés WFCS et FMV TRONIC ; que, dès lors, le montant des prestations de conseil n'est pas incorporé dans le montant de l'indemnité perçue ; que, par suite, conformément à l'arrêt de la Cour de Luxembourg Skatteverket contre AB/SKF du 29 octobre 2009, les prestations doivent être considérées comme se rattachant à l'ensemble de l'activité imposable de la société REP TRONIC ; en quatrième lieu, que selon la jurisprudence Wittenheim du Tribunal administratif de Paris, ces honoraires ont été engagés en vue de la liquidation de l'activité de la société laquelle n'était propriétaire d'aucun autre immeuble dans le cas d'espèce ; que la société Xilinx étant pour la requérante son principal client, la dénonciation du contrat d'agent a automatiquement conduit la société REP TRONIC à la cessation d'activité puisque 80 % de son chiffre d'affaires était généré par le mandat avec la société Xilinx ; en cinquième lieu que, comme l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, les dépenses liées au versement de l'indemnité sont les dernières dépenses engagées en vue de la liquidation future de la société ; que la TVA était donc déductible ; qu'en application de l'article 242-0 G de l'annexe II au code général des impôts, lorsqu'un contribuable perd la qualité d'assujetti, le crédit de taxe déductible dont il dispose peut faire l'objet d'un remboursement pour son montant total ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive européenne 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me B, pour la société WFCS ;

Considérant que la société REP TRONIC, qui exerçait une activité de représentante commerciale multicartes en circuits intégrés et semi-conducteurs pour son client majoritaire la société Xilinx, a subi la rupture unilatérale de ce contrat au cours du premier trimestre 2003 sans obtenir d'indemnité de résiliation ; qu'en juillet 2003, elle a passé un avenant au contrat de services qui la liait à ses sociétés mères WFCS et FMV Tronic qui devaient négocier auprès de la société Xilinx une indemnité transactionnelle qu'elle a obtenue en novembre 2005, indemnité qu'elle a inscrite en comptabilité à titre de " produit exceptionnel " exonéré de TVA ; qu'elle a demandé à l'administration fiscale, à la suite de sa cessation d'activité, le remboursement de la TVA acquittée sur les prestations de services rendues par ses sociétés mères ayant conduit à l'obtention de cette indemnité, mais que l'administration fiscale a refusé de faire droit à sa demande tant sur les factures de 2006 que de 2008 ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer, a rejeté le surplus de sa demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) 3. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement (...)" ; que la taxe grevant les charges liées à l'activité taxable mais supportées postérieurement à la cessation de cette activité peut, sauf fraude ou abus, être récupérée par l'assujetti s'il existe un lien direct et immédiat entre ces charges et l'ensemble des activités économiques de l'assujetti ;

Considérant que la société REP TRONIC fait valoir que les prestations effectuées par ses sociétés mères WFCS et FMV Tronic sont des charges liées à l'activité taxée qu'elle exerçait avant sa cessation d'activité ; qu'il résulte de l'instruction que la société REP TRONIC exerçait une activité de représentante commerciale pour le compte de la société Xilinx, son principal client, à hauteur de 80 % de son chiffre d'affaires, et que les prestations de conseil juridique et de négociation rendues par les sociétés mères avaient pour objet de rechercher une indemnisation pour la perte de son partenaire commercial à l'issue de la rupture du contrat qui liait les deux sociétés ; qu'à cet égard, l'indemnité transactionnelle finalement obtenue comprenait les charges afférentes à sa cessation d'activité, soit les indemnités de licenciement et les sommes liées à la résiliation des baux et autres contrats passés avec ses fournisseurs, dépenses qui correspondaient à ses obligations juridiques liées intrinsèquement à ses activités ; que, dès lors, il existait un lien direct et immédiat entre les charges que constituaient ces prestations et l'ensemble de l'activité commerciale qu'elle avait exercée ; que, par suite, et alors même que l'indemnité transactionnelle n'était pas assujettie en tant que telle à la TVA, la SOCIETE WFCS venant aux droits de la société REP TRONIC est en droit d'obtenir le remboursement de la TVA que la société REP TRONIC a acquittée sur les prestations de service qui lui ont permis d'obtenir l'indemnité transactionnelle versée par la société Xilinx à la suite de la rupture du contrat commercial qui la liait à celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE WFCS venant aux droits de la société REP TRONIC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement ... " ; que ces intérêts sont, en application de l'article R.* 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ;

Considérant qu'à la date à laquelle la société requérante a saisi le Tribunal administratif de conclusions tendant au paiement des intérêts moratoires sur les sommes en litige au titre des années 2006 et 2008, il n'existait aucun litige né et actuel entre le comptable responsable du remboursement et ladite société, qui n'avait formulé aucune réclamation relative au paiement desdits intérêts, et que le litige n'est pas davantage né en cours d'instance ; qu'il suit de là que la SOCIETE WFCS venant aux droits de la société REP TRONIC, dont les conclusions susmentionnées n'étaient pas recevables, n'est pas fondée à demander le versement desdits intérêts devant le Cour ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE WFCS venant aux droits de la société REP TRONIC et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il est accordé à la SOCIETE WFCS, venant aux droits de la société REP TRONIC, le remboursement d'un montant de 146 608 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait à l'expiration du premier trimestre de l'année 2006 et le remboursement d'un montant de 19 600 euros correspondant au crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait à l'expiration du premier trimestre de l'année 2008.

Article 2 : Le jugement n° 0703233 du 1er décembre 2009 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE WFCS, venant aux droits de la société REP TRONIC, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 10VE00294 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00294
Date de la décision : 19/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-08 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Cessation ou modification d'activité.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PELLIZZARI ET MORAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-19;10ve00294 ?
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