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16/12/2011 | FRANCE | N°09VE02256

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 16 décembre 2011, 09VE02256


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Olivier A, demeurant ..., par Me Calandra ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712245 en date du 4 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser diverses indemnités ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de :

- 47 706,11 euros au titre de perte de salaire pour les périodes du 2 octobre 2002 au 26 janvier 2003 et du 5 novembre 2

003 au 31 mars 2006 ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 24 avril ...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Olivier A, demeurant ..., par Me Calandra ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0712245 en date du 4 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser diverses indemnités ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de :

- 47 706,11 euros au titre de perte de salaire pour les périodes du 2 octobre 2002 au 26 janvier 2003 et du 5 novembre 2003 au 31 mars 2006 ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2006 et la capitalisation des intérêts ;

- 30 000 euros au titre du préjudice moral et physique ainsi que les intérêts au taux légal ;

- 4 310 euros au titre du préjudice financier ainsi que les intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

-que pour sa période d'incarcération du 2 octobre 2002 au 26 janvier 2003, il a droit au remboursement des retenues sur sa rémunération dès lors qu'il a été relaxé et que le blâme reçu est injustifié ;

-que s'agissant de la période du 5 novembre 2003 au 31 mars 2006 pendant laquelle il a été suspendu à demi traitement, eu égard au caractère injustifié et illégal du blâme prononcé à son encontre le 6 avril 2006 dès lors qu'il avait été relaxé et que l'administration n'apporte pas la preuve qu'il n'a pas respecté la mise en garde qui lui avait été faite, il a droit au versement du plein traitement ;

-que sa détention provisoire et la mesure disciplinaire qui l'a suivie ont entraîné, d'une part, un préjudice physique et moral et, d'autre part un préjudice financier dès lors qu'il a dû souscrire un emprunt bancaire pour faire face à ses besoins financiers familiaux ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 modifié fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011 :

- le rapport de M. Bigard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Considérant que M. A, gardien de la paix, a été interpellé et placé en garde à vue le 1er octobre 2002, puis incarcéré jusqu'au 26 janvier 2003 ; que, par arrêté du 4 octobre 2002, il a été suspendu de ses fonctions à plein traitement, à compter du jour de sa mise en liberté ; que, par arrêté du 5 novembre 2003, la suspension a été prorogée avec demi-traitement ; que, par jugement en date du 22 novembre 2005, le Tribunal correctionnel de Bastia l'a relaxé du chef d'association de malfaiteurs ; que M. A a été réintégré dans ses fonctions le 1er avril 2006 et, par arrêté du 6 avril 2006, a fait l'objet d'un blâme pour avoir persisté à entretenir des relations douteuses en infraction aux obligations des fonctionnaires et aux devoirs généraux des fonctionnaires de la police nationale ; que, par jugement en date du 4 mai 2009, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. A tendant à la restitution des retenues opérées sur son traitement du 2 octobre 2002 au 31 mars 2006 et à la réparation d'un préjudice physique, moral et financier ; que le requérant relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à la restitution des retenues sur traitement :

Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires" ; qu'aux termes de l'article 30 de la même loi : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée, dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si le droit du fonctionnaire au paiement de son traitement est subordonné, en principe, à l'accomplissement de son service, l'agent qui a été suspendu par son autorité ayant le pouvoir disciplinaire et qui est rétabli dans ses fonctions sans qu'une faute grave, disciplinaire ou pénale, puisse lui être reprochée, peut prétendre au versement de la rémunération dont il a été privé pendant la durée de la procédure dont il a fait l'objet ;

En ce qui concerne la période d'incarcération du 2 octobre 2002 au 26 janvier 2003 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, mis en examen et incarcéré, a cessé son service le 2 octobre 2002 ; que, par arrêté du 4 octobre 2002, le ministre de l'intérieur n'a prescrit sa suspension à plein traitement qu'à compter du jour de sa mise en liberté ; que, par une décision du 15 octobre 2002, son administration a constaté qu'incarcéré depuis le 2 octobre 2002, l'intéressé était dans l'impossibilité d'assurer ses fonctions et l'a privé de traitement à compter de sa date d'incarcération ; que, dans ces circonstances, d'une part, M. A ne peut utilement se prévaloir de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, qui ne concerne que les fonctionnaires ayant fait l'objet d'une mesure de suspension prononcée par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, et, d'autre part, en absence de service fait pendant la période de son incarcération, le ministre était en droit d'interrompre son traitement ;

En ce qui concerne la période de suspension à demi-traitement du 5 novembre 2003 au 31 mars 2006 :

Considérant qu'il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un fonctionnaire qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire ; que, cependant, dès lors que n'a été retenu à son encontre, ni manquement grave à ses obligations professionnelles ni infraction de droit commun au terme de la période de suspension, l'agent a droit au paiement de sa rémunération pour la période correspondant à la durée de la suspension ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que M. A a bénéficié, comme il a été dit ci-dessus d'un jugement de relaxe et, d'autre part, que le 25 janvier 2006 le conseil de discipline a, à l'unanimité, retenu l'absence de faute et émis un avis tendant à " la relaxe " de M. A ; que, dans ces circonstances et alors, au surplus, que la seule sanction prononcée à son encontre est un blâme, l'administration ne saurait être regardée comme établissant l'existence d'une faute grave, seule de nature à justifier la privation de rémunération ; que, dans ces circonstances, M. A est fondé à soutenir qu'il a droit au versement de la somme de 15 402,77 euros correspondant aux traitements non perçus durant la période du 5 novembre 2003 au 31 mars 2006 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant que M. A demande réparation des préjudices que lui aurait causés l'illégalité fautive de l'arrêté du 5 novembre 2003 prononçant sa suspension à demi-traitement ;

Considérant, en premier lieu, que les préjudices physique et moral invoqués par M. A résultent de sa détention provisoire ; qu'ainsi, ils ne sont pas en lien direct avec la décision de le suspendre à demi-traitement ;

Considérant, en second lieu, que la production des documents de souscription d'un prêt bancaire en 2003 alors que M. A percevait son plein traitement, et de l'avenant de réaménagement de ce prêt en 2005, ne suffisent pas à établir la réalité du préjudice financier qu'il invoque ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. A a droit aux intérêts à taux légal sur la somme de 15 402,77 euros à compter du 24 avril 2006, date de sa demande ; que les intérêts étaient dus au moins pour une année entière à la date du 28 décembre 2007, à laquelle le requérant en a demandé la capitalisation, et, par suite, doivent être capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant au versement de la totalité de la rémunération afférente à son emploi pour la période du 5 novembre 2003 au 31 mars 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 500 euros, au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 mai 2009 est annulé en tant que le tribunal a rejeté les conclusions de la demande de M. A tendant au paiement de la totalité de la rémunération de celui-ci pour la période du 5 novembre 2003 au 31 mars 2006.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 15 402,77 euros augmentés des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2006, les intérêts étant capitalisés au 28 décembre 2007 et à chaque échéance annuelle.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02256
Date de la décision : 16/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: M. Eric BIGARD
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : CALANDRA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-16;09ve02256 ?
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