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15/03/2012 | FRANCE | N°10VE02684

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 15 mars 2012, 10VE02684


Vu la requête, enregistrée le 9 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles présentée pour M. Frédéric A, demeurant ..., par Me Coutadeur, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901917 du 17 juin 2010 du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 du préfet de l'Essonne déclarant cessibles au profit de la société du Plateau de Chevannes les parcelles de terrain cadastrées ZA 5, 6 et 8 situées sur le territoire de la commune du Coudray Montceaux ;
>2°) d'annuler l'arrêté en question ;

3°) de mettre à la charge de l'État le v...

Vu la requête, enregistrée le 9 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles présentée pour M. Frédéric A, demeurant ..., par Me Coutadeur, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901917 du 17 juin 2010 du Tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 du préfet de l'Essonne déclarant cessibles au profit de la société du Plateau de Chevannes les parcelles de terrain cadastrées ZA 5, 6 et 8 situées sur le territoire de la commune du Coudray Montceaux ;

2°) d'annuler l'arrêté en question ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté en cause a été pris sur le fondement d'une déclaration d'utilité publique entachée d'illégalité dès lors que l'étude d'impact figurant au dossier de cette déclaration ne pouvait pas être considérée comme suffisante ;

- en effet, cette étude d'impact ne comporte aucun analyse des effets du projet sur le conteste socio-économique et notamment sur les exploitations agricoles existantes ;

- de même, l'étude d'impact est déficiente en ce qui concerne l'analyse des problèmes générés par l'augmentation de la fréquence de circulation routière ;

- le commissaire enquêteur a rendu un avis insuffisamment motivé notamment en ce qui concerne les inconvénients du projet et l'utilité publique de celui-ci ;

- l'estimation sommaire des dépenses figurant dans le rapport de présentation du projet était manifestement sous-estimée et n'a pas permis au public de se faire une idée du coût exact du projet ;

- l'utilité publique du projet n'est pas démontrée ;

- l'opération est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle a pour effet de privilégier les intérêts d'un autre propriétaire foncier ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2012 :

- le rapport de M. Lenoir, président,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- les observations de Me Trautmann substituant Me Coutadeur pour M. A,

- et les observations de Me Barthélémy du Cabinet Molas et Associés pour la communauté d'agglomération Seine-Essonne ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération en date du 3 juillet 2007, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Seine-Essonne " (CASE), regroupant les communes de Corbeil-Essonnes, Étiolles, Le Coudray-Montceaux, Saint-Germain-lès-Corbeil et Soisy-sur-Seine situées dans le département de l'Essonne, a décidé la création d'une zone d'aménagement concerté dénommée " Les Haies Blanches " d'une superficie de 65 hectares destinée à accueillir un parc d'activité à usage de bureaux, de commerces, d'entrepôt et d'installations de logistique de transport ; que, par une deuxième délibération du 18 octobre 2007, le conseil d'agglomération a désigné la société par actions simplifiée du Plateau de Chevannes en qualité d'aménageur de cette zone ; qu'à la suite de l'enquête publique qui s'est déroulée du 26 mai 2008 au 27 juin 2008, le commissaire-enquêteur a donné un avis favorable au projet en assortissant son avis de 3 recommandations ; que, par un arrêté en date du 4 octobre 2008, le préfet de l'Essonne a déclaré le projet d'utilité publique, puis, par un arrêté du 8 décembre 2008, a déclaré cessibles les parcelles cadastrées ZA 5, 6 et 8 situées au lieudit " champtier des haies blanches " ; que M. A, exploitant agricole, détenteur d'un bail rural sur la parcelle ZA 8, relève appel du jugement en date du 17 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, qu'il avait saisi d'une demande d'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2008 précité, a rejeté sa demande ;

Au fond, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la délimitation de l'intérêt donnant qualité à agir de M. A :

S'agissant du caractère suffisant de l'étude d'impact :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1° une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : " I.- Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. II.- L'étude d'impact présente successivement : 1°) Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2°) Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruit, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique 3°) les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu 4°) Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; 5°) Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; 6°) Pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend en outre une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter (...) " ;

Considérant, d'une part, qu'aucune des dispositions précitées de l'article R.122-3 du code de l'environnement n'impose l'examen, dans le cadre de l'étude d'impact devant être jointe au dossier de déclaration d'utilité d'une opération qui, comme en l'espèce, ne relève pas de la catégorie des grands projets d'infrastructures définis par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982, la mise au point d'une évaluation socio-économique des effets de cette opération ; que, par suite, et en tout état de cause, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il critique serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité d'une déclaration d'utilité publique prise au vu d'une étude d'impact ne comportant pas une analyse des effets socio-économiques du projet de création de la zone d'aménagement concerté " Les Haies Blanches " ;

