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17/05/2011 | FRANCE | N°10VE02592

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 17 mai 2011, 10VE02592


Vu, enregistré le 2 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800906 en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Crédit Industriel et Commercial (CIC) la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles cette société a été assujettie au titre

de l'exercice clos en 2003 ;

2°) de remettre à la charge de la société CI...

Vu, enregistré le 2 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800906 en date du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Crédit Industriel et Commercial (CIC) la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ;

2°) de remettre à la charge de la société CIC les droits dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Montreuil au titre de la période susvisée ;

Le ministre soutient que la cession par la société Lyonnaise de Banque à la société Bonnasse Lyonnaise de Banque de sept agences bancaires à leur valeur nette comptable constitue un acte anormal de gestion ; qu'après correction, admise par la contribuable, il en est résulté une différence de valorisation de 2 404 498 euros, dont l'administration a tiré les conséquences fiscales au niveau du résultat d'ensemble du groupe CIC, seules en litige ; que le raisonnement suivi par le tribunal administratif est erroné dès lors qu'il implique que les conséquences d'un acte anormal de gestion sont fiscalement déductibles ; que, toutefois, le mécanisme de neutralisation des subventions indirectes propre au régime de l'intégration fiscale prévue aux articles 223 B du code général des impôts et 46 quater 0-ZG de l'annexe III audit code ne doit pas être confondu avec l'acte anormal de gestion lui-même ; que, dès lors que le tribunal relevait que la société cédante était sans intérêt à vendre à la société cessionnaire à un prix minoré les agences bancaires en cause, il devait exclure cet avantage du droit à déduction et prescrire le calcul du résultat imposable de la société cédante dans des conditions de droit commun ; que la circonstance que les subventions indirectes ne soient pas prises en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe en application des dispositions du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts ne s'oppose pas à ce que la subvention née d'un acte anormal de gestion soit réintégrée dans les résultats individuels des sociétés ayant soit octroyé, soit reçu cet avantage anormal ; que les corrections qui affectent le résultat d'ensemble du groupe sont en effet sans conséquence sur la détermination du résultat des filiales du groupe ; qu'il suit de là que la subvention résultant de l'insuffisance du prix de cession des agences bancaires doit, en l'absence de contrepartie, être réintégrée dans les résultats individuels de la société cédante sur le fondement de l'article 38-1 du code général des impôts et être imposée en tant que libéralité constitutive d'un revenu distribué entre les mains de la société cessionnaire ; que cette subvention indirecte doit, ensuite seulement, être neutralisée pour la détermination du résultat d'ensemble conformément aux dispositions de l'article 223 B du code général des impôts ; que le retraitement au niveau du groupe consiste à minorer, à concurrence du montant de la subvention, le résultat individuel de la société cessionnaire (bénéficiaire) pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble ; qu'en revanche, aucune réintégration n'est à opérer quant au résultat individuel de la société cédante pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe dans la mesure où la subvention a déjà été rapportée au résultat individuel de celle-ci en application des règles de droit commun ; que, par suite, en jugeant que les dispositions relatives au régime de l'intégration fiscale s'opposent au rehaussement pratiqué par l'administration alors que la subvention indirecte octroyée par la société cédante constituait un acte anormal de gestion et que la neutralisation du résultat d'ensemble avait déjà été pratiquée au niveau du résultat individuel de celle-ci, le tribunal administratif s'est livré à une lecture erronée des dispositions de l'article 223 B du code général des impôts et a, par suite, commis une erreur de droit ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2011 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;

Considérant que la société Crédit Industriel et Commercial est mère d'un groupe fiscal au sens des articles 223 A et suivants du code général des impôts, dont sont membres les sociétés Lyonnaise de Banque et Bonnasse Lyonnaise de Banque ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de cette dernière portant notamment sur l'exercice clos en 2003, l'administration fiscale, ayant constaté que la première avait cédé à la seconde sept agences bancaires à un prix inférieur à leur valeur réelle, a, d'une part, réintégré dans les résultats de la société cédante, la différence entre la valeur vénale réelle et le prix de cession desdites agences et, d'autre part, notifié à due concurrence à la société cessionnaire des revenus distribués ; que, par un jugement du 15 avril 2010, le Tribunal administratif de Montreuil, faisant droit à la demande de la société Crédit Industriel et Commercial, a décidé la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt résultant de ce redressement qui lui ont été assignés en sa qualité de société mère du groupe fiscal intégré au titre de l'exercice clos en 2003 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT interjette régulièrement appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 p. 100 au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. Dans ce cas, elle est également redevable du précompte et de l'imposition forfaitaire annuelle dus par les sociétés du groupe. (...) / Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 223 B du même code : Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis. ; que le sixième alinéa de ce même article prévoit, dans sa rédaction applicable à l'année 2003 : L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. La société mère est tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de créances ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992. Un décret fixe le contenu de ces obligations déclaratives (...) ; qu'aux termes de la première phrase du premier alinéa de l'article 223 F du même code : La fraction de la plus-value ou de la moins-value afférente à la cession entre sociétés du groupe d'un élément d'actif immobilisé, acquise depuis sa date d'inscription au bilan de la société du groupe qui a effectué la première cession, n'est pas retenue pour le calcul du résultat ou de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble au titre de l'exercice de cette cession. ;

