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13/03/2012 | FRANCE | N°11VE00354

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 mars 2012, 11VE00354


Vu le recours, enregistré le 1er février 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0910918 en date du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Canal + SA la restitution d'une somme de 5 651 185 euros acquittée au titre de la taxe sur les services de tél

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2°) de remettre ladite imposition à la c...

Vu le recours, enregistré le 1er février 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0910918 en date du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Canal + SA la restitution d'une somme de 5 651 185 euros acquittée au titre de la taxe sur les services de télévision de l'année 2008 ;

2°) de remettre ladite imposition à la charge de la société Canal + SA ;

Il soutient que le tribunal administratif a inexactement appliqué les dispositions de l'article 302 bis KB du code général des impôts desquelles il ressort qu'un éditeur de services de télévision qui s'auto-distribue est imposé à la fois sur les opérations réalisées en tant qu'éditeur et sur les opérations, différentes, réalisées en tant que distributeur de services de télévision ; que le raisonnement suivi par les juges de première instance conduit, au mépris de la lettre et de l'esprit de la loi, à créer une rupture d'égalité devant l'impôt entre les éditeurs de services de télévision selon le moyen dont ils distribuent leurs programmes dès lors que la solution retenue aboutit à ne pas soumettre à la taxe les services de l'éditeur qui s'auto-distribue, le plaçant ainsi dans une situation plus favorable que celle d'un éditeur placé en relation contractuelle avec un distributeur chargé des abonnements ; que, par suite, et dès lors que les éditeurs qui s'auto-distribuent relèvement cumulativement de la catégorie des éditeurs et de celle des distributeurs, ils doivent acquitter la taxe sur les messages publicitaires ainsi que sur leurs abonnements ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2012 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Béranger, substituant Me Colisti, pour la société Canal + SA ;

Considérant que la société Canal + SA, qui exerce à la fois une activité d'éditeur de services de télévision et une activité de distributeur de ces mêmes services, a initialement acquitté, au titre de l'année 2008, la taxe sur les services de télévision alors prévue par les dispositions de l'article 302 bis KB du code général des impôts en incluant dans la base imposable de ladite taxe tant ses recettes d'abonnement, provenant de son activité de distributeur, que ses recettes de publicité et de parrainage, issues de son activité d'éditeur ; qu'ayant considéré, au vu de l'article précité, qu'elle n'était redevable de la taxe qu'en tant que distributeur de services de télévision, la société a sollicité, par réclamation en date du 27 mai 2009, la restitution de la somme de 5 651 185 euros correspondant à la fraction de la taxe assise sur ses recettes autres que ses recettes d'abonnement ; que cette réclamation ayant été rejetée par décision du 20 juillet 2009, la société Canal + SA a réitéré ses prétentions devant le juge de l'impôt ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de cette société ;

Sur l'appel du ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis KB du code général des impôts, alors en vigueur : " I. Il est institué une taxe due par tout éditeur de services de télévision au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui est établi en France et qui a programmé, au cours de l'année civile précédente, une ou plusieurs oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles aux aides du compte d'affectation spéciale ouvert dans les écritures du Trésor et intitulé : "Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale", ainsi que par tout distributeur de services de télévision au sens de l'article 2-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée établi en France. / Pour l'application du présent article, est regardé comme distributeur de services de télévision tout éditeur de services de télévision, dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers, qui encaisse directement le produit des abonnements acquittés par ces usagers. / II. La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Pour les éditeurs de services de télévision : / a) Des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage, aux redevables concernés ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage. Ces sommes font l'objet d'un abattement forfaitaire de 4 % ; / b) Du produit de la redevance pour droit d'usage des appareils de télévision encaissé par les redevables concernés, à l'exception de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision d'outre-mer ; / c) Des sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs de communications électroniques aux redevables concernés ou aux personnes en assurant l'encaissement, à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages qui sont liés à la diffusion de leurs programmes, à l'exception des programmes servant une grande cause nationale ou d'intérêt général. / 2° Pour les distributeurs de services de télévision, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d'un ou plusieurs services de télévision. Lorsqu'une offre donne également accès à d'autres catégories de services, la taxe est assise sur la seule part de cette offre correspondant aux services de télévision. Le produit des abonnements et autres sommes précités fait l'objet d'une déduction de 10 %. Lorsque le redevable exploite plusieurs réseaux de communications électroniques et a conclu à cette fin avec des collectivités territoriales des conventions d'exploitation distinctes, la taxe est assise sur le produit des abonnements et autres sommes précités, dans le cadre de chacune de ces conventions (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007, que, si l'imposition qu'elles instituent est due, selon des modalités différentes, par les éditeurs de services de télévision au sens de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et les distributeurs de services de télévision au sens de l'article 2-1 de la même loi, les éditeurs de service de télévision dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers et qui encaissent directement le produit des abonnements acquittés par ces usagers doivent, pour l'application de la taxe sur les services de télévision, être regardés exclusivement comme des distributeurs et, par suite, être assujettis à ladite taxe uniquement en cette qualité à raison des produits visés au 2° du II de l'article 302 bis KB du code général des impôts, selon un barème par ailleurs fixé au II de l'article 302 bis KC du même code ;

Considérant qu'il est constant que la société Canal + SA est un éditeur de services de télévision dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers qu'elle perçoit directement ; que, par suite, elle ne pouvait être assujettie à la taxe sur les services de télévision qu'en tant que distributeur de services sur la base des abonnements acquittés et non également, en tant qu'éditeur, au titre de ses recettes de publicité et de parrainage ; qu'elle était donc fondée à réclamer la restitution de la somme de 5 651 185 euros correspondant à la fraction de la taxe qu'elle a acquittée en 2008 à raison de ses recettes autres que celles d'abonnement ; que, les impositions en litige étant ainsi dépourvues de base légale, l'administration ne saurait utilement se prévaloir du principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET DES COMPTES PUBLICS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Canal + SA la restitution de la somme de 5 651 185 euros au titre de la taxe sur les services de télévision qu'elle a acquittée pour l'année 2008 ;

Sur les conclusions de la société Canal + SA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Canal + SA et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Canal + SA une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société Canal + SA sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 11VE00354 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00354
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Autres taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : CALISTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-13;11ve00354 ?
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