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05/12/2011 | FRANCE | N°10VE02491

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 décembre 2011, 10VE02491


Vu le recours, enregistré le 2 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703258 du 29 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la SAS Unilever France holding de ses impositions d'impôt sur les sociétés de 27 188 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1996 et 406 484 euros au titre de l'exercic

e clos le 31 décembre 1997 pour le compte de sa filiale la SA Astra Fral...

Vu le recours, enregistré le 2 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703258 du 29 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la SAS Unilever France holding de ses impositions d'impôt sur les sociétés de 27 188 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1996 et 406 484 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1997 pour le compte de sa filiale la SA Astra Fralib, anciennement SA Astra Calvé ;

2°) de remettre à la charge de la société lesdites impositions ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit ; qu'en effet l'article 57 du code général des impôts n'érige pas en principe fondamental la détermination des produits imposables par voie de comparaison mais que ce n'est qu'à défaut d'éléments de nature à établir l'existence d'un transfert de bénéfice à l'étranger que cette méthode peut prévaloir ; que le groupe lui-même a reconnu qu'il avait pratiqué la méthode du coût de revient majoré faute de comparables dans ce secteur ; que cette méthode lui est opposable ; qu'ainsi les dispositions de l'article 57 du code général des impôts s'appliquaient ;

- s'agissant du prix de cession à la société Hartog Union, le groupe a retenu la méthode du coût de revient majoré généralement pratiqué entre une société de production et une société de commercialisation ; que le service a mis en évidence des anomalies et lacunes dans l'application de cette politique de prix de transfert au niveau des flux afférents aux margarines produites par Astra Calvé dans son usine d'Asnières et vendues à Hartog Union, société belge du groupe Unilever ; que le service a établi l'existence d'un lien de dépendance, non contesté, et d'un avantage consenti à la société belge sous forme d'une insuffisance du prix de vente, la marge réalisée avec cette dernière étant négative ; que les dispositions de l'article 57 du code général des impôts instituent dans cette hypothèse une présomption de transfert de bénéfice qui n'est pas combattue en l'espèce par la société qui n'apporte pas la preuve de l'absence de transfert de bénéfice ;

- s'agissant de l'achat de matières premières effectué indirectement par Astra Calvé auprès de la société hollandaise Loders Croklaan BV, la marge bénéficiaire a été limitée par le service, en application de la politique du groupe, à 1 389 630 F en 1996 et 1 293 333 F en 1997 ; que la société ne justifie pas de la rémunération retenue alors que l'application du taux de 13,5 % contrevient à la méthode retenue par le groupe en matière de prix de transfert qui prévoit un taux unique de 10 % ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2011 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Considérant que la société anonyme (SA) Astra Calvé, qui exerce une activité de fabrication et de commercialisation de corps gras, margarines et huiles, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 1996 et 31 décembre 1997 à l'issue de laquelle l'administration a estimé que la société avait minoré le prix de vente de sa margarine à la société belge Hartog Union et majoré le prix d'achat de matières premières à la société hollandaise Loders Croklaan ; que, par suite, le service a réintégré dans les bénéfices le montant de ces minorations et majorations ; que la SAS Unilever France holdings, en sa qualité de tête de groupe fiscalement intégré, a demandé devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour le compte de sa filiale, la société anonyme (SA) Astra Fralib, anciennement Astra Calvé, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en ayant résulté pour des montants de 27 188 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1996 et de 406 484 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1997 ; que le tribunal a fait droit à sa demande par jugement du 29 avril 2010 dont le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel ;

Sur le bien fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 12 mai 1996 : Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France./La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un Etat étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A./En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre./A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements prévus aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement. ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration ait établi l'existence d'un lien de dépendance entre l'entreprise située en France et l'entreprise située hors de France ainsi que des majorations ou minorations de prix, ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur l'entreprise passible de l'impôt sur les sociétés laquelle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l'imposition établie en conséquence qu'en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu transfert de bénéfices ; que, lorsque l'administration constate que les prix d'achat ou de vente facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée, sont, soit majorés, soit diminués par rapport à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes ; qu'à défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transferts de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu ;

Considérant que le Tribunal a considéré qu'en l'absence de référence aux prix pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement l'administration ne démontrait ni que les prix de vente facturés par la SA Astra Calvé à la société belge Hartog Union qui lui est liée avaient été minorés par rapport à ceux pratiqués par des entreprises similaires dépourvues de liens de dépendance, ni que les prix d'achat auprès de la société hollandaise, filiale du groupe Unilever, Loders Croklaan avaient été majorés ; qu'ainsi, en se bornant à constater l'absence de termes de comparaison sans rechercher si les éléments dont l'administration faisait état étaient de nature à établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale des biens cédés, le Tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par la SAS Unilever France holding ;

