Vu I, sous le n° 11VE00094, la requête, enregistrée le 14 janvier 2011, présentée pour la société PICARD SURGELES SA, dont le siège est 37 bis, rue Royale à Fontainebleau Cedex (77309), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société PICARD SURGELES SA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0913974 en date du 4 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie au titre du mois de décembre 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des droits de taxe sur les achats de viande en litige et des intérêts moratoires ayant assorti leur restitution ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, la remise en cause du dégrèvement méconnaît l'article 1er du premier protocole de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les sommes qui lui ont été remboursées constituent un bien auquel l'administration a porté une atteinte illégitime alors que cette atteinte n'était pas prévue par la loi et ne répond à aucun motif d'intérêt général susceptible de la justifier ; en deuxième lieu, que l'administration ne pouvait rapporter les décisions de dégrèvement ; que l'article L. 168 du livre des procédures fiscales permet seulement à l'administration de corriger des erreurs ou omissions dans la procédure de rectification et de prendre une décision de dégrèvement afin de reprendre la procédure ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque l'administration est revenue sur les raisons qui fondaient ses décisions de dégrèvement, ce qu'elle n'était pas autorisée à faire ; en troisième lieu, que la procédure d'imposition est irrégulière ; que, d'une part, le tribunal administratif s'est fondé sur des moyens qui n'avaient pas été soulevés dès lors que l'exposante n'a pas soutenu que la prescription de l'imposition était acquise ; que, d'autre part, pour rétablir l'imposition, l'administration devait suivre une procédure de rectification contradictoire ; qu'en effet, dès lors que la décision de dégrèvement a pour effet d'éteindre toute créance du Trésor correspondant à l'imposition en cause, le rétablissement de l'imposition primitive constitue juridiquement une nouvelle imposition de sorte que l'administration devait adresser une proposition de rectification contradictoire dans le délai prévu par l'article L. 168 du livre des procédures fiscales ; qu'en l'espèce, l'administration n'a pas procédé à la rectification d'impositions dues par l'exposante mais s'est bornée à réclamer le remboursement des taxes et des intérêts moratoires ; qu'en outre, la proposition ne comporte aucune indication relative à l'assiette des taxes en litige ; que la réponse aux observations du contribuable n'est pas assez motivée ; que la procédure suivie est ainsi entachée de nullité, ce qui entache de nullité l'avis de mise en recouvrement du 25 septembre 2007 ; que la proposition de rectification, non suffisamment motivée eu égard à l'absence de mention des bases d'imposition, n'était pas interruptive de prescription ; enfin, que l'administration ne pouvait lui réclamer le reversement des intérêts moratoires qui lui ont été versés à l'occasion du remboursement des taxes en litige ; que des intérêts moratoires ne peuvent être réclamés dans le cadre d'une procédure de rectification ; que l'établissement de la nouvelle imposition ne peut avoir pour effet d'annuler de manière rétroactive les remboursements effectués et permettent uniquement de rappeler les droits par la voie d'une nouvelle imposition ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 février 2012, présentée pour la société PICARD SURGELES SA, par le CMS Bureau Francis Lefèbvre ;
Vu II, sous le n° 11VE00097, la requête, enregistrée le 14 janvier 2011, présentée pour la société PICARD SURGELES SA, dont le siège est 37 bis, rue Royale à Fontainebleau Cedex (77309), par le cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre ; la société PICARD SURGELES SA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0807619 en date du 4 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2003 ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'exécution du dégrèvement qui lui avait été accordé et de procéder, dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, au versement des intérêts moratoires, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif qu'elle aurait été identique à celle ayant fait l'objet de l'arrêt du 17 décembre 2009 de la Cour administrative d'appel de Paris ; que la demande présentée au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et transmise au Tribunal administratif de Montreuil visait en effet à obtenir l'exécution de la décision de dégrèvement prise le 20 septembre 2004 ; en second lieu, qu'elle est fondée à demander cette exécution ; que la décision de dégrèvement a fait disparaître la première imposition ; que, pour rétablir la charge fiscale, l'administration devait établir une nouvelle imposition en utilisant son droit de reprise dans le délai et en émettant un avis de mise en recouvrement ; que, faute d'avoir émis un tel avis, l'administration, qui n'a pas établi une nouvelle imposition, est tenue d'exécuter la décision de dégrèvement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me Hamon, pour la société PICARD SURGELES SA ;
Considérant que les requêtes n° 11VE00094 et n° 11VE00097 concernent le même contribuable et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions relatives aux droits de taxe sur les achats de viande acquittés au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2003 :
Considérant que, par décision du 21 avril 2011, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement de la somme de 1 605 047 euros correspondant aux droits de taxe sur les achats de viande auxquels la société PICARD SURGELES SA a été assujettie du 1er janvier au 30 novembre 2003 ; que, dans cette mesure, les conclusions à fin de décharge présentées par la requérante se trouvent désormais dépourvues d'objet ; que, dès lors, il n'y a pas lieu pour la Cour d'y statuer ;
Sur les conclusions relatives aux droits de taxe sur les achats de viande acquittés au titre de la période du 1er décembre au 30 décembre 2003 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société PICARD SURGELES SA, après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence, devoir au titre de la période du mois de décembre 2003, en a demandé la restitution ; que, par une décision du 18 octobre 2004, l'administration lui a accordé le dégrèvement des impositions en litige puis a procédé à leur restitution en l'assortissant du versement d'intérêts moratoires ; qu'elle a ensuite adressé à la société, le 15 novembre 2004, une lettre l'informant qu'elle envisageait d'annuler ce dégrèvement, avant de lui notifier une proposition de rectification en date du 20 décembre 2004 par laquelle elle lui a demandé de reverser les droits de taxe initialement dégrevés ainsi que les intérêts moratoires versés ; que ces sommes ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement du 25 septembre 2007 ; que la société PICARD SURGELES SA fait appel du jugement du 4 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur les achats