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16/02/2012 | FRANCE | N°09VE03947

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 16 février 2012, 09VE03947


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL ALPHABRAILLE, dont le siège est 242 avenue Max Dormoy à Montrouge (92120), représentée par son gérant en exercice, par Me Sanchez ; la SARL ALPHABRAILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0612074 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et

de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés, et des pénalité...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL ALPHABRAILLE, dont le siège est 242 avenue Max Dormoy à Montrouge (92120), représentée par son gérant en exercice, par Me Sanchez ; la SARL ALPHABRAILLE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0612074 du 29 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à obtenir la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés, et des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 1999 au 30 septembre 2001 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les premiers juges n'ont pas répondu à ses arguments relatifs à la motivation des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que lesdits rappels sont insuffisamment motivés ; que le bénéfice du taux réduit instauré par les dispositions de l'article 278 quinquies du code général des impôts doit bénéficier au produit final commercialisé et destiné exclusivement à l'usage des personnes handicapées ; que l'arrêté ministériel du 5 février 1991 codifié à l'article 30-0 B de l'annexe IV au code précité serait illégal dès lors qu'il ne recherche pas la finalité du bien vendu globalement ; que ni l'administration ni les premiers juges n'ont effectué de ventilation entre le matériel spécifique et non spécifique lors du rehaussement ; qu'elle se trouve dans l'impossibilité de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal auprès des organismes de financement agréés par l'Etat ; qu'elle ne peut, au surplus, à ce stade de la procédure, produire des factures rectificatives ; que le principe de neutralité aurait été méconnu par l'administration ; que les droits garantis par l'article 23 de la déclaration universelle des droits de l'homme et par les articles 6 à 13 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été violés ; que l'indemnité prévue par le protocole transactionnel ne saurait être regardée comme la contrepartie de l'acquisition d'un élément d'actif ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, notamment son article 15 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011 :

- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Considérant que la SARL ALPHABRAILLE, créée en 1998, a pour objet la conception et la vente de matériels pour aveugles et malvoyants ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période allant du 1er janvier 1999 au 30 septembre 2001 ; qu'elle demande la décharge des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie à l'issue de ce contrôle ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que la requérante soutient que les premiers juges n'auraient pas répondu à la critique fondée sur l'insuffisante motivation de la notification de redressements du 30 septembre 2002 ; que, toutefois, les premiers juges ont pu considérer à bon droit que le moyen exposé devant eux, qui ressortissait au bien-fondé du rappel litigieux, était sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre de procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement du 30 septembre 2002 comporte, chef par chef, quant aux motifs de redressements, des indications suffisantes pour permettre à la SARL ALPHABRAILLE de présenter utilement ses observations ; que si la société soutient que cette notification de redressement est insuffisamment motivée, en ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que l'administration n'aurait fait que partiellement application de l'article 278 quinquies du code général des impôts, cette circonstance, à la supposer établie, est relative au bien-fondé des impositions et est par suite sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition au regard de l'article L. 57 précité ;

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 278 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon, portant sur (...) les équipements spéciaux, dénommés aides techniques, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et qui sont conçus exclusivement pour les personnes handicapées en vue de la compensation d'incapacités graves (...) ; que l'arrêté ministériel du 5 février 1991, pris pour l'application de l'article 278 quinquies précité et codifié à l'article 30-0 B de l'annexe IV au même code, dispose que : La liste des équipements spéciaux soumis au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en application du premier alinéa de l'article 278 quinquies du code général des impôts est fixée comme suit : / (...) 2. Pour aveugles et malvoyants : / Appareils ou objets à lecture, écriture ou reproduction de caractères ou signes en relief (braille) ; / Téléagrandisseurs et systèmes optiques télescopiques ; / Cartes électroniques et logiciels spécialisés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL ALPHABRAILLE achète des ordinateurs, imprimantes et écrans, scanners, périphériques et logiciels informatiques qu'elle revend après avoir procédé à une adaptation technique destinée à permettre l'usage de ces biens par des personnes aveugles et malvoyantes ; qu'elle a assujetti ces ventes de matériels au taux réduit de 5,5 % ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration a considéré que seule une partie des ventes concernait des équipements spéciaux au sens des dispositions combinées des articles 278 quinquies du code général des impôts et 30-0 B de l'annexe IV au même code ; qu'elle a admis d'appliquer le taux réduit à l'ensemble des équipements spéciaux lorsque leur prix apparaissait de manière distincte sur la facture de vente ; qu'en revanche, lorsque la société établissait une facture globale, sans préciser le prix de vente des éléments constituant des équipements spéciaux, l'administration a considéré que seule la fraction du prix de vente afférente à ces biens relevait du taux réduit, et a estimé cette dernière à partir du prix d'achat des biens correspondants, majoré d'une marge forfaitaire ; que, pour le surplus du prix de vente, l'administration a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la différence entre le taux normal et le taux réduit appliqué à tort selon elle ;

