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28/02/2012 | FRANCE | N°10VE01559

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 28 février 2012, 10VE01559


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL KEOLIS SEINE ET EURE, dont le siège est 16-26 rue du Docteur Lancereaux à Paris (75008), par Me Bourdeau, avocat à la Cour ; la SARL KEOLIS SEINE ET EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0803416-0804944 du 25 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 sur les contributions fi

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Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL KEOLIS SEINE ET EURE, dont le siège est 16-26 rue du Docteur Lancereaux à Paris (75008), par Me Bourdeau, avocat à la Cour ; la SARL KEOLIS SEINE ET EURE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0803416-0804944 du 25 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 sur les contributions financières que lui a versées la communauté d'agglomération de Seine-et-Eure ;

2°) de prononcer la restitution demandée pour un montant de 253 897 euros avec intérêts moratoires à compter de la date de la réclamation jusqu'à celle du remboursement effectif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont le montant sera fixé ultérieurement ;

La SARL KEOLIS SEINE ET EURE soutient, en premier lieu, que la procédure n'a pas été respectée devant le Tribunal puisque la direction des grandes entreprises a adressé à la Cour un mémoire de neuf pages le 4 mars 2010 que son avocat n'a pu recevoir que le 6 mars 2010, alors que l'audience se tenait le 11 mars 2010 ; que, dans ces conditions, l'instruction étant close trois jours avant l'audience, les exigences d'un débat contradictoire n'ont pas été respectées ; qu'en second lieu, s'agissant du bien-fondé de l'imposition, l'administration a rejeté ses demandes comme entachées de forclusion pour les années 2003 et 2004 ; que la doctrine de l'administration du 8 septembre 1994 a été expressément condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes dans sa décision du 6 octobre 2005, Commission contre France, qui a considéré que la règle de la condition financière qui subordonne la déduction de la TVA afférente aux investissements que la collectivité a concédés ou affermés à la condition que leur coût constitue un des éléments du prix des services soumis à la taxe, était contraire aux dispositions de la sixième directive ; que, dans ce cas de figure, les subventions étaient soumises à la TVA et leur montant amputé de la TVA calculée " en dedans " ; que, dans cet arrêt, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que la règle de la condition financière était contraire au droit européen et notamment à la sixième directive afférente à la taxe sur la valeur ajoutée ; que tant l'instruction 3 D 1-85 du 21 janvier 1985 que la documentation de base 3 D 1723 à jour au 2 novembre 1996 doivent être regardées comme ayant été considérées par la Cour de justice comme non conformes à la sixième directive ; que, par une instruction du 27 janvier 2006, l'administration fiscale a pris acte de la non-conformité de ces dispositions à la directive ; que, dès lors, la société doit être regardée comme ayant été contrainte de soumettre indûment à la TVA les compensations forfaitaires perçues au titre des années 2003 à 2006 ; qu'elle a présenté une réclamation initiale le 6 juillet 2007 ; qu'au titre des années 2003 et 2004, le service a considéré, à tort, que sa demande était frappée de forclusion ; qu'il ressort des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales que l'action ouverte aux contribuables peut tendre, soit à une restitution, soit à un paiement de droits à déduction non exercés, soit à la réparation du préjudice subi ; qu'en l'espèce, il est indubitable que l'application de la doctrine administrative dont la non conformité a été révélée par l'arrêt Commission contre Royaume d'Espagne précité a créé un préjudice à la SARL Keolis Seine et Eure à hauteur du montant de TVA collectée à tort ; qu'elle peut bénéficier des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et doit obtenir la restitution de la TVA, majorée des intérêts moratoires, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 6 octobre 2005 aff. 243/03, 3e ch., Commission c/ République française ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que la SARL KEOLIS SEINE ET EURE, qui exploite un réseau urbain de transports publics de voyageurs dans le cadre d'une convention de gestion et d'exploitation passée le 16 août 1993 avec le Syndicat intercommunal des transports urbains de Louviers-Val-de-Rueil (SITULV) de la communauté d'agglomération de Seine-et-Eure, a soumis, au titre des années 2003 et 2004, à la taxe sur la valeur ajoutée, la contribution financière versée par la collectivité délégante destinée à équilibrer son budget d'exploitation, en application de l'instruction administrative 3 CA-94 du 8 septembre 1994 alors en vigueur ; qu'à la suite de l'intervention de l'arrêt du 6 octobre 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes, statuant sur un recours introduit par la Commission contre la République française, il a été constaté un manquement de la France à ses obligations d'application du droit communautaire ; que la société a réclamé, le 28 décembre 2007, la restitution de la TVA collectée à tort en se prévalant dudit arrêt, qui censure l'instruction administrative 3 CA-94 du 8 septembre 1994, soumettant la déductibilité de la TVA à une condition financière ; que, par une décision du 3 avril 2008, qui a annulé et remplacé la décision du 22 janvier 2008, l'administration fiscale a rejeté sa demande en restitution ; que la SARL KEOLIS SEINE ET EURE relève régulièrement appel du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant sa demande tendant à la restitution des sommes en litige ;

