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22/05/2012 | FRANCE | N°10VE03952

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 mai 2012, 10VE03952


Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GROUPE AUCHAN, dont le siège social est sis 40, avenue de Flandre à Croix (59170), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocats à la Cour ; la société GROUPE AUCHAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902319 en date du 30 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour

la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ainsi que des pénalités corres...

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GROUPE AUCHAN, dont le siège social est sis 40, avenue de Flandre à Croix (59170), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, avocats à la Cour ; la société GROUPE AUCHAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902319 en date du 30 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de condamner l'Etat à lui accorder une indemnité au titre des frais irrépétibles, dont le montant sera chiffré ultérieurement ;

Elle soutient, en premier lieu, qu'avant de procéder à une implantation permanente et structurée en Russie, la société exposante y a mis en place un bureau de représentation en 2001 ; que l'objectif de ce bureau était de faciliter l'implantation du groupe en Russie et également de faire connaître la marque Auchan dans ce pays ; que, n'ayant aucun salarié et que très peu de moyens d'exploitation en propre, ce bureau n'avait donc pas vocation à générer des recettes par lui-même ; que les dépenses engagées par la société pour le faire fonctionner étaient principalement des dépenses de mise à disposition de personnel, de frais de déplacement, de frais de missions et réceptions et d'honoraires divers ; qu'après les premières années d'exploration du marché russe, qui n'ont pas généré de recettes, l'exposante a pu facturer à sa filiale Auchan Russie des redevances de marque dès l'année 2005 ; qu'il n'est pas contestable que les dépenses engagées pour la mise en place de ce bureau ont ainsi été engagées en vue de réaliser des opérations taxables ouvrant droit à déduction, à savoir les redevances de marques ; que, contrairement à ce que l'administration a estimé, les dépenses engagées par la société ne constituent pas des frais généraux dès lors qu'elles sont exclusivement affectables à des prestations de services facturées par la société et ont pour but de percevoir des produits placés dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la règle du prorata ne s'applique donc pas à l'espèce ; qu'en deuxième lieu, à titre subsidiaire, il convient de préciser que le rappel effectué par l'administration est devenu sans objet depuis l'arrêt EDM de la CJCE du 29 avril 2004 selon lequel les holding mixtes ont en principe un prorata de TVA égal à 100 % ; que l'administration a pris acte de cette jurisprudence par une instruction du 10 janvier 2006 ; qu'en troisième lieu, les dépenses engagées par la société constituent des dépenses d'investissement, ouvrant intégralement droit à déduction et exclusivement affectables aux prestations de services facturées par la société ; que les entreprises qui ont pour objet de réaliser des opérations ouvrant droit à déduction peuvent, dans les conditions de droit commun, déduire la taxe sur la valeur ajoutée engagée au titre des frais préparatoires au lancement de l'activité économique projetée sans qu'y fasse obstacle l'absence de perception immédiate de recettes taxables ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à cet argument ; qu'en produisant une liste détaillée des frais engagés et en démontrant qu'elle a facturé des redevances de marque à sa filiale russe dès 2005, l'exposante a, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, apporté des éléments établissant que les frais en litige sont rattachables à des opérations imposables à la TVA ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Bertacchi, pour la société GROUPE AUCHAN ;

Considérant que la société GROUPE AUCHAN, qui exerce une activité de holding, a ouvert en 2001 un bureau de représentation en Russie ; qu'au cours de l'année 2002, elle a supporté des charges de fonctionnement de ce bureau correspondant principalement à des honoraires, des frais de déplacements et des frais de mise à disposition de personnels, pour un montant total de 15 059 085 euros hors taxe ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2002 dont cette société a fait l'objet, l'administration fiscale a estimé que les frais ainsi engagés pour développer l'activité du groupe Auchan en Russie ne concouraient pas exclusivement à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction mais constituaient des frais généraux liés à l'activité de l'ensemble de l'entreprise et a déterminé le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente à ces charges en faisant application du prorata général de déduction, établi par la société requérante à 87 %, conformément aux dispositions de l'article 219 de l'annexe II au code général des impôts ; que le service a, en conséquence, partiellement rappelé la taxe déduite, pour un montant de 383 705 euros ; que la société GROUPE AUCHAN fait appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 30 septembre 2010 rejetant sa demande tendant à la décharge de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes ;