de viande en litige et des intérêts moratoires ayant assorti leur restitution ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, la société PICARD SURGELES SA a notamment soutenu que la procédure suivie par l'administration fiscale ne pouvait être regardée comme respectant les exigences de la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales compte tenu, en particulier, de la teneur de la proposition de rectification du 20 décembre 2004, de sorte, selon le moyen, que le service des impôts n'avait ni établi de nouvelle imposition, ni interrompu la prescription ; que, dès lors, en relevant, après avoir considéré que l'administration n'était pas tenue de faire figurer dans la proposition de rectification les bases de calcul de la taxe rappelée pour rétablir une imposition primitivement établie, que la requérante n'était pas fondée à soutenir que cette proposition n'avait pu interrompre le délai de reprise, le tribunal administratif n'a, en tout état de cause, pas répondu à un moyen dont il n'aurait pas été saisi ; que la société PICARD SURGELES n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier de ce chef ;
En ce qui concerne les droits de taxe sur les achats de viande en litige :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances ou les erreurs d'impositions, peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf disposition contraire du code général des impôts " ; qu'aux termes de l'article L. 176 de ce livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'intervention d'une décision de dégrèvement ne fait pas obstacle, lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, y compris lorsque le désistement procède d'une inexacte application de la loi fiscale, à ce que celle-ci émette, dans le délai de reprise ainsi prévu, un titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société PICARD SURGELES SA, l'administration fiscale pouvait remettre à sa charge, dans le délai de reprise, les taxes dont elle avait auparavant prononcé le dégrèvement et, ainsi, réparer l'erreur qu'elle estimait avoir commise dans l'application des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts relatif à la taxe sur les achats de viande ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de cet article que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat partie au protocole additionnel de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; qu'il s'ensuit la circonstance que, dans le respect du délai de reprise fixé par la loi, l'administration rapporte une décision de dégrèvement qu'elle estime erronée et remette l'imposition en cause à la charge du contribuable ne saurait être regardée comme portant atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole ; qu'ainsi, le moyen tiré par la société requérante de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de redressement contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office, notamment de celles des articles L. 57 et suivants et de l'article L. 69 de ce livre, qu'après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ; qu'elle n'est, en revanche, pas tenue d'adresser au contribuable une proposition de rectification soumises aux règles de forme prévues par les dispositions de ce livre et, en particulier, celles tenant à l'exigence que soient précisés les bases ou les éléments servant au calcul des impositions ;
Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il a été dit, que, par une lettre en date du 15 novembre 2004, l'administration a informé la société requérante qu'elle envisageait d'annuler le dégrèvement du 18 octobre 2004 accordé à la suite de la demande de l'intéressée en date du 5 février 2004 tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle avait spontanément acquittée au titre de la période du mois de décembre 2003 ; que cette lettre précisait en outre qu'il avait été restitué à l'intéressée la somme de 385 979 euros en droits, assortie d'un montant d'intérêts moratoires de 6 498,28 euros au titre de ladite période ; qu'elle a ensuite adressé à l'intéressée une proposition de rectification en date du 20 décembre 2004, qui se référait au courrier du 15 novembre 2004 et par laquelle elle l'informait qu'elle envisageait de lui demander de reverser lesdits droits et intérêts dont elle précisait à nouveau les montants ; qu'il résulte de ces circonstances que l'administration a informé, avec suffisamment de précision, la société requérante de son intention rétablir les impositions dont elle avait auparavant prononcé le dégrèvement ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'elle n'a pas indiqué, dans la proposition de rectification ou dans sa réponse aux observations du contribuable, les bases de ces impositions est sans incidence sur la régularité de la procédure ; qu'il suit de là que la requérante n'est fondée à soutenir ni que la procédure suivie par l'administration serait irrégulière, ni que l'administration n'aurait pas interrompu la prescription prévue par l'article L. 168 précité du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les intérêts moratoires dont l'administration avait assorti la restitution des impositions en litige :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement (...) " ; d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 256 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat (...) " ;
Considérant que la société requérante ne conteste pas que, dès lors notamment que la taxe sur les achats de viande n'entrait pas à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, c'est indûment que l'administration lui a restitué les droits de taxe sur les achats de viande qu'elle avait acquittés au titre de la période du mois de décembre 2003 ; que, par voie de conséquence, les intérêts moratoires que l'administration a versés par application de l'article L. 208 précité du livre des procédures fiscales, au titre de la période qui s'est écoulée entre le paiement de l'impôt et la restitution des droits, ont également été alloués indûment à l'intéressée ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que, par l'avis de mise en recouvrement du 25 septembre 2007 réclamant à la requérante le paiement des droits en litige, l'administration a mis à sa charge le reversement des intérêts moratoires qu'elle lui avait octroyés ; que, par suite, la société PICARD SURGELES SA n'est pas fondée à demander à être déchargée du paiement de la somme de 6 498,28 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société PICARD SURGELES SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société PICARD SURGELES SA d'une somme de 1 500 euros au titre frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 11VE00097 de la société PICARD SURGELES SA tendant à la décharge des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie du 1er janvier au 30 novembre 2003.
Article 2 : L'Etat versera à la société PICARD SURGELES SA la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 11VE00097 de la société PICARD SURGELES SA est rejeté.
Article 4 : La requête n° 11VE00094 de la société PICARD SURGELES SA est rejetée.
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