La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2011 | FRANCE | N°10VE00176

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 09 juin 2011, 10VE00176


Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE, dont le siège est 4, avenue Clémenceau à Nanterre (92000), par Me Erb ; l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0608743-0608712-0701215 du 17 novembre 2009 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande n° 0608743 tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2006 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré d'utilité publique la résorption de l'habit

at insalubre de la parcelle BR n°3 située aux nos 2,4 et 6 de l'avenue G...

Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE, dont le siège est 4, avenue Clémenceau à Nanterre (92000), par Me Erb ; l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0608743-0608712-0701215 du 17 novembre 2009 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande n° 0608743 tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2006 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré d'utilité publique la résorption de l'habitat insalubre de la parcelle BR n°3 située aux nos 2,4 et 6 de l'avenue Georges Clémenceau à Nanterre ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente, M. Galland n'étant pas préfet ; que le tribunal a renversé la charge de la preuve de l'existence d'une absence ou d'un empêchement des délégataires, la signature de M. Galland n'étant pas précédée d'une telle mention ; que l'arrêté attaqué est la conséquence, voire une mesure d'application, de l'arrêté du 12 octobre 2005 et est illégal par voie d'exception de l'illégalité de ce dernier, lequel n'est pas devenu définitif contrairement à l'énoncé du jugement ; que l'acte attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que la procédure des articles 13 et 14 de la loi du 10 juillet 1970 ne peut concerner que les immeubles à usage d'habitation et non des locaux commerciaux comme en l'espèce ; qu'en outre, le lot n°16 fait partie intégrante de l'exploitation de la pharmacie et ne pouvait être regardé comme un local d'habitation ; que l'acte attaqué est entaché d'un détournement de pouvoir, ayant été pris pour le compte de la commune de Nanterre qui ne cherchait nullement à réaliser des logements sociaux mais une opération immobilière et foncière spéculative confiée à des opérateurs privés et qui a d'ailleurs négligé son obligation de lui réserver une priorité pour une réinstallation sur le site ; qu'il est aussi entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du bilan coût avantages de l'opération et alors que la commune, qui avait acquis plusieurs lots dans cette copropriété, avait laissé la situation se dégrader ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n°70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux ;

Vu le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,

- et les observations de Me Erb pour l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE ;

Considérant que, par un arrêté du 12 octobre 2005, le préfet des Hauts-de-Seine a, en application de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, déclaré insalubres irrémédiablement et frappés d'une interdiction totale d'habiter dans un délai de six mois les immeubles désignés sous les lettres D, E et F , situés dans l'ensemble immobilier sis 2, 4 et 6 avenue Georges Clémenceau, à Nanterre ; que le bâtiment désigné sous la lettre C dans lequel l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE exploite un fonds de commerce de pharmacie n'était pas concerné directement par cet arrêté mais seulement indirectement, dès lors que les murs abritant ce fonds étaient reliés à un logement situé dans ledit immeuble D également donné à bail commercial au gérant de la pharmacie ; que, par un nouvel arrêté du 4 juillet 2006, le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré d'utilité publique la résorption de l'habitat insalubre de la parcelle BR n°3 située aux nos 2,4 et 6 de l'avenue Georges Clémenceau à Nanterre en application des articles 13 et 14 de la loi du 10 juillet 1970 ; qu'outre les bâtiments visés par le précédent arrêté, cet arrêté du 4 juillet 2006 a inclus à titre exceptionnel le bâtiment C , non insalubre, au motif pris de ce que son expropriation était indispensable à la démolition des immeubles insalubres ; que l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE interjette appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 4 juillet 2006 ;

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article 45 du décret susvisé du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : En cas d'absence ou d'empêchement (...) du secrétaire général de la préfecture, le préfet désigne pour assurer la suppléance un autre sous-préfet en fonction dans le département ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 20 mars 2006 portant délégation de signature à M. Chaix : Délégation de signature est donnée à M. Philippe Chaix, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département des Hauts-de-Seine (...) , à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions portant déclaration d'utilité publique ; que selon l'article 2 du même arrêté : En cas d'absence ou d'empêchement simultané de M. Philippe Chaix, secrétaire général de la préfecture, et de Mme Sylvie Houspic, sous-préfète, directrice de cabinet (...) la délégation ainsi consentie est exercée par M. Jean-Marc Galland, sous-préfet, chargé de mission ;