Considérant, en premier lieu, que la société soutient que l'article 30-0 B de l'annexe IV au code général des impôts serait illégal dès lors qu'il méconnaîtrait l'intention du législateur ; qu'elle affirme ainsi que cet article est issu d'un arrêté ministériel pris en 1991, lequel n'a jamais été modifié et ne tient pas compte des évolutions technologiques intervenues depuis lors et que, par suite, tout bien conçu exclusivement pour des personnes handicapées répondrait aux critères posés par l'article 278 quinquies du code général des impôts et pourrait ainsi bénéficier du taux réduit, alors même qu'il ne figurerait pas sur la liste définie par les dispositions de l'article 30-0 B de l'annexe IV précité ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des travaux préparatoires de l'article 15 de la loi de finances pour 1991 qu'en adoptant les dispositions de l'article 278 quinquies du code général des impôts applicables au litige, le législateur a entendu confier au ministre du budget le soin de définir par arrêté une liste d'équipements spéciaux, dénommés aides techniques, et, pour ce faire, de prendre l'attache du ministère de la santé, seul ce dernier étant en mesure de fournir la liste des équipements correspondants, dénommés sous le vocable d'aides techniques ; que, pour les aveugles et les malvoyants, la liste des équipements a été définie par un arrêté ministériel pris par le ministre délégué au budget le 5 février 1991, codifié à l'article 30-0 B de l'annexe IV au code général des impôts, et n'a jamais été modifiée depuis lors ; que l'administration n'allègue pas, en défense, que le ministre de la santé aurait été consulté depuis 1991 ; que, dans ces conditions, toute aide technique répertoriée comme telle par les services du ministère de la santé et conçue exclusivement pour des personnes aveugles ou malvoyantes est susceptible de relever du taux réduit dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 278 quinquies du code général des impôts alors même qu'elle ne figurerait pas à l'article 30-0 B susvisé ;

Considérant, d'autre part, que, lorsque des équipements d'utilisation courante comportent des adaptations spécifiques permettant l'usage de ces biens par des personnes handicapées, seules ces adaptations spécifiques constituent des équipements spéciaux susceptibles de bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; que tel est le cas notamment des adaptations spécifiques utilisées par des personnes aveugles ou malvoyantes, telles que les terminaux braille, lorsqu'elles peuvent être débranchées électriquement ou retirées de l'ensemble commercialisé pour permettre un usage autonome du bien par une personne non handicapée ; que lorsque ces adaptations sont en revanche indissociables de l'équipement avec lequel elles sont vendues, le bien complet peut bénéficier du taux réduit ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la requérante solliciterait le bénéfice du taux réduit pour des aides techniques qui répondraient à l'ensemble des conditions ci-dessus énumérées ; que, dans ces circonstances, en limitant le bénéfice du taux réduit aux seules adaptations techniques spécifiques destinées à l'usage des personnes aveugles ou malvoyantes, l'administration a fait une exacte application des dispositions de l'article 278 quinquies du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que la requérante ne conteste pas les modalités de détermination de la base taxable retenue par l'administration mais se borne à indiquer qu'elle en refuse le principe et qu'elle n'est pas en mesure, malgré les demandes répétées de l'administration en ce sens, de fournir des éléments permettant de parvenir à une meilleure approximation de la part taxable au taux réduit ; qu'en outre, en l'absence de toute comptabilisation distincte permettant d'effectuer une ventilation des bases relevant de taux différents, l'administration n'était en tout état de cause pas tenue de déterminer une part taxable au taux réduit ; qu'il suit de là qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait assis les rappels en litige sur une base erronée ;

Considérant, en troisième lieu, que la SARL ALPHABRAILLE soutient que le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée porterait atteinte au principe de neutralité ; qu'elle précise que les biens ont été commercialisés dans le cadre de conventions d'action conclues notamment avec l'Association nationale de gestion du Fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph), agréée par le ministère du travail, et soutient que le financement de l'équipement des postes de travail pour les personnes handicapées a été conclu sur la base d'un prix incluant une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 5,5 % ;

Considérant qu'il résulte de la directive du 17 mai 1977 susvisée que la taxe sur la valeur ajoutée est due par toute personne qui la mentionne sur une facture ou tout document en tenant lieu ; que, selon l'interprétation de la Cour de justice de l'Union européenne, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique seulement, dans ce cas, qu'une possibilité de régularisation ne dépendant pas du pouvoir discrétionnaire de l'administration fiscale soit laissée à l'émetteur de la facture ; que cette possibilité de régularisation doit lui être ouverte s'il a éliminé tout risque de perte de recettes fiscales ;

