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03/04/2012 | FRANCE | N°10VE04147

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 avril 2012, 10VE04147


Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Paul A, élisant domicile chez Me Bos, ..., par Me Bos, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705099 en date du 29 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004 ;

2°) de prono

ncer la décharge des impositions supplémentaires contestées ;

3°) de mettre à l...

Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Paul A, élisant domicile chez Me Bos, ..., par Me Bos, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0705099 en date du 29 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens, dont le montant sera indiqué à la Cour avant l'audience ;

Il soutient que l'article 167 bis du code général des impôts méconnaît le principe de libre circulation des personnes mentionné notamment aux articles 1er et 4ème de l'accord bilatéral signé au Luxembourg le 21 juin 1999 entre la Suisse et la Communauté européenne ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce point ; qu'il se borne à juger qu'il ne peut se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes " de Lasteyrie du Saillant ", ce qu'il n'a d'ailleurs pas entendu faire ; que " l'accord de Luxembourg " poursuit les mêmes objectifs que ceux du traité instituant la Communauté européenne ; que, par suite, les premiers juges ont commis une erreur de droit ; que l'article 167 bis méconnaît également les stipulations de la convention fiscale franco-suisse ; que c'est à tort que le tribunal lui a reconnu la qualité de résident fiscal de France alors qu'il résidait en Suisse ; que les premiers juges ont dénaturé les faits et commis une erreur de droit en fixant le fait générateur de l'impôt en fonction de l'intention de départ du contribuable et non au moment du transfert effectif de son domicile en Suisse alors que l'article 167 bis fixe lui-même le fait générateur à la date du transfert du domicile ; que, dès lors que M. A avait la qualité de résident fiscal suisse, les stipulations de l'article 15 de la convention franco-suisse faisaient obstacle à l'imposition des plus-values mobilières en France ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes ;

Vu la convention fiscale franco-suisse ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2012 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bos, pour M. A ;

Considérant que M. A a été assujetti à des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l'année 2004 sur le fondement de l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable ; qu'il relève appel du jugement en date du 29 octobre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions en soutenant qu'à la date du transfert de son domicile, il avait la qualité de résident suisse au sens de la convention fiscale conclue par la France avec la Suisse et qu'il ne pouvait donc être imposé en France sur ses plus-values latentes dans les conditions fixées à l'article 167 bis du code général des impôts, contraire à l'accord signé au Luxembourg le 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et les Etats membres de la Communauté économique européenne, qui garantit la liberté d'établissement entre les Etats membres de la Communauté et la Suisse ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2005 du 30 décembre 2004, dont l'abrogation par ladite loi et la réintroduction à compter du 31 juillet 2011 par la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 sont sans influence sur la solution du présent litige : " 1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années sont imposables, à la date du transfert de leur domicile hors de France, au titre des plus-values constatées sur les droits sociaux mentionnés à l'article 150-0 A et détenus dans les conditions du f de l'article 164 B. / 2. La plus-value constatée est déterminée par différence entre la valeur des droits sociaux à la date du transfert du domicile hors de France, déterminée suivant les règles prévues aux articles 758 et 885 T bis, et leur prix d'acquisition par le contribuable ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. / Les pertes constatées ne sont pas imputables sur les plus-values de même nature effectivement réalisées par ailleurs. / 3. La plus-value constatée est déclarée dans les conditions prévues au 2 de l'article 167 (...) " ; que, selon les dispositions du 2 de ce dernier article : " Une déclaration provisoire des revenus imposables (...) est produite dans les trente jours qui précèdent le transfert du domicile hors de France. Elle est soumise aux règles et sanctions prévues à l'égard des déclarations annuelles. Elle peut être complétée, s'il y a lieu, jusqu'à l'expiration des deux premiers mois de l'année suivant celle du départ. A défaut de déclaration rectificative souscrite dans ce délai, la déclaration provisoire est considérée comme confirmée par l'intéressé " ;