Considérant, d'autre part, que M. A soutient que la déclaration d'utilité publique ayant conduit à l'édiction de l'arrêté attaqué aurait été prise sur le fondement d'une étude d'impact insuffisamment précise en ce qui concerne les conséquences de l'accroissement de la circulation généré par la réalisation de la zone d'aménagement concerté ; que toutefois, il ressort de la lecture de l'étude d'impact figurant au dossier, complétée par une étude complémentaire au dossier de création de la zone, que si, effectivement, la création de la zone d'aménagement concerté " Les Haies Blanches " aura pour effet une forte augmentation de la circulation journalière des véhicules individuels et des véhicules poids lourds, l'étude en question prévoit, outre la mise en place d'une voie de contournement des zones habitées, la réduction du gabarit des voies traversant la commune du Coudray Montceaux, l'interdiction du stationnement des poids lourds sur la voie publique, la création d'une bande paysagère talutée, l'obligation de configurer les bâtiments de la zone d'activité de manière à réduire au maximum les nuisances sonores et la mise en oeuvre de règles concernant l'arrêt des véhicules ; que, compte tenu de l'implantation de la zone d'activité, située à proximité de l'autoroute A6 et environnée, sur la majeure partie de son périmètre, de zones d'activité agricole, l'étude d'impact a ainsi suffisamment défini les mesures nécessaires pour pallier les atteintes à l'environnement et à la commodité du voisinage résultant de la réalisation de la zone d'aménagement concerté " Les Haies Blanches " ;

S'agissant de la motivation du rapport du commissaire-enquêteur :

Considérant qu'aux termes de l'article R.11-10 du code de l'expropriation : " (...) Le commissaire enquêteur (...) rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération (...) " ; que, dans son rapport déposé le 30 juin 2008, le commissaire enquêteur, après avoir recensé les différentes observations émises au cours de l'enquête, a, dans les conclusions dudit rapport, démontré de manière suffisamment précise l'intérêt économique du projet, mis en évidence les atteintes à l'environnement et expliqué par quelles mesures il était possible d'y remédier, indiqué que les atteintes à la propriété privée étaient limitées compte tenu des acquisitions déjà effectuées à l'amiable et du peu d'opposition rencontré au cours de l'enquête alors que seules trois parcelles devraient être acquises par voie d'expropriation, indiqué également que, pour cette même raison, le coût social de l'opération était limité et conclu de manière précise sur le bilan positif de celle-ci ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il attaque aurait été pris sur le fondement d'une déclaration d'utilité publique rendue irrégulière par la production d'un rapport du commissaire-enquêteur insuffisamment motivé ;

S'agissant de l'appréciation sommaire des dépenses :

Considérant qu'aux termes de l'article R.11-3 du code de l'expropriation : " L'expropriant adresse au commissaire de la République pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de travaux ou d'ouvrages : (...) 5° L'appréciation sommaire des dépenses (...) " ; que M. A soutient que, compte tenu d'une sous-estimation du prix du m2 de terre agricole révélée par les décisions du juge de l'expropriation d'Évry et d'une sous-évaluation du coût des travaux, la déclaration d'utilité publique sur le fondement de laquelle a été adopté l'arrêté attaqué aurait été prononcée au vu d'un dossier irrégulièrement constitué au regard des dispositions précitées de l'article R-11-3 I 5° alinéa du code de l'expropriation ; que toutefois les écarts évoqués, qui n'aboutiraient, en tout état de cause, qu'à une majoration de 5 % du coût total de l'opération, ne révèlent pas l'existence d'une appréciation grossièrement erronée de ces dépenses susceptible d'entacher d'illégalité l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ; que, par suite, ce moyen doit être rejeté ;

S'agissant de l'utilité publique du projet :

Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; que M. A soutient que l'utilité publique de l'opération n'est pas démontrée dès lors que les créations d'emploi annoncées ne sont aucunement établies et qu'il existe à proximité de la zone d'autres surfaces disponibles pour la réalisation du projet ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de sa proximité avec les voies de circulation autoroutière et de sa complémentarité avec une zone à vocation industrielle et technologique, des créations d'emploi envisagées, qui ont une chance raisonnable d'être réalisées, ainsi que du bénéfice économique et fiscal qui en sera retiré par les communes avoisinantes, la zone d'aménagement concerté " Les Haies Blanches " présente un intérêt justifiant la réduction des surfaces agricoles de ce secteur ; que, par ailleurs, M. A ne démontre pas la présence, à proximité immédiate, d'une zone de même ampleur susceptible d'accueillir les activités prévues dans le cadre de la zone d'aménagement " Les haies Blanches " ; qu'enfin, compte tenu de la nécessité d'implanter sur le secteur dénommé " Champtier des haies blanches ", des bâtiments de grande dimension destinés à la logistique des activités de transport, il n'apparaît pas que le projet d'aménagement en cause aurait pu être réalisé sans recourir à l'expropriation des parcelles référencées ZA 5, 6 et 8 ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la déclaration d'utilité publique qu'il conteste serait illégale faute d'utilité publique de l'ensemble du projet ;

S'agissant du détournement de pouvoir :

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter ce moyen ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État et de la société du Plateau de Chevannes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement de la somme que M. A demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A le versement à la communauté d'agglomération Seine-Essonne et à la société du Plateau de Chevannes le versement des sommes demandées par ces dernières au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Seine-Essonne et de la société du Plateau de Chevannes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10VE02684 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02684
Date de la décision : 15/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Enquêtes - Enquête préalable - Dossier d'enquête - Étude d'impact.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale - Enquêtes - Enquête préalable - Dossier d'enquête - Appréciation sommaire des dépenses.


Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : COUTADEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-15;10ve02684 ?
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