En ce qui concerne le prix de ventes de margarines de la SA Astra Calvé à sa société soeur du groupe Unilever, la société belge Hartog Union :

Considérant qu'en application des principes applicables en matière de prix de transfert définis l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les prix de ventes facturés par la société Astra Calvé ont été déterminés selon la méthode du prix de revient majoré ; qu'il résulte de l'instruction que le groupe Unilever a constaté que le coût de revient de la tonne de margarine, égal à 1 286 F (196 euros) par tonne, était plus élevé que dans d'autres usines du groupe ; que la société a déterminé un coût de revient théorique, égal à 1 040 F par tonne (159 euros) correspondant au coût normal de fabrication dans l'usine d'Asnières si celle-ci était modernisée et fonctionnait de manière pleinement efficace ; que la société a déterminé son prix de vente sur la base de ce coût de revient théorique, ce qui l'a conduite à appliquer un taux d'inefficience , consistant en une réfaction de 22,21 % au coût de revient effectivement constaté et qui a eu pour conséquence d'annuler la marge bénéficiaire de la société Astra Calvé ; que l'administration n'a pas remis en cause la marge appliquée, égale à 10 % des capitaux investis dans la production, mais a contesté, au titre de l'année 1997, la réfaction ainsi opérée ;

Considérant, d'une part, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ne justifie pas le redressement contesté par référence aux prix pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement ; que les circonstances que le coût moyen pondéré des usines du groupe, qui s'élève à 1 030 F la tonne et donc est inférieur au benchmark retenu, s'élèverait à 1 097 F en excluant les usines représentant les valeurs extrêmes et que la marge retenue soit négative ne sont pas de nature à établir l'existence d'un écart injustifié entre la valeur vénale du bien faisant l'objet de la transaction et le prix convenu ; qu'ainsi le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, dont l'argumentation se limite par ailleurs à des considérations théoriques, n'établit pas que les pertes supportées par Astra Calvé constitueraient un avantage emportant présomption de transfert de bénéfices ;

Considérant, d'autre part, que le ministre soutient également que l'existence d'une marge négative est constitutive d'un acte anormal de gestion ; que, toutefois, il ne se prévaut pas de références au prix du marché des biens délivrés ; que la requérante justifie la marge négative ainsi réalisée par la comparaison, mentionnée ci-dessus, des coûts de production et par la couverture d'une partie de ses coûts fixes que ces transactions permettaient à la société Astra Calvé dans l'attente d'une meilleure efficience de l'usine d'Asnières, laquelle était en situation de sous-production ; que, dans ces circonstances, le ministre n'établit pas que les pertes en cause résulteraient d'une gestion commerciale anormale ; que, dès lors, la substitution de base légale demandée sur le fondement de l'article 39-1 du code général des impôts ne peut être accueillie ;

En ce qui concerne le prix d'achat de la SA Astra Calvé à la société hollandaise, filiale du groupe Unilever, Loders Croklaan :

Considérant que l'administration a remis en cause le prix facturé par la société Loders Croklaan à la SA Astra Calvé pour l'achat d'une matière première élaborée, la stéarine d'huile de palme ; que, pour justifier du bien-fondé du redressement, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui ne se prévaut pas de comparaisons avec les prix pratiqués pour des produits comparables par des entreprises similaires exploitées normalement, fait valoir que le prix retenu en l'espèce par la société a été déterminé par application d'un taux de retour sur capitaux investi de 13,5 % alors que la méthode définie par le groupe en la matière prévoit un taux unique de 10 % ; que cette seule constatation, alors d'ailleurs que la société fait valoir que ce taux de 10 % ne concerne que les produits finis et non les produits semi-finis, que la société Lockers Croklaan n'est pas un simple sous-traitant mais est propriétaire du savoir-faire, et qu'elle réserve l'exclusivité des produits en cause aux sociétés du groupe Unilever, ne suffit pas à démontrer l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du produit cédé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge des impositions en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros réclamée par la SAS Unilever France holdings au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Unilever France holdings une somme de 3 000 euros au titre de l'article L .761-1 du code de justice administrative.

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N° 10VE02491


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02491
Date de la décision : 05/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : EYMRI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-12-05;10ve02491 ?
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