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07/06/2011 | FRANCE | N°09VE02367

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 juin 2011, 09VE02367


Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Fawzi A, demeurant ..., par Me Boyer, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0705872 en date du 26 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 50 000 euros sous déduction de la provision perçue de 10 000 euros qu'il estime insuffisante en réparation du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à raison de

transfusions répétées de produits sanguins au centre de la Croix roug...

Vu la requête, enregistrée le 17 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Fawzi A, demeurant ..., par Me Boyer, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0705872 en date du 26 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 50 000 euros sous déduction de la provision perçue de 10 000 euros qu'il estime insuffisante en réparation du préjudice subi du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C à raison de transfusions répétées de produits sanguins au centre de la Croix rouge Air et soleil de La-Queue-lez-Yvelines ;

2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme 201 000 euros augmentée des intérêts de droit et des intérêts composés à compter de sa demande préalable formée le 16 avril 2007 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les premiers juges ont insuffisamment évalué les préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que le tribunal a à tort procédé à une indemnisation globale alors qu'il aurait dû statuer poste par poste ; qu'il estime le préjudice lié à son déficit fonctionnel temporaire total à 1 973 euros, le préjudice lié à son déficit fonctionnel temporaire partiel à 11 880 euros, son préjudice d'agrément et d'atteinte à sa qualité de vie à 150 000 euros, le pretium doloris à 50 000 euros et le préjudice esthétique à 1 000 euros ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2011 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- les observations de Me Delhaye, substituant Me Boyer, pour M. A,

- les observations de Me Maréchal, substituant Me Saumon, pour l'Oniam,

- et les observations de Me Bernardi, substituant Me Hascoët, pour la compagnie Axa France Iard ;

Considérant que M. A a demandé réparation, devant les premiers juges, des préjudices que lui a causé sa contamination, découverte en 1994, par le virus de l'hépatite C, imputée aux transfusions de produits sanguins qui lui ont été administrées entre 1981 et 1985 à l'occasion de sa prise en charge pour son hémophilie au centre de la Croix rouge Air et soleil de La-Queue-lez-Yvelines ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a reconnu la responsabilité de l'Etablissement français du sang et a évalué le préjudice subi par M. A à 50 000 euros ; que M. A fait valoir en appel que le tribunal s'est livré à une appréciation insuffisante des conséquences dommageables résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, dont l'imputabilité aux transfusions susmentionnées n'est pas contestée en appel ;

Sur les interventions de la société Covea Risks et de la compagnie AXA France IARD :

Considérant que la décision à intervenir n'est pas susceptible de préjudicier aux droits des intervenants ; que dès lors les interventions susmentionnées ne sont pas recevables ;

Sur la personne publique responsable :

Considérant que le paragraphe I de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale a introduit, dans le code de la santé publique, l'article L. 1221-14 qui confie à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), en lieu et place de l'Etablissement français du sang (EFS), l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ; que l'article L. 1221-14 institue également, au profit de ces victimes, une procédure de règlement amiable devant l'Oniam ; que, compte tenu de la nécessité de mettre en place de manière simultanée, conformément à l'intention du législateur, tant la procédure d'indemnisation amiable qu'il a instituée pour les victimes d'une contamination par le virus de l'hépatite C que le conseil d'orientation commun aux trois procédures de règlement amiable dont l'Oniam a désormais la charge, la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique et du paragraphe IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 est intervenue à la date d'entrée en vigueur des décrets en Conseil d'Etat d'application des articles L. 1221-14 et L. 3122-1 du code de la santé publique et du décret prévu à l'article L. 1142-23 du même code ; que les décrets susvisés n° 2010-251 et 2010-252 du 11 mars 2010 ont été publiés au Journal officiel le 12 mars 2010 ; qu'aux termes de l'article 8 du premier de ces deux décrets : les dispositions du présent décret entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de l'arrêté de nomination des membres du conseil d'orientation et au plus tard avant le 1er juillet 2010 que les membres du conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ont été nommés par arrêté de la ministre de la santé et des sports du 15 mars 2010, publié au Journal officiel le 18 mars 2010 ; qu'en vertu de ces diverses dispositions, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se trouve substitué à l'Etablissement français du sang à compter du 1er juin 2010 ; que l'Etablissement français du sang doit donc être mis hors de cause dans la présente instance ;