Considérant que le principe de neutralité fiscale ne s'oppose pas, en principe, à ce qu'un Etat membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée due dans cet Etat membre du seul fait qu'elle est mentionnée par erreur sur la facture envoyée à la condition que l'assujetti ait envoyé au bénéficiaire des services effectués une facture rectifiée ne mentionnant pas ladite taxe, si cet assujetti n'a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de perte de recettes fiscales ; que, toutefois, l'administration fiscale, qui ne peut opposer sa propre doctrine au contribuable, n'est pas fondée à subordonner à l'émission de factures rectificatives la possibilité de régulariser la taxe, sans rechercher si, au regard du principe susrappelé de neutralité fiscale de la taxe sur la valeur ajoutée, une telle condition est nécessaire pour s'assurer de l'élimination complète du risque de perte de recettes fiscales ;

Considérant qu'il est constant que les clients de la SARL ALPHABRAILLE ont la qualité d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que ces clients ne seraient pas redevables de la taxe ; que la requérante n'a pas émis de factures rectificatives et n'établit pas l'impossibilité juridique ou matérielle d'une telle émission ; qu'elle n'a donc pas éliminé tout risque de perte de recettes fiscales ; que la circonstance, à la supposer établie, que les subventions publiques aient été accordées sur la base d'un prix ferme et définitif incluant une taxe au taux de 5,5 %, et que les sociétés clientes ne pourraient bénéficier d'un complément de subvention par l'Agefiph, est sans incidence ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de la violation des stipulations de la déclaration universelle des droits de l'homme est inopérant ; que la société n'assortit son moyen tiré de ce que l'application d'un taux normal à une partie de son chiffre d'affaires entraînerait une violation des articles 6 à 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou violerait le droit de propriété d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ALPHABRAILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés :

S'agissant du litige opposant la requérante à la société Technibraille :

Considérant que la SARL ALPHABRAILLE a déduit de son résultat imposable une provision de 1 542 214 F à la clôture de l'exercice clos en 1999, constituée au titre d'un litige l'opposant à la société Technibraille ; que cette provision a été ramenée à 700 000 F à la clôture de l'exercice clos en 2000, puis reprise pour le solde au titre de l'exercice clos en 2001 ; que la SARL ALPHABRAILLE a alors comptabilisé et déduit de son résultat fiscal, au titre de ce même exercice, une charge exceptionnelle de 700 000 F ; que l'administration a refusé la déduction de la provision puis de la charge exceptionnelle au motif que les indemnités en litige représentaient l'acquisition d'un élément d'actif incorporel correspondant à un détournement de clientèle par la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL ALPHABRAILLE, créée par trois anciens salariés de la société Technibraille, a repris en 1997 le contrat d'exclusivité qui liait cette dernière société à un fournisseur allemand, l'entreprise Papenmeier, dont la société Technibraille était jusqu'alors le distributeur exclusif en France ; que les trois anciens salariés de Technibraille ayant créé ALPHABRAILLE jouaient un rôle clé auprès du fournisseur Papenmeier et des clients de Technibraille, et ont démissionné concomitamment à la rupture du contrat liant Technibraille à ce fournisseur ; que la SARL ALPHABRAILLE a également accompli des démarches de prospection auprès des clients de la société Technibraille ; qu'enfin, elle s'est approvisionnée auprès d'un autre fournisseur de la société Technibraille, Index, et a revendu ses produits en pratiquant des marges très faibles, excluant de facto la société Technibraille du marché ;

