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13/03/2012 | FRANCE | N°10VE00192

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 13 mars 2012, 10VE00192


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GDF SUEZ, dont le siège social est 16-26 rue du Docteur Lancereaux à Paris (75008), par le Cabinet CMS bureau Francis Lefebvre, avocat à la Cour ; la société GDF SUEZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0613137 du 25 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été omise au cours de l'année 2000 pour un montant tota

l de 305 064 euros ;

2°) de prononcer la restitution de ces impositions...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GDF SUEZ, dont le siège social est 16-26 rue du Docteur Lancereaux à Paris (75008), par le Cabinet CMS bureau Francis Lefebvre, avocat à la Cour ; la société GDF SUEZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0613137 du 25 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée dont la déduction a été omise au cours de l'année 2000 pour un montant total de 305 064 euros ;

2°) de prononcer la restitution de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société GDF SUEZ soutient, en premier lieu, que sa réclamation était recevable en application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales qui ouvre au contribuable un délai lui permettant de contester tant l'imposition primitive que l'imposition complémentaire ; que les dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts ne font pas obstacle à l'application de cet article du livre des procédures fiscales, contrairement à l'analyse retenue par le tribunal administratif, laquelle revient à priver d'application le délai spécial de l'article R. 196-3 ; que, d'une part, en relevant que l'article 224 de l'annexe II posait l'obligation de porter la TVA déductible sur les déclarations, le tribunal a commis une confusion entre la notion d'imputation sur la déclaration et le droit de réclamation ; que, d'autre part, l'article 224 de l'annexe II est de nature réglementaire alors que l'article R. 196-3 du livre des procédure fiscale est de nature législative puisqu'il s'agit de la recodification de l'ancien article 1932-5 du code général des impôts ; que, par ailleurs, l'article L. 190 du même livre, qui vise également l'exercice des droits à déduction, a été méconnu ; qu'enfin, l'administration fiscale est tenue d'appliquer sa propre doctrine, soit en l'espèce la documentation de base 3 D 1228 en date du 2 novembre 1996 et le § 3 de l'instruction 13 O-1-06 du 10 août 2006 ; que le jugement du tribunal administratif est contraire au principe d'égalité des armes énoncé à l'article R.196-3 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il crée une distorsion entre le délai de reprise de trois ans dont dispose l'administration et le délai d'imputation de deux ans qui appartient au contribuable ; qu'à cet égard, l'exposante demande qu'il soit fait application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dont l'article 47 prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial ; en second lieu, que sa réclamation est fondée : qu'alors qu'elle a la qualité d'assujettie et de redevable de la TVA au sens de la sixième directive TVA, elle a supporté, en 2000, des dépenses dans le cadre de la cession de ses participations dans les sociétés Sofinco et La Hénin Vie ; qu'en application des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes Abbey National du 22 février 2001, Cibo Participations du 27 septembre 2001 et Kretztechnik du 26 mai 2005, ces dépenses doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et entretiennent ainsi un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ; qu'en conséquence, elle est fondée à déduire la TVA grevant cette catégorie de dépenses à hauteur du prorata général de déduction applicable au titre de l'année du fait générateur de la taxe, à savoir celle du paiement de la facture des prestations de services ; que l'arrêt AB SKF de la Cour de justice des Communautés européennes précisant que l'absence de droit à déduction s'impose seulement si le lien direct et immédiat est établi entre les services acquis en amont et la cession d'actions exonérée en aval, c'est donc à l'administration de faire la preuve de l'incorporation de ces dépenses dans le prix de cession des titres si elle entend se prévaloir de leur caractère non déductible ; que, pour qu'il y ait incorporation dans le prix de cession des titres, il ne suffit pas qu'il s'agisse de frais engagés pour faciliter la cession ; que ce n'est que lorsque les frais sont ajoutés par le vendeur au prix de cession qu'ils doivent être réputés incorporés dans le prix de vente des titres ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que les prestations d'audit et la prestation de la banque d'affaires ont permis tant d'évaluer les actifs que de trouver un acquéreur et n'étaient pas de nature à augmenter le prix de cession des parts ; qu'elles constituent a contrario des frais généraux détaxables au prorata ; qu'ainsi, les frais de cession de ces deux participations ne peuvent avoir de lien direct qu'avec l'ensemble des activités de l'exposante et sont incorporés à ses frais généraux ; que, compte tenu de son pourcentage de déduction de 100 % au titre de l'année 2000, elle sollicite la restitution d'une somme totale de 305 064 euros correspondant à la TVA non déduite ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Cousin, substituant Me Tournès du CMS bureau Francis Lefebvre, pour la société GDF SUEZ ;

