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22/03/2012 | FRANCE | N°10VE00028

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 mars 2012, 10VE00028


Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société ETF IMPORT, dont le siège est 3 rue Pierre Curie à La Courneuve (93120), représentée par son gérant en exercice, par Me Guérard-Oberti ; la société ETF IMPORT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606944 du 22 octobre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2005, mettant à sa charge une s

omme de 84 411 euros au titre de l'amende prévue à l'article 1840 N sexies...

Vu la requête, enregistrée le 5 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société ETF IMPORT, dont le siège est 3 rue Pierre Curie à La Courneuve (93120), représentée par son gérant en exercice, par Me Guérard-Oberti ; la société ETF IMPORT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606944 du 22 octobre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2005, mettant à sa charge une somme de 84 411 euros au titre de l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts ;

2°) de prononcer l'annulation dudit avis de mise en recouvrement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la procédure est irrégulière dès lors que les procès-verbaux constatant l'infraction ne sont pas suffisamment détaillés ; que l'administration n'a pas répondu aux observations du contribuable, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ne s'applique qu'aux commerçants qui exercent une activité sur le territoire français ; que cette réglementation est contraire aux principes de libre circulation des biens et des capitaux ; que les nouvelles dispositions issues de la loi du 2 août 2005 et de l'ordonnance du 7 décembre 2005 prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne ; qu'elle n'a pas cherché à frauder mais a été contrainte d'accepter des versements en espèces ; que l'amende doit donc être réduite ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi du 22 octobre 1940 modifiée par l'article 80 de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 ;

Vu la loi n° 2005-882 du 5 août 2005 ;

Vu l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ;

Vu l'ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2012 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Considérant que la société ETF IMPORT, dont la création le 1er janvier 2003 résulte de l'absorption de la société à responsabilité limitée (SARL) Tcheng Fils Import par la SARL Etablissements Tcheng Frères, exerce une activité de commerce de gros ; qu'à l'issue de vérifications de comptabilité dont ces sociétés ont fait l'objet, l'administration a constaté que lesdites sociétés avaient perçu de leurs clients des paiements en espèces en infraction aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier ; que la société ETF IMPORT relève appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 16 décembre 2005, mettant à sa charge une somme de 84 411 euros au titre de l'amende prévue à l'article 1840 N sexies du code général des impôts ;

Considérant qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue ; que, par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux ;

Considérant que la sanction encourue, en vertu des dispositions de l'article 1840 N sexies du code général des impôts alors applicable, pour inobservation des prescriptions de l'article premier de la loi du 22 octobre 1940, a le caractère d'une sanction que l'administration inflige à un administré ; que, par suite, le recours formé contre une telle sanction est un recours de plein contentieux ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier : " I. -Les règlements qui excèdent la somme de 1 100 euros ou qui ont pour objet le paiement par fraction d'une dette supérieure à ce montant, portant sur les loyers, les transports, les services, fournitures et travaux ou afférents à des acquisitions d'immeubles ou d'objets mobiliers ainsi que le paiement des produits de titres nominatifs et des primes ou cotisations d'assurance doivent être effectués par chèque barré, virement ou carte de paiement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 112-7 du même code : " Les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 sont constatées par des agents désignés par arrêté du ministre chargé du budget. Les contrevenants sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier ; mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total " ; qu'aux termes de l'article 1840 N sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Conformément aux deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code précités sont passibles d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire. Cette amende, qui est recouvrée comme en matière de timbre, incombe pour moitié au débiteur et au créancier, mais chacun d'eux est solidairement tenu d'en assurer le règlement total " ; que ces dispositions ont été modifiées par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et par l'ordonnance du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, les infractions aux dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, qui ont procédé à la codification de l'article 1er de la loi du 22 octobre 1940, étant passibles désormais, en vertu des dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, d'une amende fiscale dont le montant ne peut excéder 5 % des sommes indûment réglées en numéraire ; que ces dispositions ont ainsi substitué une amende dont le montant maximum peut atteindre 5 % des sommes indûment réglées en numéraire à une amende qui était antérieurement égale à 5 % de ces sommes ; qu'en vertu de ces nouvelles dispositions, le montant de l'amende peut être modulé, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, sans que celui-ci atteigne nécessairement le plafond fixé par la loi ; que, dès lors, ces nouvelles dispositions issues de la loi du 2 août 2005 et de l'ordonnance du 7 décembre 2005 prévoient des peines moins sévères que la loi ancienne ; que, par suite, il y a lieu d'appliquer ces dispositions à l'infraction commise par cette société ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, d'une part, que la société soutient que le procès-verbal en date du 23 juin 2005 ne décrit pas minutieusement les paiements irréguliers et ne contient pas tous les éléments indispensables à l'identification de chaque contrevenant ; qu'il résulte cependant de l'instruction que le procès-verbal dressé par l'administration fiscale le 23 juin 2005 comporte en annexe la liste des virements en espèces, constitutifs de l'infraction et précise l'identité des clients, la date de l'infraction et le montant du versement ; qu'ainsi, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant, d'autre part, que la société fait grief à l'administration de ne pas avoir répondu à ses observations ; que, toutefois, aucune disposition, en particulier celles de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales inopérantes en l'espèce, ni aucun principe n'imposent à l'administration de répondre auxdites observations, auxquelles de surcroît l'administration a répondu par deux courriers en date du 10 octobre 2005 ; que dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'amende :