Sur la régularité du jugement de première instance :

Considérant que l'administration fiscale a produit un premier mémoire en défense devant le Tribunal le 23 octobre 2008 ; que si elle a produit un second et dernier mémoire le 4 mars 2010, dont la requérante soutient qu'elle n'aurait eu communication que le 6 mars 2010, soit un jour avant la clôture de l'instruction de l'audience qui s'est tenue le 11 mars 2010, toutefois, ce mémoire ne contenait pas de moyen nouveau auquel la société, qui n'a pas sollicité de délai supplémentaire pour répondre ni fait connaître son intention de le faire, n'aurait pas été en mesure de répliquer ; que, par suite, malgré la brièveté de ce délai, le caractère contradictoire de la procédure suivie n'a pas été méconnu ;

Sur la recevabilité de la demande présentée devant l'administration fiscale au titre de la période 2003-2004 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa procédure applicable à la procédure d'imposition en litige : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue " ; qu'aux termes de l'article R* 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation " ;

Considérant qu'aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, pris sur le fondement de l'article 271 précité : " Le remboursement de la TVA déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile " ; qu'aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " I. 1. Les demandes de remboursement doivent être déposées au cours du mois de janvier (...). II. 1. Par dérogation aux dispositions du I, les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement au titre d'un trimestre civil lorsque chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement est déposée au cours du mois suivant le trimestre considéré (...) " ; que s'il résulte des dispositions précitées des articles 242-0 A et 242-0 C que si le redevable ne peut demander le remboursement du crédit de TVA dont il dispose que dans des délais déterminés, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce que ce redevable puisse ultérieurement, si ce crédit demeure, non seulement procéder à son imputation sur une taxe due, mais encore, le cas échéant, en demander le remboursement au cours du mois de janvier de l'année suivante ou au cours du mois suivant un trimestre civil où chacune des déclarations de ce trimestre fait apparaître un crédit de taxe déductible ;

Considérant que lorsqu'un contribuable en situation de crédit permanent de TVA constate un crédit de TVA déductible supplémentaire, il n'est pas recevable à présenter une réclamation contentieuse dans les formes prescrites à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; qu'il lui appartient seulement de reporter sur les déclarations suivantes l'excédent de crédit de taxe déductible pour en permettre l'imputation ultérieure sur la TVA à collecter, puis, le cas échéant, de formuler une demande de remboursement de l'excédent de TVA déductible dans les conditions fixées par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la SARL KEOLIS SEINE ET EURE était en situation de crédit permanent de TVA pour la période 2003 à 2004 ; qu'il lui appartenait, pour obtenir le remboursement du reliquat de crédit de TVA dont elle fait état de présenter une demande dans les formes prescrites par les articles 242-0 A et suivants de l'annexe II au code général des impôts ; qu'en l'absence d'une telle demande, les conclusions de la société requérante tendant à la restitution de la TVA collectée au titre de la période 2002 à 2004, présentées selon les formalités mentionnées aux articles L. 190 et R.* 196-1 précités du livre des procédures fiscales, ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires doivent être rejetées par voie de conséquence ; que l'Etat n'étant pas, en l'espèce la partie perdante, ses conclusions tendant au versement du montant des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent également qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL KEOLIS SEINE ET EURE est rejetée.

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N° 10VE01559 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01559
Date de la décision : 28/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-02-02 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Réclamations au directeur. Délai.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : CABINET OLIVIER BOURDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-02-28;10ve01559 ?
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