En ce qui concerne le principe de l'application du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes des dispositions du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " ; qu'aux termes de l'article 219 de l'annexe II au même code en vigueur lors de la période d'imposition en litige : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : a) Lorsque ces biens et services concourent exclusivement à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction, la taxe qui les a grevés est déductible ; b) Lorsqu'ils concourent exclusivement à la réalisation d'opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la taxe qui les a grevés n'est pas déductible ; c) Lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214. " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ; que, s'agissant des frais généraux exposés par un redevable partiel de la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe les ayant grevés est déductible dans sa totalité si ces frais généraux présentent un lien direct et immédiat avec une partie clairement délimitée des activités de l'assujetti pour laquelle l'ensemble des opérations est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en revanche, si les frais généraux en cause doivent être rattachés indistinctement à l'ensemble des activités de ce redevable partiel, la taxe sur la valeur ajoutée n'est déductible qu'à proportion des opérations ouvrant droit à déduction ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la société GROUPE AUCHAN a engagé au cours de l'année 2002 différents frais relatifs au fonctionnement de son bureau de représentation en Russie ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, les dépenses en cause ne peuvent être regardées comme présentant un lien direct et immédiat avec les prestations de services facturées par elle à sa filiale Auchan Russie à compter de l'année 2005 ; qu'en revanche, lesdites dépenses présentent le caractère de frais généraux ; que la société GROUPE AUCHAN n'établit pas qu'elle n'aurait réalisé en Russie que des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, ces frais généraux ne peuvent être regardés comme se rapportant à une partie clairement délimitée de ses activités économiques ouvrant un droit total à déduction ; que, par ailleurs, si la société GROUPE AUCHAN soutient, s'agissant des biens acquis par elle pour être utilisés par sa succursale en Russie, que la taxe sur la valeur ajoutée les ayant grevés serait intégralement déductible " conformément aux dispositions des articles 271-V et 262 du code général des impôts ", ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'autoriser un redevable partiel à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ses frais généraux ; que, pour le même motif, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la documentation de base 3 A-3311, § 3, selon laquelle les dispositions des articles 271-V et 262 du code général des impôts sont applicables alors même que l'exportation n'aurait pas entraîné un transfert de propriété ; qu'il suit de là que l'administration a fait une exacte application de la loi fiscale, et non de sa propre doctrine, en estimant que la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses en cause n'était déductible qu'à hauteur d'une fraction déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 de l'annexe II au code général des impôts ;

En ce qui concerne le calcul du prorata de déduction :

Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions de l'article 19, paragraphe 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, alors transposées à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction de taxe sur la valeur ajoutée, du montant du chiffre d'affaires afférent au produit des opérations financières accessoires ; que, dès lors, les produits financiers entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée mais exonérés en application de l'article 13 B sous d) de la même directive, ne sont pas exclus du dénominateur du prorata de déduction s'ils ne présentent pas un tel caractère accessoire ;

Considérant qu'il résulte des décisions rendues par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-306/94 " Régie dauphinoise " le 11 juillet 1996, C-77/01 " EDM " le 29 avril 2004, C-98/07 " Nordania Finans et BG Factoring " le 6 mars 2008 et C-174/08 " NCC Construction Danmark A/S " le 29 octobre 2009, qu'une activité économique ne saurait être qualifiée d'accessoire au sens des dispositions de l'article 19, paragraphe 2 de la sixième directive, si elle constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de l'entreprise ou si elle implique une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due ;

Considérant que la société GROUPE AUCHAN fait valoir que son prorata de déduction devait être fixé à 100 %, et non à 87 % comme elle l'avait initialement calculé, dès lors que ses produits financiers exonérés de taxe sur la valeur ajoutée présentaient un caractère accessoire et devaient donc être exclus du calcul de ce prorata ; que, cependant, si la société GROUPE AUCHAN soutient que lesdites opérations financières n'impliquaient pas une utilisation significative de biens et de services pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est due, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que ces opérations ne constitueraient pas le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait à tort fixé à 87 % son prorata de déduction et que celui-ci devrait être porté à 100 % ;

Considérant, en second lieu, que l'instruction administrative 3 A 1-06 du 10 janvier 2006 est postérieure à la période d'imposition en litige ; que, dès lors, à supposer que la société requérante ait entendu se prévaloir de cette instruction sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que la société GROUPE AUCHAN fait valoir que l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige serait erronée dès lors que certaines des dépenses en cause n'auraient pas supporté la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'elles aient été placées hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, soit que la taxe n'était pas due en France ; qu'il résulte cependant de l'instruction que tout au long de la procédure d'imposition et de la procédure contentieuse et, en particulier, dans les observations qu'elle a adressées à l'administration le 16 février 2006, la société a indiqué qu'elle avait déduit l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les charges en cause ; que, devant la Cour, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite arrêté par le vérificateur à 2 951 580 euros excéderait le montant de la taxe qu'elle avait effectivement déduit à raison desdites charges ; que, dans ces conditions, la société GROUPE AUCHAN n'est pas fondée à soutenir que l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée serait erronée et à demander la réduction de ces rappels ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GROUPE AUCHAN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au demeurant non chiffrées, doivent également être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société GROUPE AUCHAN est rejetée.

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N° 10VE03952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE03952
Date de la décision : 22/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Cas des entreprises qui n'acquittent pas la TVA sur la totalité de leurs affaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : TOURNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-05-22;10ve03952 ?
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