Considérant que l'option pour le régime dit de l'intégration fiscale ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscal intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts précité, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception ; qu'aucune de ces dispositions n'autorise une société membre du groupe à déclarer, selon des règles différentes des règles de droit commun, un abandon de créance ou une subvention qu'elle a consenti ou dont elle a bénéficié ; que la neutralisation d'un tel abandon de créance ou d'une subvention consenti entre sociétés du même groupe est effectuée, conformément aux dispositions du sixième alinéa de ce même article 223 B, pour la détermination du résultat d'ensemble, après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe ;

Considérant, d'une part, que la cession d'éléments d'actifs entre sociétés membres d'un groupe fiscal intégré à un prix minoré, sans que la société cédante n'invoque aucune contrepartie, ni aucun intérêt pour justifier cette opération, constitue, à hauteur de l'écart entre la valeur vénale réelle des titres cédés et leur prix de cession, un avantage consenti par la société cédante à la société cessionnaire ; que l'administration fiscale est, par suite, fondée à rapporter le montant de cet avantage dans les résultats individuels de la société cédante en raison de cet acte de gestion anormale ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au code général des impôts : La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa de l'article 223 R du code général des impôts s'entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur au taux du marché. Elle s'entend également de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s'agissant de biens composant l'actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. ;

Considérant que la société Crédit Industriel et Commercial a admis que la société Lyonnaise de Banque était sans intérêt à céder à la société Bonnasse Lyonnaise de Banque sept agences bancaires au prix convenu entre elles ; qu'elle a également reconnu qu'en acceptant de céder à cette dernière les agences concernées à ce prix, la société Lyonnaise de Banque a consenti un avantage anormal du fait d'une insuffisance de prix, admis, pour un montant de 2 404 498 euros ;

Considérant qu'en comptabilisant, par suite, une plus-value inférieure à ce qu'elle aurait dû être du fait de la cession des agences bancaires à un prix inférieur à leur valeur vénale, la société Lyonnaise de Banque doit être regardée comme ayant déduit de son résultat une subvention qui n'était pas déductible ; qu'il convenait donc de réintégrer, dans son résultat, en application des règles de droit commun, le montant de la subvention ainsi consentie à la société Bonnasse Lyonnaise de Banque ; que, s'il y a lieu, pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe intégré, d'exclure d'une part, en application des dispositions précitées du sixième alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, le montant de l'avantage dont la société Bonnasse Lyonnaise de Banque a bénéficié, qui constituait pour elle un revenu distribué, et d'autre part, en application des dispositions précitées de l'article 223 F du même code, le montant de la plus-value réalisée par la société Lyonnaise de Banque, il n'y a pas lieu, en revanche, d'effectuer d'autres retraitements du résultat de cette dernière société ; qu'en particulier, il n'y a pas lieu d'exclure le montant de la subvention qu'elle a accordée à la société Bonnasse Lyonnaise de Banque, déjà neutralisé par la réintégration dans ses comptes mentionnée ci-dessus ; qu'il suit de là que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir qu'en jugeant que l'administration n'était pas en droit de réintégrer cette dernière subvention dans les bases imposables de la société Crédit Industriel et Commercial, le Tribunal administratif de Montreuil a commis une erreur de droit ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le Tribunal administratif de Montreuil par la société Crédit Industriel et Commercial ;

Considérant, en premier lieu, que, pour rehausser les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société Crédit Industriel et Commercial, l'administration n'a pas remis en cause les actes de cession relatifs aux sept agences bancaires établis entre la société Lyonnaise de Banque et la société Bonnasse Lyonnaise de Banque, mais s'est bornée à constater que cette dernière avait bénéficié d'une libéralité consentie par la première au terme d'une gestion anormale ; que, dans ces conditions, le moyen présenté par la société Crédit Industriel et Commercial et tiré de ce que l'administration aurait mis en oeuvre la procédure de l'abus de droit, sans que la contribuable bénéficie des garanties y afférentes manque en fait et ne peut, par suite, qu'être rejeté ;

Considérant, en second lieu, que le rehaussement des résultats d'une société imposée au taux normal de l'impôt sur les sociétés ne saurait, en tout état de cause, constituer une sanction fiscale que le juge de l'impôt a la faculté de moduler en fonction de la gravité de la faute commise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cotisation supplémentaire en litige aurait eu la nature d'une sanction fiscale doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Crédit Industriel et Commercial des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme réclamée par la société Crédit Industriel et Commercial sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 15 avril 2010 est annulé.

Article 2 : Les droits à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelle et sociale assises sur cet impôt au titre de l'année 2003 sont remis intégralement à la charge de la société Crédit Industriel et Commercial.

Article 3 : Les conclusions de la société Crédit Industriel et Commercial tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 10VE02592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02592
Date de la décision : 17/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : Mme COËNT-BOCHARD
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : DUCHENE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-05-17;10ve02592 ?
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