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14/06/2012 | FRANCE | N°10VE00300

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 14 juin 2012, 10VE00300


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION DE L'EAU (SIRYAE), dont le siège est à la Mairie de Behoust (78910), par Me Meffre ; le syndicat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703796 du 21 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Travaux Spéciaux Mournès et de la société Safège Environnement à lui payer la somme de 308 526,24 e

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Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION DE L'EAU (SIRYAE), dont le siège est à la Mairie de Behoust (78910), par Me Meffre ; le syndicat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703796 du 21 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Travaux Spéciaux Mournès et de la société Safège Environnement à lui payer la somme de 308 526,24 euros en réparation du préjudice subi que lui a causé le dommage résultant d'un défaut d'étanchéité du réservoir des Essarts-le-Roi et la somme de 5 532,70 euros relative aux frais d'expertise ;

2°) de condamner in solidum les sociétés Travaux Spéciaux Mournès et Safège Environnement à lui payer lesdites sommes ;

3°) de mettre à la charge desdites sociétés, in solidum, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas statué sur l'incidence négative de la fuite résiduelle d'eau constatée sur le réservoir des Essarts-le-Roi, et que l'expert précise que la présence permanente d'humidité compromet la solidité dudit réservoir ; que la société Safège Environnement a failli à son devoir de conseil en prévoyant dans le cahier des clauses techniques particulières une tolérance pour les fuites d'eau ; que la société Travaux Spéciaux Mournès aurait dû, en raison de sa compétence technique en la matière, indiquer au maître d'ouvrage les conséquences d'éventuelles fuites sur la solidité de l'ouvrage ; que l'exécution de l'opération de pose de la membrane d'étanchéité n'a pas été réalisée de manière parfaite, laquelle a eu pour conséquence les fuites d'eau constatées ; que le coût de la réparation des désordres se monte à 308 526,24 euros TTC ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Courault, rapporteur public,

- et les observations de Me Meffre pour le syndicat intercommunal de la région d'Yvelines pour l'adduction d'eau et de Me Smaïl substituant Me Reibell pour la société Safège Environnement ;

Considérant que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU (SIRYAE) a confié à la société Travaux Spéciaux Mournès, par un acte d'engagement en date du 31 mars 2001, la réalisation de la réfection de travaux d'étanchéité de différents réservoirs dont celui des Essarts-le-Roi ; que la société Saunier-Techna, actuellement dénommée Safège Environnement, s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre du projet, par acte d'engagement en date du 30 avril 1999 ; que, par un avenant n° 2 au marché, il a été prévu d'assurer l'étanchéité de la cuve du réservoir des Essarts-le-Roi par la pose d'une membrane de marque " Sarnafil " en lieu et place du revêtement en résine époxydique initialement prévu au marché ; que la réception des travaux a été prononcée le 24 juillet 2004 sous réserve de l'exécution concluante de l'épreuve d'étanchéité de la cuve ; que différentes fuites d'eau ayant été constatées sur le réservoir aux mois de mars et mai 2005, le SIRYAE a demandé au Tribunal administratif de Versailles la désignation d'un expert ; que, par une ordonnance en date du 25 novembre 2005, le président de ce tribunal a désigné comme expert M. Gourdin, lequel a rendu son rapport le 14 novembre 2006 ; que le SIRYAE relève appel du jugement en date du 21 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la société Travaux Spéciaux Mournès et de la société Safège Environnement à lui verser la somme de 308 526,24 euros au titre des travaux de réparation de la cuve du château d'eau des Essarts-le-Roi et de 5 532,70 euros au titre des frais d'expertise ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le SIRYAE soutient que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la circonstance, soulevée par lui, que la responsabilité des deux sociétés était engagée dès lors que la fuite d'eau constatée aurait eu pour conséquence de porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ; que, toutefois, le SIRYAE, qui avait engagé son action sur le fondement de la responsabilité contractuelle des sociétés Safège Environnement et Travaux Spéciaux Mournès, ne pouvait se fonder utilement sur le moyen tiré d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage, lequel n'aurait pu être soulevé que dans le cadre d'une action engagée sur le terrain de la garantie décennale ; que, les premiers juges n'étant pas tenus de répondre à ce moyen inopérant, le SIRYAE n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté est entaché sur ce point d'une omission à statuer ; que, par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement doit être rejeté ;

Sur la responsabilité des sociétés Travaux Spéciaux Mournès et Safège Environnement :