Considérant, d'une part, qu'il ne résulte d'aucun texte, et notamment pas des articles L. 11-5 et R. 11-1-1° du code de l'expropriation, que le préfet ne pouvait pas déléguer, dans les conditions fixées au paragraphe II de l'article 45 du décret susvisé du 29 avril 2004, les pouvoirs qu'il tenait en particulier des articles 13 et 14 de la loi susvisée du 10 juillet 1970 ; que, d'autre part, lorsqu'un fonctionnaire a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés ; qu'il est constant que l'arrêté attaqué a été signé par M. Galland, membre du corps des sous-préfets et sous-préfet en charge des politiques de la Ville, qui a reçu délégation par l'arrêté précité du préfet des Hauts-de-Seine en date du 20 mars 2006 ; que l'absence de mention sur l'arrêté attaqué de l'absence ou de l'empêchement du préfet, du secrétaire général de la préfecture et de la directrice de cabinet était sans incidence sur sa régularité ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers n'auraient pas été absents ou empêchés ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence doit donc être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux : Peut être poursuivie au profit de l'Etat, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public y ayant vocation ou (...) dans les conditions prévues aux articles 14 à 19 : l'expropriation : / des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique ; / à titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont eux mêmes ni insalubres ni impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre, alors même qu'y seraient implantés des bâtiments non insalubres ; qu'aux termes de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2005 : Si le conseil départemental d'hygiène ou, éventuellement, le Haut Conseil de la santé publique conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le préfet prononce, dans le délai d'un mois, l'interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les lieux, en précisant, sur l'avis du conseil départemental d'hygiène ou, éventuellement, du Haut Conseil de la santé publique, si cette interdiction est d'effet immédiat ou applicable au plus tard à l'expiration d'un délai qu'il fixe et qui ne doit pas être supérieur à six mois. / Il prescrit toutes mesures appropriées pour mettre les locaux situés dans l'immeuble hors d'état d'être utilisables au fur et à mesure de leur évacuation et du relogement ou de l'hébergement des occupants dans les conditions fixées aux articles L. 521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. / Il peut en outre faire procéder d'office aux mesures nécessaires pour empêcher toute utilisation des locaux. / Il peut, le cas échéant, ordonner la démolition de l'immeuble. / Dans le cas où il est conclu à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le préfet prescrit, dans le délai d'un mois, les mesures appropriées et leur délai d'exécution indiqués par l'avis du conseil départemental d'hygiène ou, éventuellement, du Haut Conseil de la santé publique. Il peut prononcer l'interdiction temporaire d'habiter et d'utiliser les lieux. Cette interdiction prend fin à la date de l'affichage de l'arrêté pris en application de l'article L. 1331-28-3. / La personne tenue d'exécuter les mesures visées à l'alinéa précédent peut se libérer de son obligation par la conclusion d'un bail à réhabilitation. Elle peut également conclure sur le bien concerné un bail emphytéotique ou un contrat de vente moyennant paiement d'une rente viagère, à charge pour les preneur ou débirentier d'exécuter les travaux prescrits. Les parties peuvent convenir que l'occupant restera dans les lieux lorsqu'il les occupait à la date de l'arrêté d'insalubrité. / L'arrêté du préfet comporte le texte reproduit des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de la construction et de l'habitation. ;

S'agissant des moyens afférents à l'ensemble des bâtiments compris dans le champ de l'arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de son moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 octobre 2005 précité du préfet des Hauts-de-Seine, l'EURL requérante se borne à faire valoir que cet arrêté n'était pas devenu définitif à la date à laquelle le tribunal administratif a statué et qu'il convient de surseoir à statuer jusqu'à ce que la cour administrative d'appel saisie se soit prononcée sur la demande d'annulation dudit arrêté ; qu'il est constant toutefois que l'arrêt rejetant cette demande est intervenu en cours d'instance et qu'il est devenu définitif ; que le moyen susrappelé doit, dans ces conditions, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, à l'exception du bâtiment C , l'ensemble des immeubles était insalubre ; qu'il n'est pas établi que la commune, propriétaire de lots dans cette copropriété placée sous administration judiciaire, aurait laissé la situation se dégrader ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le bilan coût avantages de l'opération ferait apparaître une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que si la commune de Nanterre a annoncé que l'espace libéré par la destruction de l'habitat insalubre et des immeubles indispensables à cette destruction permettrait la construction de logements sociaux et en accession à la propriété, l'arrêté attaqué, bien que rappelant cette intention de la commune, a été pris en vue de résorber l'habitat insalubre qui existait effectivement à l'endroit visé et qui constitue un objectif d'utilité publique ; que, par suite, la circonstance que l'opération finalement menée devrait être regardée comme purement spéculative et que l'objectif de construction de logements sociaux n'aurait pas été rempli, à la supposer établie, ainsi que le fait que la commune n'aurait pas satisfait à son obligation de proposer à la requérante des locaux de même nature, ne sauraient caractériser le détournement de pouvoir allégué ;

S'agissant des moyens afférents au seul bâtiment C :

Considérant que, pour déclarer d'utilité publique, autoriser le maire de Nanterre à l'acquérir par voie d'expropriation et déclarer cessible le bâtiment C , dont il est constant qu'il n'était pas insalubre, le préfet, faisant application du troisième alinéa de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 susprappelé, a considéré par l'arrêté attaqué qu'il était indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ; que, toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère indispensable de cette expropriation et à justifier le recours à une procédure qui n'est prévue qu'à titre exceptionnel ; qu'en revanche, le gérant de la pharmacie produit en appel un rapport d'architecte DPLG du 5 mai 2010 appuyé d'un devis d'entreprise de démolition faisant notamment état de ce que le bâtiment C peut être épargné par une démolition qui ne concernerait que les bâtiments jugés insalubres, dont le bâtiment D ; que sa démolition n'est donc pas nécessaire ; que, dans ces circonstances et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE est fondée à soutenir que c'est à tort que le préfet a inclus le bâtiment C dans le champ de l'arrêté attaqué du 4 juillet 2006 et à demander l'annulation partielle dudit arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2006 du préfet des Hauts-de-Seine en tant qu'il inclut le bâtiment C abritant son fonds de commerce ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Nanterre demande à ce titre ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la requérante d'une somme de 2 000 euros sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du 4 juillet 2006 du préfet des Hauts-de-Seine est annulé en tant qu'il inclut le bâtiment C abritant le fonds de commerce de l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 17 novembre 2009 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL PHARMACIE DE LA BOULE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Nanterre tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

N° 10VE00176 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE00176
Date de la décision : 09/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Compétence - Délégations - suppléance - intérim - Délégation de signature.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Régimes spéciaux - Autres régimes spéciaux.

Police administrative - Police générale - Salubrité publique.

Santé publique - Protection générale de la santé publique - Police et réglementation sanitaire - Salubrité des agglomérations - Îlots insalubres.


Composition du Tribunal
Président : Mme de BOISDEFFRE
Rapporteur ?: M. Julien LE GARS
Rapporteur public ?: Mme KERMORGANT
Avocat(s) : DAUCHY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-06-09;10ve00176 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award