En ce qui concerne le champ d'application des articles L. 112-6 du code monétaire et financier et 1840 N sexies du code général des impôts :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a perçu des paiements en espèces pour des montants supérieurs aux seuils fixés par les dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier ; que ces faits sont de nature à justifier la sanction, nonobstant la circonstance que les versements en cause provenaient de clients dont le siège social est situé à l'étranger et qui n'étaient donc pas tenus de s'inscrire au registre du commerce et des sociétés en France en vertu du code de commerce français ; que la circonstance que la plupart de ces clients auraient été des ressortissants étrangers ne disposant pas de compte bancaire et de chéquier, ou celle qu'un règlement par chèque ou par virement de leur part n'aurait donné aucune garantie au vendeur d'être payé ne sauraient disqualifier les infractions ainsi constatées ;

En ce qui concerne l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 112-6 du code monétaire et financier avec le droit de l'Union européenne :

Considérant que l'obligation, prévue par les dispositions de la loi du 22 octobre 1940 modifiée, reprises à l'article L. 112-6 du code monétaire et financier, d'effectuer des règlements en espèce excédant un certain montant, répond à des préoccupations d'intérêt général en facilitant les contrôles effectués par l'administration fiscale ainsi que la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants ou d'activités illicites ; que cette obligation s'étend à l'ensemble des paiements effectués en France, qu'ils soient afférents à des échanges internes ou internationaux et quelle que soit la nationalité des acteurs économiques ; que, par suite, les dispositions en cause ne peuvent être regardées comme contraires aux principes de libre circulation des biens, de liberté des prestations et de libre circulation des capitaux, prévus par le traité instituant la Communauté européenne ;

Sur le montant de l'amende :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ETF IMPORT a perçu des paiements en espèces pour des montants supérieurs aux seuils fixés par les dispositions combinées de l'article 1840 J du code général des impôts et des deuxième et troisième phrases de l'article L. 112-7 du code monétaire et financier, en raison de transactions portant sur des prestations entrant dans le champ d'application de ces dispositions ; que ces faits sont de nature à justifier la sanction ; que l'infraction a porté sur un montant total de 1 635 617 euros sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, provenant de nombreux clients différents ; que, conformément aux nouvelles dispositions issues de la loi 2005-882 du 2 août 2005, les premiers juges ont déchargé la société ETF IMPORT de l'amende fiscale mise à sa charge à raison des paiements en espèces dont les montants unitaires sont compris entre 750 et 1 100 euros ; que, dans ces conditions, et nonobstant les difficultés de paiement rencontrées avec un client algérien, l'amende infligée à hauteur de 5 % des sommes indûment réglées en numéraire n'est pas disproportionnée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ETF IMPORT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société ETF IMPORT la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ETF IMPORT est rejetée.

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N° 10VE00028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00028
Date de la décision : 22/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04 Contributions et taxes. Généralités. Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : GUERARD-OBERTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-22;10ve00028 ?
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