La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2011 | FRANCE | N°09VE02132

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 14 novembre 2011, 09VE02132


Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société MEDOTELS EURL, venant aux droits de la société SERIENCE SAS, ayant son siège social à Devecey (25870), par Mes Espasa-Mattei et Boutemy, avocats ; la société MEDOTELS EURL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603406 du 28 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard auxquels elle

a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 ;

2°) de pronon...

Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société MEDOTELS EURL, venant aux droits de la société SERIENCE SAS, ayant son siège social à Devecey (25870), par Mes Espasa-Mattei et Boutemy, avocats ; la société MEDOTELS EURL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603406 du 28 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des intérêts de retard auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1997 et 1998 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, à concurrence de 130 442 euros au titre de l'exercice clos en 1997 et de 123 226 euros au titre de l'exercice clos en 1998 ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire les redressements litigieux en base à concurrence de 145 355,87 euros au titre de l'exercice clos en 1997 et de 151 429,28 euros au titre de l'exercice clos en 1998 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en renversant la charge de la preuve, laquelle incombait à l'administration ; que la société requérante a incontestablement bénéficié des services de l'équipe développement de la société Accor ; que celle-ci lui a communiqué plusieurs guides relatifs à la bonne gestion des hôtels et lui a dispensé des conseils en stratégie ; que des responsables de la société Accor l'ont assistée en matière de gestion financière et administrative, de ressources humaines, de fiscalité et de communication ; que cette appréciation avait d'ailleurs été partagée par l'interlocuteur départemental et la commission départementale des impôts ; que, par ailleurs, la baisse de loyer consentie à la société Lyon Bir-Hakeim ne constitue pas un acte anormal de gestion, cette réduction s'inscrivant dans le cadre d'un aide normale à une filiale en difficulté ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :

- le rapport de M. Demouveaux, président assesseur,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouffil pour la société MEDOTELS EURL ;

Sur les charges déductibles :

Considérant qu'en application d'une convention passée le 17 février 1998, la société MEDOTELS EURL a bénéficié de la part de la société Accor de prestations d'assistance administrative, financière et commerciale, rémunérées forfaitairement à hauteur de 1 % de son chiffre d'affaires ; qu'elle lui a versé en vertu de cette convention les sommes de 421 756 euros en 1997 et 121 445 euros en 1998 ; que l'administration fiscale a estimé que les prestations de services ainsi rémunérées n'étaient justifiées ni dans leur réalité ni dans leur montant et qu'ainsi, en versant les sommes en question, la société MEDOTELS EURL s'était livrée à un acte anormal de gestion ; qu'elle les a, en conséquence, réintégrées dans les résultats de la société, respectivement pour les exercices clos en 1997 et 1998 ;

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant, en premier lieu, que, pour justifier du montant et de la correction de l'inscription en comptabilité de la redevance de 1 % de son chiffre d'affaires hors taxe versée à la société Accor en rémunération des prestations que celle-ci lui fournissait, la société MEDOTELS EURL a notamment soutenu que ces prestations consistaient en des missions d'assistance administrative, financière et commerciale ; que celles-ci se seraient concrétisées par la communication de notes et de mémorandums relatifs à des propositions d'investissement et de guides relatifs à la bonne gestion des hôtels ainsi que par la participation à des réunions de travail de cadres de la société Accor et par l'organisation de séances de formation ; que si la société requérante n'a pas versé au dossier les pièces et documents justificatifs établissant le caractère individualisé des différentes prestations dont elle déclare avoir ainsi bénéficié, les dispositions précitées des articles 38 et 39 du code général des impôts ne font pas de ce caractère une des conditions de leur application ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseils de gestion hôtelière dispensés par les services spécialisés du groupe Accor ne pouvaient être, en leur principe, d'aucune utilité à la société requérante et ne répondaient pas à son intérêt alors même qu'ils ont été dispensés dans les mêmes conditions aux autres sociétés de ce groupe ;

Considérant, en second lieu, que la société MEDOTELS EURL fait valoir en appel, sans être contredite, qu'elle a retiré lors des exercices litigieux d'autres avantages de son appartenance au groupe Accor, tenant notamment à des tarifs préférentiels lors d'achats groupés ou à des conditions plus avantageuses de crédit et que le versement des redevances litigieuses était une condition requise pour continuer à bénéficier de ces avantages ; que le ministre ne fournit aucun élément permettant de regarder les sommes versées à ce titre et comptabilisées dans un compte intitulé redevances d'affiliation Accor comme étant d'un montant excessif au regard de la contrepartie que, en dehors de toute autre prestation, en a retiré la société MEDOTELS EURL ; que, dès lors, ces redevances, qui rémunéraient des avantages réels, doivent être regardées comme faisant partie des frais généraux de la société et comme ouvrant droit à la déductibilité prévue par les dispositions précitées ; que c'est donc à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de la société requérante tendant à la décharge des redressements d'impôts sur les sociétés dont elle a fait l'objet en raison de la réintégration de ces sommes dans ses bénéfices imposables ;