Considérant que M. A qui, contrairement à ce qu'il soutient dans ses dernières écritures, a, le 29 juillet 2004, souscrit la déclaration n° 2041-GL-SD des plus-values en cas de transfert du domicile hors de France et déclaré, dans une note jointe à sa déclaration, d'une part, que le transfert de son domicile fiscal en Suisse, pour motif professionnel, aurait lieu à compter du 18 août 2004 et, d'autre part, que les plus-values latentes constatées sur ses participations substantielles dans plusieurs sociétés n'étaient pas imposables en France, soutient devant la Cour qu'il est devenu résident fiscal suisse à la date à laquelle il a déclaré transférer son domicile en Suisse, soit le 18 août 2004 ; que, dès lors, la date du transfert effectif de son domicile hors de France ne peut, au sens de l'article 167 bis, être fixée qu'au 17 août 2004, jour au cours duquel il a, matériellement, effectué ce transfert et date à laquelle il était encore résident fiscal de France ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts lui étaient applicables ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a imposé sur les plus-values latentes dont il était titulaire à la date de ce transfert, alors surtout qu'il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, que M. A aurait demandé à bénéficier du sursis de paiement et, d'autre part, que la déclaration provisoire des plus-values latentes qu'il a souscrite dans les trente jours précédant ce transfert de domicile aurait fait l'objet d'une déclaration rectificative dans les deux mois suivant son départ de France ; que l'administration a pu, dans ces conditions, regarder cette déclaration comme confirmée par l'intéressé en son état du 29 juillet 2004, en vertu des dispositions précitées du 2. de l'article 167 et, ainsi, calculer le montant de ces plus-values latentes en fonction des renseignements que M. A y avait portés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse, qui réserve à l'Etat de résidence l'imposition des plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières, ne saurait, en tout état de cause, faire obstacle à l'application de l'article 167 bis, qui prévoit seulement l'imposition de plus-values latentes d'une personne ayant, comme en l'espèce, son foyer d'habitation permanent en France à la date du transfert de son domicile en Suisse ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse s'opposait à l'imposition des plus-values latentes portées dans sa déclaration du 29 juillet 2004, alors qu'il ne soutient pas, au surplus, avoir été l'objet d'une double imposition, en France et en Suisse, d'une même matière fiscale ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes : " L'objectif de cet accord, en faveur des ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse, est : a) d'accorder un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (...) e) d'accorder les mêmes conditions de vie, d'emploi et de travail que celles accordées aux nationaux. " ; qu'aux termes de l'article 4 de cet accord : " Le droit d'entrée et d'accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'article 10 et conformément aux dispositions de l'annexe I " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 16 du même accord : " (1) Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations. / (2) Dans la mesure où l'application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d'assurer le bon fonctionnement de l'accord, à la demande d'une partie contractante, le Comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 21 dudit accord : " (...) 3. Aucune disposition du présent accord ne fait obstacle à l'adoption ou l'application par les parties contractantes d'une mesure destinée à assurer l'imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l'évasion fiscale conformément aux dispositions de la législation fiscale nationale d'une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition liant la Suisse, d'une part, et un ou plusieurs Etats membres de la Communauté européenne, d'autre part, ou d'autres arrangements fiscaux " ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations que, pour la réalisation des objectifs qui y sont mentionnés, au nombre desquels figurent le droit d'accès à une activité économique salariée et d'établissement en tant qu'indépendant, " l'accord de Luxembourg " ne fait pas obstacle à l'adoption ou à l'application, par les parties contractantes, d'une mesure destinée à assurer l'imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l'évasion fiscale, sous réserve que ces mesures ne contreviennent pas à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de signature de cet accord ;

Considérant que, par la décision aff. 9/02 " de Lasteyrie du Saillant " en date du 11 mars 2004, la Cour de justice des Communautés européennes, devenue la Cour de justice de l'Union européenne, a jugé que " le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du traité " instituant la Communauté européenne, devenu l'article 43, puis l'article 49 après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, " doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre institue, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values latentes, tel que celui prévu à l'article 167 bis du code général des impôts, en cas de transfert du domicile fiscal d'un contribuable hors de cet Etat " a été rendue postérieurement à la date de signature de l'accord susvisé du 21 juin 1999 ; que si, en vertu des stipulations du 2. de l'article 16 de cet accord, cette décision a été communiquée à la Suisse, il ne résulte pas de l'instruction que la Suisse ou la France ont demandé au Comité mixte de déterminer les implications de cette jurisprudence en vue d'assurer le bon fonctionnement de l'accord ; qu'en l'absence de saisine dudit Comité et, par voie de conséquence, de détermination par lui des implications de la jurisprudence précitée de la Cour de justice, " l'accord de Luxembourg " ne faisait pas obstacle, dans les circonstances de l'espèce, à la faculté, pour la France, de mettre en oeuvre la " taxe à la sortie " instituée à l'article 167 bis du code général des impôts, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette taxe est contraire à un arrêt de la Cour de justice rendu antérieurement au 21 juin 1999 ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que le principe de la liberté d'établissement reconnu entre les Etats membres de l'Union européenne a été étendu à la Confédération suisse par " l'accord de Luxembourg " ; que, par suite, cet accord ne s'opposait pas au droit de l'administration française d'imposer M. A sur le fondement de l'article 167 bis du code général des impôts au titre de l'année 2004 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'omission à statuer, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les frais, au demeurant non chiffrés, exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

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N° 10VE04147 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE04147
Date de la décision : 03/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Légalité des dispositions fiscales.

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BOS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-04-03;10ve04147 ?
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