Considérant que des défauts d'étanchéité ayant affecté le réservoir des Essarts-le-Roi au cours de l'année 2003, la réception des travaux de réfection de cet ouvrage a été constatée le 24 juillet 2004, sous réserve de l'exécution concluante de l'épreuve d'étanchéité de la cuve conformément aux stipulations de l'article 17 du cahier des clauses techniques particulières ; que le SIRYAE est ainsi fondé à rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés susmentionnées ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Safège Environnement :

Considérant que le SIRYAE soutient que le maître d'oeuvre aurait dû s'opposer, dans l'accomplissement de sa mission de conseil, au choix de recourir, pour assurer l'étanchéité du réservoir des Essarts-le-Roi, par avenant n° 2 le 17 février 2003, à la pose d'une membrane, ledit procédé présentant des difficultés d'exécution et des risques d'altération de la structure par corrosion des aciers enrobés dans le béton, même en cas de légère fuite ; que, toutefois, il ressort du rapport d'expertise que ce procédé technique d'étanchéité des cuves, qui avait d'ailleurs reçu l'approbation du bureau Véritas le 14 avril 1998 et de la direction de la protection et de l'environnement de la mairie de Paris le 20 mars 1998 était adapté, eu égard au mauvais état du béton de la cuve constaté lors des travaux ; qu'ainsi, le SIRYAE n'est pas fondé à soutenir qu'en ne s'opposant pas au type d'étanchéité retenu par l'avenant n° 2, le maître d'oeuvre aurait commis des fautes dans sa mission de conseil du maître d'ouvrage de nature à entrainer la constitution d'un dommage futur ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société Travaux Spéciaux Mournès :

Considérant que le SIRYAE ne peut utilement soutenir, pour les motifs ci-dessus développés, qu'il incombait la société Travaux Spéciaux Mournès, en raison de sa compétence technique, de prévenir le maître d'ouvrage des risques que le procédé d'étanchéité par pose d'une membrane représentait pour la solidité de la structure de l'ouvrage ;

Considérant, toutefois, que l'article 17 du cahier des clauses techniques particulières prévoit que : " Huit jours après la mise en eau terminée des ouvrages, le maître d'oeuvre pourra procéder (...) aux épreuves d'étanchéité des cuves qui consisteront à contrôler que le niveau d'eau s'est bien maintenu au niveau maximum et qu'il n'apparaît aucune tâche d'humidité ni suintement sur les parois extérieures de l'ouvrage. Compte tenu des variations de température et de l'évaporation mesurées à l'aide d'un récipient témoin installé dans l'ouvrage, les fuites ne devront pas dépasser une moyenne de 250 cm3 par jour et par mètre carré de parois immergées. Les ouvrages sont déclarés étanches s'il n'y a pas de pertes supérieures à celles indiquées ci-dessus et si aucune tâche d'humidité ni suintement n'est apparu sur les parois extérieures " ; qu'il résulte de l'instruction que des pertes par suintement à l'extérieur de l'ouvrage ont été constatées lors de la réalisation des épreuves d'étanchéité, alors que les seules pertes tolérées par les stipulations susmentionnées consistent en des fuites par évaporation et de surcroît dans la limite de 250 cm3 par jour et par mètre carré de parois immergées ; qu'ainsi, la société Travaux Spéciaux Mournès doit être regardée comme ayant commis une faute dans la pose de la membrane d'étanchéité ; que cette méconnaissance de ses obligations contractuelles est de nature à engager sa responsabilité ; qu'il y a donc lieu de la condamner à réparer les conséquences dommageables, pour le maître d'ouvrage, de cette faute ;

Sur les garanties :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société Travaux Mournès, seule responsable des malfaçons constatées, n'est pas fondée à demander que la société Safège Environnement la garantisse des sommes qui seront mises à sa charge ; que ces conclusions en ce sens ne peuvent donc qu'être rejetées ; que, par ailleurs, le présent arrêt n'aggrave pas la situation de la société Safège Environnement ; que, dès lors, les conclusions d'appel provoqué de cette société sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur le préjudice :