Sur les droits à réparation de M. A :

Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort du rapport d'expertise que M. A souffre d'une hépatite C chronique dont l'activité virale persiste malgré deux traitements subis d'octobre 2002 à octobre 2003 et d'octobre 2004 à mai 2005 ; que si les deux premiers traitements ont permis une évolution de la fibrose hépatique ayant atteint le stade de cirrhose non compliquée et asymptomatique constatée en 2002, et perdurant certainement depuis 1997, vers un stade pré-cirrhogène, l'expert souligne, d'une part, que ces traitements ont été très mal supportés par le patient et ont dû être interrompus en raison de leurs effets secondaires, qui provoquaient une importante asthénie, des myalgies, des troubles de la mémoire, une tendance dépressive, la majoration de la lipodystrophie apparue au niveau du visage du fait du traitement contre le virus de l'immunodéficience humaine, d'autre part, que, compte tenu de la résistance du virus de l'hépatite C aux traitements, la fibrose ne peut que s'accentuer pour atteindre de nouveau le stade de la cirrhose, qui peut se compliquer d'un hépatocarcinome et que M. A doit en conséquence se soumettre à une surveillance médicale soigneuse, impliquant la réalisation d'échographies abdominales et de dosages alpha foeto tous les six mois et la réalisation d'un fibroscan couplé avec un fibrotest tous les ans ou tous les dix-huit mois ; que l'expert indique qu'il n'y a pas eu d'arrêt de travail et qu'il n'y a pas lieu de retenir une incapacité temporaire totale ; qu'il retient une incapacité temporaire partielle qu'il évalue à 12 % pendant les périodes des traitements subis d'octobre 2002 à octobre 2003 et d'octobre 2004 à mai 2005 et à 10 % en dehors de ces périodes ; qu'il évalue les souffrances physiques et morales endurées par M. A, ainsi que le préjudice esthétique résultant de la majoration de sa lipodystrophie à respectivement 3 et 1 sur une échelle allant de 1 à 7 ; qu'eu égard à ces éléments, il y a lieu de porter la somme allouée par les premiers juges pour indemniser les troubles de toute nature subis par le requérant incluant le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique, les souffrances morales et physiques endurées par le requérant et les troubles de toutes natures dans ses conditions d'existence à 65 000 euros sous déduction de la provision de 10 000 euros accordée par l'ordonnance du 26 mars 2007 du juge des référés du Tribunal administratif de Versailles ;

Sur les intérêts demandés par M. A et leur capitalisation :

Considérant que M. A a droit au versement des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'il en résulte que les demandes de capitalisation présentées avant l'expiration du délai d'un an évoqué ci-dessus sont valables mais ne prennent effet qu'au terme dudit délai ; qu'ainsi la capitalisation des intérêts dus sur l'indemnité allouée à M. A prendra effet à la date de réception de sa demande préalable ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur l'indemnité forfaitaire due à la caisse de sécurité sociale :

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qu'elle demande pour un montant de 980 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Oniam à verser la somme de 1 500 euros à M. A et la somme de 1 000 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la compagnie Axa France Iard ;

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de la société Covéa Risks et de la compagnie Axa France Iard ne sont pas admises.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est substitué à l'Etablissement français du sang dans la présente instance.

Article 3 : La somme de 50 000 euros que l'Etablissement français du sang a été condamné à verser à M. A par le jugement n° 0805872 du 26 mai 2009 du Tribunal administratif de Versailles est portée à 65 000 euros sous déduction de la provision de 10 000 euros accordée par l'ordonnance du 26 mars 2007 du juge des référés du Tribunal administratif de Versailles. Cette somme portera intérêts à compter de la date de réception par l'Etablissement français du sang de la demande préalable d'indemnisation de M. A. Les intérêts échus à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement en date du 26 mai 2009 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Oniam versera la somme de 1 500 euros à M. A et la somme de 1 000 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : L'Oniam versera la somme de 980 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 8 : Les conclusions de la compagnie Axa France Iard fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 09VE02367 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02367
Date de la décision : 07/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : HASCOET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-06-07;09ve02367 ?
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