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05/07/2011 | FRANCE | N°09VE01625

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 juillet 2011, 09VE01625


Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE SNE ET CIE, dont le siège est 1, rue Jean Mermoz, ZAE St Guernault à Evry (91002), par Me Merten-Lentz ; la SOCIETE SNE ET CIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403511 en date du 26 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie du 1er janvier 2001 au 30 juin 2003 pour un montant de 2 230 293 euros

;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) à titre subsidia...

Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SOCIETE SNE ET CIE, dont le siège est 1, rue Jean Mermoz, ZAE St Guernault à Evry (91002), par Me Merten-Lentz ; la SOCIETE SNE ET CIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403511 en date du 26 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie du 1er janvier 2001 au 30 juin 2003 pour un montant de 2 230 293 euros ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) à titre subsidiaire, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur l'interprétation de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne au regard du dispositif mis en place à compter du 1er janvier 2001 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que le tribunal administratif n'a pas tenu compte de la restitution des droits relatifs à la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003, partie de la demande sur laquelle il n'y avait plus lieu de statuer ; en deuxième lieu, que l'affectation de la taxe sur les achats de viande au budget général de l'Etat, opérée par l'article 35 de la loi de finance rectificative pour 2000, n'a pas supprimé le lien contraignant, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, entre le service public de l'équarrissage et la taxe litigieuse ; que cette taxe, dont le fondement légal, les redevables et les modalités de recouvrement sont inchangés, a continué à financer le service public de l'équarrissage et fait donc partie intégrante du régime d'aide à ce service ; qu'elle constitue une aide d'Etat au sens de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne et aurait dû faire l'objet d'une notification à la commission européenne conformément à l'article 88-3 du traité, lequel contraint les Etats membres à notifier les projets tendant tant à instituer des aides qu'à les modifier ; qu'à défaut de notification, cette taxe est illégale ; enfin, qu'en instaurant cette taxe, qui est supportée par des opérateurs qui ne sont en rien responsables de la production des déchets, les autorités françaises ont méconnu le principe pollueur-payeur , lequel constitue à la fois un principe général du droit interne, prévu par l'article L. 110-1 du code de l'environnement et les articles 3 et 4 de la Charte constitutionnelle de l'environnement, et un principe du droit communautaire visé à l'article 174 du traité instituant la communauté européenne ; que, d'ailleurs, la taxe en litige a été remplacée par une taxe conforme à ce principe ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2011 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 18 octobre 2004, l'administration a restitué à la SOCIETE SNE ET CIE les droits de taxe sur les achats de viande auxquels cette société a été assujettie du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003, assortis des intérêts moratoires ; que, dans cette mesure, la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif était devenue sans objet et ne pouvait être rejetée ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions de la demande qui étaient devenues sans objet, d'évoquer ces conclusions et de décider qu'il n'y a lieu d'y statuer ;

Sur l'imposition restant en litige au titre de l'année 2001 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage, peu important à cet égard que la base juridique, les redevables et les modalités de recouvrement de la taxe en litige seraient inchangés depuis le 1er janvier 2001 ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la SOCIETE SNE ET CIE ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en deuxième lieu, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, est inopérant au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre de l'année 2001, le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;

Considérant, enfin, que la taxe en litige ayant été légalement établie, la requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration lui a accordé le dégrèvement de la taxe à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003 ; que les moyens tirés de la violation des principes d'égalité, de non discrimination, de sécurité juridique et de confiance légitime ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SOCIETE SNE ET CIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe restant en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SOCIETE SNE ET CIE et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0403511 en date du 26 février 2009 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la SOCIETE SNE ET CIE tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels cette société a été assujettie du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la SOCIETE SNE ET CIE tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels cette société a été assujettie du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE SNE ET CIE est rejeté.

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N° 09VE01625 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09VE01625
Date de la décision : 05/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Autres taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: M. DHERS
Avocat(s) : MERTEN LENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-07-05;09ve01625 ?
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