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06/12/2011 | FRANCE | N°10VE04042

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 06 décembre 2011, 10VE04042


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 décembre 2010, présentée pour Mme Fatoumata A, demeurant chez Mme Maïmouna B, ..., par Me Afoua Geay, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001281 du 14 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2009 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du

pays dont elle a la nationalité ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 20 décembre 2010, présentée pour Mme Fatoumata A, demeurant chez Mme Maïmouna B, ..., par Me Afoua Geay, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001281 du 14 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2009 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont elle a la nationalité ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance ou d'un défaut de motivation et méconnaît, dès lors, les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; le préfet de l'Essonne s'est borné à mentionner le motif invoqué par le médecin inspecteur de santé publique dans son avis du 15 avril 2009 et a occulté une partie des éléments de faits relatifs à sa situation médicale ; le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- le préfet de l'Essonne était tenu de saisir pour avis la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision est entachée d'un vice de procédure ;

- le préfet de l'Essonne a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est pas contesté que son état de santé nécessite une prise en charge médicale ; elle est atteinte d'une maladie ophtalmique grave entraînant une diminution de son champ de vision et, en l'absence d'un traitement approprié, elle risque de perdre l'usage de son oeil droit ; un défaut ou une interruption de traitement peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, à savoir une cécité totale ; elle souffre également d'une hypertension artérielle et de diabète ; elle souffre, enfin, de problèmes gastriques et d'arthrose généralisée invalidante ;

- il ressort des pièces du dossier que le traitement nécessité par les pathologies dont elle souffre ne peut être assuré dans son pays d'origine ;

- elle a bénéficié de plusieurs titres de séjour portant la mention vie privée et familiale en qualité d'étranger malade sur la base d'avis favorables du médecin inspecteur de santé publique ; son état de santé s'est aggravé et elle se trouve désormais dans une situation de forte dépendance ; son époux étant décédé, elle se trouverait dans une situation de grand isolement si jamais elle devait retourner dans son pays d'origine où elle n'a plus aucune famille ;

- le préfet de l'Essonne a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-11 alinéa 7 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

- le préfet, qui ne se trouvait pas en situation de compétence liée, devait procéder à un examen de sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 alinéa 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de l'Essonne a commis une erreur matérielle en indiquant, dans la décision attaquée, qu'elle aurait déclaré être dépourvue d'attaches familiales en France ;

- elle justifie de profondes attaches personnelles et familiales sur le territoire français ; elle a rapporté la preuve, par la production de son livret de famille, qu'elle a une fille unique, de nationalité française et que celle-ci réside en France avec ses enfants ; la circonstance qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 66 ans au Mali est inopérante pour apprécier l'atteinte à la vie privée et familiale ; elle réside en France de manière effective et continue depuis huit années ; elle se trouve dans un fort état de dépendance en raison de la pathologie dont elle est atteinte et elle est hébergée chez sa fille depuis son arrivée en France ; elle travaille et a déclaré l'ensemble de ses revenus depuis son arrivée sur le territoire français ; elle justifie d'une très bonne intégration au sein de la société française ;

- en raison de son état de santé qui nécessite une surveillance régulière et la présence de son entourage proche à ses côtés, le préfet de l'Essonne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est contraire aux dispositions de l'article L. 511-4 alinéa 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît, d'une part, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; compte tenu de son âge et de l'état de dépendance dans lequel elle se trouve, de la nature de la pathologie dont elle souffre et des conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait avoir un défaut de prise en charge médicale, un retour dans son pays d'origine l'exposerait à un traitement inhumain et dégradant ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de Me Ngafaounain, substituant Me Afoua Geay ;

Considérant que Mme A, ressortissante malienne, entrée en France le 20 décembre 2002 selon ses déclarations, à l'âge de soixante-six ans, a obtenu plusieurs titres de séjour en raison de son état de santé pendant la période du 24 mai 2004 au 11 juillet 2008 ; que toutefois, le préfet de l'Essonne, après avoir pris en compte l'avis du médecin inspecteur de la santé publique du 15 avril 2009, a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un arrêté du 3 novembre 2009, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2009 du préfet de l'Essonne :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A est entrée en France, à l'âge de soixante-six ans, afin de rejoindre sa fille unique et ses deux petits-enfants, de nationalité française et qu'elle est isolée au Mali, son mari étant décédé le 24 janvier 1987 ; qu'atteinte d'un glaucome, maladie dégénérative du nerf optique, ayant entraîné la perte de son oeil gauche et nécessitant une greffe de cornée, elle a été inscrite, le 11 août 2003, sur la liste nationale des malades en attente de greffe ; qu'elle souffre également d'une hypertension artérielle et d'arthrose généralisée invalidante ; que, dans ces conditions, compte tenu de son l'âge et de la faible autonomie de l'intéressée, qui nécessite la présence à ses côtés des membres de sa famille qui résident tous en France, la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux fins poursuivies ; que, par suite, le préfet de l'Essonne, en refusant la délivrance du titre de séjour sollicité par la requérante, a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la décision contestée par laquelle le préfet de l'Essonne a refusé à l'intéressée le renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale doit être annulée ; que, dès lors, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination édictées le même jour ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A sur ce fondement et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qu'elle demande, à verser à son conseil, Me Afoua Geay, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle partielle accordée à Mme A, conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme A une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001281 du 14 mai 2010 du Tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 3 novembre 2009 du préfet de l'Essonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale .

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Afoua Geay en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle partielle obtenue par Mme A.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE04042
Date de la décision : 06/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : AFOUA GEAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-06;10ve04042 ?
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