Sur la renonciation à recettes :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que l'abandon ou la minoration de loyers, consentis par un propriétaire au profit d'un locataire, ne relève pas, en général, d'une gestion commerciale normale sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, le contribuable a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une minoration de loyers consentie par un propriétaire à son locataire constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que le contribuable n'est pas en mesure de justifier qu'il a bénéficié en retour de contreparties ;

Considérant que la société MEDOTELS EURL a, le 15 mars 1994, donné à bail à la SNC Lyon Bir-Hakeim, dont elle détient 75 % des parts, un immeuble qu'elle possède à Lyon moyennant un loyer annuel d'un montant de 4 237 500 francs assorti d'une clause de révision de loyer indexée sur l'indice du coût de la construction ; que, par avenant au contrat en date du 27 juillet 1995, la société MEDOTELS EURL a accepté de réduire à 3 000 000 francs le montant de ce loyer à compter du 1er janvier 1995 jusqu'au 15 mars 1997 ; que l'administration fiscale a considéré que cette réduction du loyer réclamé à la SNC Lyon Bir-Hakeim était constitutive d'un acte anormal de gestion ; qu'elle a, en conséquence, réintégré dans les revenus imposables de la société MEDOTELS EURL la différence entre le loyer initial et le loyer qui, à compter du 1er janvier 1995, a été appliqué entre les parties ; que le tribunal administratif a limité cette réintégration à 25 % du montant initialement proposé afin de tenir compte de la participation à concurrence de 75 % de la société MEDOTELS EURL dans le capital de la société Lyon Bir-Hakeim ; qu'à supposer que l'intérêt qu'il y avait pour la société MEDOTELS EURL de consentir à la SNC Lyon Bir-Hakeim un loyer minoré puisse être justifié par son souci de ne pas aggraver les difficultés d'exploitation de sa filiale dont les capitaux propres étaient négatifs et qui était fortement endettée auprès d'elle, la société requérante n'établit pas que ces circonstances étaient de nature à justifier la réduction de loyer qui lui a été consentie ; qu'il résulte notamment de l'instruction que de 1997 à 1998 le résultat d'exploitation de la SNC Lyon Bir-Hakeim a progressé régulièrement, cette société ayant dégagé en 1998 un résultat comptable positif pour un faible endettement bancaire ; que sa situation d'endettement auprès de son actionnaire principal, qui résulte d'un choix de gestion, ne révèle pas à elle seule l'existence de difficultés financières ; que, par suite, l'administration, qui n'avait pas à vérifier si le loyer initial correspondait ou non aux prix du marché, doit être regardée comme apportant la preuve de l'acte anormal de gestion qu'elle invoque ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MEDOTELS EURL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a limité à 75 % la réduction de la base des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 1997 et 1998, à raison des loyers facturés à la SNC Lyon Bir-Hakeim ; qu'en revanche, elle est fondée à demander la réduction de ces mêmes bases d'imposition, à concurrence des sommes de 421 756 euros et de 121 445 euros, correspondant aux redressements dont elle a fait l'objet pour chacun de ces deux exercices à raison des redevances d'affiliation qu'elle a versées à la société Accor ; que le surplus de ses conclusions à fin de décharge doit être rejeté ; qu'il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui succombe principalement en l'espèce, la somme de 3 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés assignées à la société SERIENCE, aux droits de laquelle vient la société MEDOTELS EURL, sont réduites d'une somme de 421 756 euros au titre de l'exercice clos en 1997 et de 121 445 euros au titre de l'exercice clos en 1998.

Article 2 : La société SERIENCE SAS, aux droits et obligations de laquelle vient la société MEDOTELS EURL, est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en droits et intérêts de retard, correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 0603406 du Tribunal administratif de Versailles en date du 28 avril 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera, en l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à la société MEDOTELS EURL.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

''

''

''

''

N° 09VE02132 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02132
Date de la décision : 14/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. HAÏM
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre DEMOUVEAUX
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : ESPASA-MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-14;09ve02132 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award