Considérant, en premier lieu, que, par un jugement avant-dire droit rendu le 9 juin 1999, le Tribunal de commerce d'Evry a reconnu l'existence d'une collusion entre les anciens salariés de Technibraille, le fournisseur allemand Papenmeier et la SARL ALPHABRAILLE, et de la perte de chiffre d'affaires subie par Technibraille à la suite de ces événements ; que le tribunal en a déduit que la SARL ALPHABRAILLE s'était livrée à des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Technibraille, et a désigné un expert pour qu'il évalue la perte de chiffre d'affaires de Technibraille ; que l'expert, le 2 décembre 1999, a comparé la perte de chiffre d'affaires subie par la société Technibraille entre 1997 et 1998 et le chiffre d'affaires dégagé par ALPHABRAILLE en 1998, et a estimé que la perte de marge brute subie par Technibraille s'élevait à 1 542 214 F ; que, parallèlement, la société Technibraille a également introduit des recours dirigés contre ses trois anciens salariés ; qu'à un moment où la SARL ALPHABRAILLE avait interjeté appel du jugement avant-dire droit précité, et où le jugement au fond n'était pas encore rendu, les trois anciens salariés, la société Technibraille et ALPHABRAILLE ont conclu un protocole transactionnel global le 4 octobre 2000 en vue de mettre fin aux différents litiges les opposant ; que, par ce protocole, la SARL ALPHABRAILLE s'est engagée, en échange de sa renonciation aux actions ou instances résultant des rapports de droit ou de fait qu'avaient pu avoir pour elles les actions de concurrence déloyale, à payer à la société Technibraille une somme globale et forfaitaire de 700 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le jugement du tribunal de commerce comporterait une injonction à la SARL ALPHABRAILLE de cesser les pratiques sanctionnées ; que ni ce jugement ni le protocole d'accord conclu le 4 octobre 2000 ne contiennent d'engagement de non-concurrence ni n'excluent la possibilité d'actions ou instances par Technibraille dans l'hypothèse où la SARL ALPHABRAILLE poursuivrait, à l'issue de cet accord, les pratiques de concurrence déloyale objet de la condamnation ; que, toutefois, en ayant repris le contrat d'exclusivité avec le fournisseur Papenmeier, lequel réservait auparavant la vente de ses biens en France à Technibraille, la requérante a acquis un avantage substantiel en termes d'offre de produits, et s'est constitué une clientèle de manière durable ; qu'elle n'allègue pas que la société Technibraille, à l'issue de ce protocole, aurait été en mesure de commercer à nouveau avec le fournisseur Papenmeier ; qu'il résulte d'ailleurs de l'instruction qu'en 2004, soit trois années après la signature du protocole, la SARL ALPHABRAILLE commercialisait toujours des biens fabriqués par ce fournisseur ; qu'il suit de là que les opérations pour lesquelles l'entreprise ALPHABRAILLE a été condamnée et objet du protocole précité, conclu en vue de mettre fin au litige, ont entraîné un transfert définitif de clientèle à son profit et, par suite, la valorisation de son fonds de commerce ;

Considérant que la somme globale de 700 000 F prévue par le protocole d'accord et versée par la SARL ALPHABRAILLE visait ainsi à indemniser pour partie les actes de concurrence déloyale auxquels cette dernière s'était livrée et la désorganisation qui en était résultée pour la société Technibraille, que plusieurs salariés avaient quittée, et, pour partie, le détournement de clientèle ; qu'en l'absence de toute ventilation dans le protocole, il y a lieu de considérer, dans les circonstances de l'affaire, que cette indemnité vise, à hauteur de 230 000 F (35 063 €), à allouer à la société Technibraille des dommages et intérêts pour réparer la perte de chiffre d'affaires et la désorganisation qu'elle a subies ; que, dès lors que l'administration n'allègue pas que la SARL ALPHABRAILLE n'avait pas intérêt à signer le protocole transactionnel en litige, cette somme était déductible du résultat imposable de cette dernière ; que, pour le surplus, soit à hauteur de 470 000 F (71 651 €), les sommes versées par ALPHABRAILLE constituent la contrepartie de l'acquisition d'un élément d'actif incorporel ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué par la requérante, à laquelle il incombe d'établir le caractère déductible de la provision qu'elle entend déduire, qu'à la clôture de l'exercice clos en 1999, elle aurait été en mesure d'évaluer la part de l'indemnité qu'elle serait probablement condamnée à verser qui correspondrait ultérieurement à une charge déductible de son résultat imposable ; que, dans ces conditions, la provision constituée au titre de l'exercice clos en 1999 ne répondait pas aux conditions posées par le 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et n'était pas déductible ; que l'administration l'a dès lors rapportée à bon droit ;

S'agissant des avoirs :

Considérant que la SARL ALPHABRAILLE se borne à indiquer, dans son mémoire introductif d'instance, qu'elle produira ultérieurement les notes d'avoir en litige ; que, toutefois, elle n'a pas produit ces documents ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les redressements notifiés seraient entachés d'une erreur relative au quantum de l'imposition doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ALPHABRAILLE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande relative aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt au titre de l'exercice clos en 2001 à hauteur d'une base imposable égale à 230 000 F (35 063 €) ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La base du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt de la SARL ALPHABRAILLE est réduite d'une somme de 230 000 francs (35 063 euros) au titre de l'exercice clos en 2001.

Article 2 : Il est accordé à la SARL ALPHABRAILLE la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt résultant de l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 29 septembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 2 500 euros à la SARL ALPHABRAILLE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ALPHABRAILLE est rejeté.

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N° 09VE03947 2


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