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13/03/2012 | FRANCE | N°10VE02457

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 13 mars 2012, 10VE02457


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS-KINESITHERAPEUTES, ORTHOPHONISTES ET ORTHO-PTISTES (CARPIMKO), dont le siège social 6 place Charles de Gaulle à Montigny-le-Bretonneux (78180), par Me Adeline-Delvolvé, avocat ; la CARPIMKO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712514 en date du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2007

par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé la décisi...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, pour la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS-KINESITHERAPEUTES, ORTHOPHONISTES ET ORTHO-PTISTES (CARPIMKO), dont le siège social 6 place Charles de Gaulle à Montigny-le-Bretonneux (78180), par Me Adeline-Delvolvé, avocat ; la CARPIMKO demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712514 en date du 10 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2007 par laquelle le ministre chargé du travail a confirmé la décision du 16 mai 2007 de l'inspecteur du travail de la 11ème section des Yvelines refusant d'accorder l'autorisation de licencier M. Albert A ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) d'enjoindre à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Yvelines d'autoriser le licenciement de M. Albert A ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute de viser les dispositions du code du travail dont il fait application ;

- à titre principal, l'inspecteur du travail a excédé sa compétence ; il a apprécié la cause réelle et sérieuse du licenciement et ne s'est pas ainsi limité à la recherche d'un lien entre la demande de licenciement et les fonctions représentatives de M. A ;

- il n'a pas conduit une enquête contradictoire et impartiale ; il n'a pas relaté le contenu des entretiens avec les auteurs des attestations accompagnant la demande de licenciement du 20 mars 2007 ; il a méconnu les dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail ;

- à titre subsidiaire, la décision du 16 mai 2007 est entachée d'une erreur de fait, en interprétant inexactement la demande de licenciement ; l'employeur n'a pas entendu avancer un motif tiré de l'insuffisance professionnelle de M. A ; la demande de licenciement repose exclusivement sur le comportement inadmissible de ce salarié ;

- l'interprétation erronée de sa demande de licenciement est constitutive d'un détournement de pouvoir ;

- la matérialité des faits est établie par l'ensemble des pièces jointes à la requête ; les faits qui lui sont reprochés ne sont pas sérieusement contestés par M. A ; il ne conteste pas non plus ne pas pouvoir s'entendre avec ses collègues ; les attestations produites et concordantes des salariés expriment leur mécontentement et leur lassitude à l'égard du climat de travail instauré par M. A ;

- la demande de licenciement est sans lien avec les fonctions représentatives de ce salarié ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2012 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me Couronne, du cabinet Citylex, pour la CARPIMKO et de Me Montagnier, substituant Me Collet, pour M. A ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ;

Considérant que pour rejeter au fond la requête de la CARPIMKO, le tribunal a implicitement mais nécessairement fait application des dispositions du code du travail relatives à la procédure de licenciement des salariés protégés ; que, toutefois, le tribunal administratif n'a mentionné ni dans les visas ni dans les motifs de son jugement les textes dont il a ainsi fait application ; que, par suite, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la CARPIMKO présentée devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de la décision du ministre chargé du travail du 11 octobre 2007 et de la décision de l'inspecteur du travail du 16 mai 2007 :

Considérant que par une décision du 16 mai 2007 l'inspecteur du travail de la 11ème section des Yvelines a refusé d'accorder à la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS KINESITHERAPEUTES, PEDICURES-PODOLOGUES, ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES (CARPIMKO) l'autorisation de licencier M. A, délégué syndical, représentant syndical au comité d'entreprise et délégué du personnel suppléant, qui a été confirmée, sur recours hiérarchique, par le ministre chargé du travail, par une décision du 11 octobre 2007 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, des membres d'un comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des délégués syndicaux qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que lorsqu'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié bénéficiant d'une protection particulière est fondée sur des éléments qui se rattachent au comportement de l'intéressé et qui, sans caractériser l'existence d'une faute, rendraient impossible, selon l'employeur, la poursuite du contrat de travail, il appartient à l'inspecteur du travail et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces éléments présentent un caractère objectif et si, en raison du niveau des responsabilités exercées par le salarié, ils peuvent, eu égard à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail, et compte tenu des atteintes susceptibles d'être portées au fonctionnement de l'organisme en cause, justifier légalement l'octroi d'une autorisation de licenciement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que pour demander l'autorisation de licencier M. A, qui exerçait son activité au service Archives de l'entreprise, la CARPIMKO s'est fondée sur deux motifs, au nombre desquels figure l'absence d'investissement professionnel du salarié ; que dans le recours hiérarchique exercé le 17 juin 2007, la société requérante a repris ce motif ; qu'ainsi elle n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait examiné un motif de licenciement autre que celui avancé dans sa demande de licenciement et qu'il aurait, ce faisant, commis une erreur de fait et un détournement de pouvoir ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspecteur du travail, qui n'avait pas à reprendre dans sa décision le contenu exhaustif des entretiens menés avec les salariés qui avaient témoigné à propos du comportement du salarié et qui a pris en compte l'ensemble de ces témoignages dont il a évalué la valeur probante, n'aurait pas conduit une enquête impartiale ;

Considérant, en troisième lieu, que la recherche par l'inspecteur du travail des éléments qui justifieraient légalement une autorisation de licenciement n'a pas le même objet que le contrôle exercé par le juge judiciaire sur le caractère abusif du licenciement en cas d'absence de cause réelle et sérieuse ; que par suite le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail de la 11ème section des Yvelines aurait excédé ses compétences en procédant au contrôle de la cause réelle et sérieuse ne peut être utilement invoqué ;

Considérant, en quatrième lieu, que les conditions de travail au sein du service " archives " dans lequel travaille M. A se sont dégradées en 2006-2007 et que l'inspecteur du travail a adressé une correspondance à ce sujet à la CARPIMKO le 13 janvier 2007 ; que si les témoignages font apparaître les tensions entre ce salarié et le responsable du service, ils ne permettent toutefois pas d'établir que la dégradation des conditions de travail serait imputable à cet agent ; que, dans ces conditions et eu égard au caractère contradictoire des témoignages produits, c'est à bon droit que l'inspecteur du travail et le ministre chargé du travail ont considéré que ce motif avancé par l'employeur ne pouvait pas légalement justifier une autorisation administrative de licenciement ;

Considérant, enfin, que si l'inspecteur du travail a retenu dans sa décision que " l'enquête n'a pu totalement écarter le lien avec les mandats détenus par le salarié " et si l'administration n'établit pas la réalité de ce motif, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'inspecteur du travail, puis le ministre, auraient pris la même décision s'ils s'étaient fondés sur le seul motif qui vient d'être exposé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS-KINESITHERAPEUTES, RTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES (CARPIMKO) présentée devant le Tribunal administratif de Versailles doit être rejetée ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire droit aux conclusions de M. A présentées sur ce fondement et de mettre à la charge de la CARPIMKO une somme de 1 500 euros ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de la CARPIMKO tendant à ce que la Cour ordonne au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Yvelines d'autoriser le licenciement de M. Albert A ne peuvent ainsi être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0712514 du Tribunal administratif de Versailles en date du 10 juin 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS, MASSEURS-KINESITHERAPEUTES, ORTHOPHO-NISTES ET ORTHOPTISTES (CARPIMKO) présentée devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : La CARPIMKO versera à M. A une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 est rejeté.

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N° 10VE02457 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02457
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : SELAS CITYLEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-13;10ve02457 ?
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