Considérant que le syndicat intercommunal requérant demande la condamnation de la société Travaux Spéciaux Mournès à l'indemniser d'un montant de 308 526,24 euros correspondant à la dépose de la membrane existante et à la réalisation d'une nouvelle étanchéité par un procédé technique différent ainsi qu'à des pertes d'exploitation pour une période de trois mois ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le rétablissement de l'étanchéité de la structure implique la dépose complète de la membrane existante et la réalisation d'une nouvelle étanchéité intégrale, mais qu'elle requiert, comme l'a d'ailleurs à plusieurs reprises proposé la société Travaux Spéciaux Mournès au maître de l'ouvrage, notamment dans ses courriers des 18 février 2008 et 17 juin 2009, l'intervention de cette société pour déterminer l'origine de la fuite et pour réaliser les réparations nécessaires lui permettant de mettre fin aux désordres et d'obtenir ainsi la levée des réserves constatées lors de la réception ; qu'il y a donc lieu d'ordonner à la société Travaux Spéciaux Mournès de procéder à la réfection des désordres constatés, sous réserve de l'obtention à cette fin de l'accord du SIRYAE et sous le contrôle d'un expert, qui devra déterminer la nature et la durée des travaux à effectuer ; que, par ailleurs, ni l'état de l'instruction ni le rapport de l'expert ne permettent de déterminer, au titre du préjudice allégué, le montant des pertes d'exploitation correspondant au temps nécessaire à ces opérations de réfection de la cuve et à l'immobilisation du château d'eau ; qu'il convient sur ce point de prescrire, avant dire droit, une expertise aux fins indiquées dans le dispositif du présent arrêt ;

Sur les dépens :

Considérant que l'attitude persistante du syndicat intercommunal, qui n'a jamais autorisé la société Travaux Spéciaux Mournès à avoir accès au réservoir du château d'eau alors même que celle-ci se proposait d'évaluer la nature des travaux destinés à remédier aux désordres constatés, a contribué à prolonger sans raison sérieuse la durée du présent litige et à empêcher son règlement éventuel dans un cadre non contentieux ; qu'il y a donc lieu, dans ces conditions, de partager la charge des frais de l'expertise réalisée par M. Gourdin, taxés et liquidés le 25 novembre 2005 par le président du Tribunal administratif de Versailles à la somme de 5 532,70 euros TTC, à parts égales entre le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU et la société Travaux Spéciaux Mournès ; qu'il y a lieu, pour les mêmes motifs de partager la charge des frais de l'expertise qui sera exécutée en application du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Safège Environnement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le SIRYAE demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du SIRYAE une somme de 2 000 euros à verser à la société Safège Environnement et de mettre à la charge de la société Travaux Spéciaux Mournès le versement au SIRYAE d'une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par le syndicat et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La société Travaux Spéciaux Mournès est déclarée responsable des désordres survenus dans les travaux d'étanchéité de la cuve du réservoir des Essarts-le-Roi en application du marché conclu le 31 mars 2001

Article 2 : La société Travaux Spéciaux Mournès entreprendra, sous réserve de l'accord du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU et sous le contrôle de l'expert désigné en application de l'article 3, les travaux d'investigation et de réparation de la membrane d'étanchéité de la cuve du réservoir des Essarts-le-Roi.

Article 3 : I. - Il sera, avant de statuer sur la demande du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU, procédé à une nouvelle expertise.

L'expert aura pour mission :

1° de déterminer la nature et la durée des travaux de recherche des causes des fuites affectant la cuve du réservoir, puis celles de réfection de la membrane d'étanchéité de la dite cuve par la société Travaux Spéciaux Mournès ;

2° dévaluer la durée de l'immobilisation éventuelle de la cuve du réservoir du château d'eau des Essarts-le-Roi ainsi que le coût des pertes d'exploitation en résultant pour le maître d'ouvrage.

II. - La charge des frais de l'expertise ordonnée par le présent article sera supportée pour moitié entre le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU et la société Travaux Spéciaux Mournès.

Article 4 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés le 25 novembre 2005 par le président du Tribunal administratif de Versailles à la somme de 5 532,70 euros TTC sont mis pour moitié à la charge du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU et pour moitié à celle de la société Travaux Spéciaux Mournès.

Article 5 : Le jugement n° 0703796 du 21 décembre 2009 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU est condamné à verser la somme de 2 000 euros (deux mille euros) à la société Safège Environnement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Travaux Spéciaux Mournès versera la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions du SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA REGION D'YVELINES POUR L'ADDUCTION D'EAU et de la société Travaux Spéciaux Mournès dirigées contre la société Safège Environnement sont rejetées.

Le surplus des conclusions de la société Safège Environnement est rejeté.

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N° 10VE00300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00300
Date de la décision : 14/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. DIÉMERT
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme COURAULT
Avocat(s) : REIBELL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-06-14;10ve00300 ?
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