Considérant que la société Suez, aux droits de laquelle vient la société GDF SUEZ, a fait l'objet en 2003 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lui ont notamment été notifiés au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001 ; que, se prévalant du délai prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, elle a, par réclamation du 22 décembre 2005, demandé à l'administration fiscale la restitution de la TVA ayant grevé des dépenses engagées, au cours de l'année 2000, lors d'opérations de cession de participations et qu'elle n'avait pas portée sur ses déclarations en tant que TVA déductible ; que, par une décision du 9 octobre 2006, l'administration a rejeté sa réclamation au motif que le délai prévu à l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, qui fait obligation de déclarer la taxe dont la déduction a été omise au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission, était expiré ; que la société GDF SUEZ fait appel du jugement du 25 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions ;

Sur l'application de la loi fiscale :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II du code général des impôts, alors en vigueur : " 1. les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. / Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné à l'article 208. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / (...)./ Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations " ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 224 de l'annexe II du code général des impôts, la taxe dont la déduction a été omise sur la déclaration afférente au mois au titre duquel elle était déductible, doit figurer au plus tard sur les déclarations déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'omission ; qu'il est constant que la société Suez n'a pas inscrit la taxe en litige, qui a grevé des dépenses engagées au cours de l'année 2000, sur les déclarations qu'elle a déposées avant le 31 décembre 2002 ; que, dans ces conditions, le droit à déduction de cette taxe était atteint de péremption lorsqu'elle a formé sa réclamation ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a, pour ce motif, rejeté cette réclamation, sans qu'à cet égard, la société requérante puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 196-3 précité du livre des procédures fiscales, qui ne sont relatives qu'au délai de réclamation ouvert au contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration et sont, par suite, sans incidence sur le délai de forclusion prévu par l'article 224 de l'annexe II du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que la société GDF SUEZ, qui n'a pas, comme elle l'allègue, été privée de son droit de présenter une réclamation, n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 190 précitées auraient, pour ce motif, été méconnues ou que le " principe d'égalité des armes " qui résulterait de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales n'aurait pas été respecté ;

Considérant, enfin, que si la société GDF SUEZ se prévaut de la méconnaissance de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui prévoit le droit à un recours effectif et à l'accès à un tribunal impartial, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée alors qu'en tout état de cause, l'application des dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts n'a pas eu pour effet de la priver de son droit à l'exercice d'un recours effectif ;

Sur le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

Considérant que, pour faire obstacle à l'application des dispositions de l'article 224 de l'annexe II du code général des impôts alors en vigueur, la société requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative 3 D 1228 en date du 2 novembre 1996, qui ne contient, contrairement à ce que le ministre déclare admettre en appel, aucune interprétation formelle de la loi fiscale ; qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir du § 23 de l'instruction référencée 13-O-1-06 en date du 10 août 2006, qui est relatif aux cas dans lesquels le contribuable invoque une décision de justice révélant la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application et qui, en outre, ne lui est pas applicable compte tenu de la date de ladite instruction ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GDF SUEZ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société GDF SUEZ est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00192
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : TOURNES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-03-13;10ve00192 ?
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