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26/04/2011 | FRANCE | N°09VE02585

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 26 avril 2011, 09VE02585


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CLEAR CHANNEL FRANCE, dont le siège social est 4 place des Ailes à Boulogne-Billancourt (92100), par Me de Monaghan, avocat ; la société CLEAR CHANNEL FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708640 en date du 20 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 29 mai 2007 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité autorisant le licenciement de M. Philippe A ;
>2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant le tribunal administrat...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société CLEAR CHANNEL FRANCE, dont le siège social est 4 place des Ailes à Boulogne-Billancourt (92100), par Me de Monaghan, avocat ; la société CLEAR CHANNEL FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708640 en date du 20 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 29 mai 2007 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité autorisant le licenciement de M. Philippe A ;

2°) de rejeter la demande de M. A présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de M. A en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir répondu au moyen tiré de ce que les sociétés du groupe Clear channel en France exerçaient dans un secteur d'activité autonome ;

- le tribunal a méconnu le principe de l'autonomie de la personnalité morale en prenant en compte l'activité de d'autres sociétés étrangères du groupe dans l'appréciation de ses difficultés économiques ;

- il s'est immiscé dans sa gestion sociale, et s'est prononcé sur la pertinence de ses décisions en la matière ; il a sanctionné la société mère non soumise à la loi française et lui a imposé de secourir la société requérante ;

- les premiers juges ont fait une application erronée et partielle des conditions d'appréciation des difficultés économiques dans un groupe de sociétés, qui sont limitées au seul secteur d'activité autonome du groupe auquel appartient la société en difficulté ; le tribunal administratif ne pouvait pas prendre en compte les résultats du groupe Clear channel communications tout en admettant que l'examen des difficultés économiques devait être limité au seul secteur d'activité du groupe auquel appartient la société CLEAR CHANNEL FRANCE ; la prise en compte des activités des sociétés étrangères qui appartiennent au groupe, ne saurait valoir principe impératif et absolu ; l'appréciation des difficultés au niveau du groupe doit être restrictive ;

- la société CLEAR CHANNEL FRANCE connaît des sérieuses difficultés économiques en France ; ces dernières devaient à tout le moins être appréciées au niveau du groupe Clear channel en France dont l'activité a régressé de 2001 à 2005, le chiffre d'affaires de l'affichage grand format baissant de 14 % ; ce constat est confirmé par l'expert comptable du comité d'entreprise ; la diversification de l'offre d'affichage publicitaire extérieur sur d'autres supports n'a pas enrayé la dégradation des résultats ; les pertes se sont élevées à 4,7 millions d'euros en 2005 et devraient être de 8,6 millions d'euros en 2007 ;

- elle accumule les pertes depuis 2003 ; le montant des capitaux propres ne suffit plus à compenser le montant de l'endettement externe depuis 2004 ; le résultat d'exploitation en 2005 est négatif, à 13,8 millions d'euros ; la capacité d'autofinancement, qui a baissé de 77 %, ne permet pas de rembourser les emprunts et de financer les investissements ; le fonds de roulement est négatif ;

- le secteur d'activité dans lequel opère la société requérante ne se confond pas avec la branche Communication du groupe mais avec la branche affichage publicitaire extérieur ;

- son secteur d'activité est autonome, strictement cantonné à la France, en raison d'un environnement juridique, économique et technique propre à la France ; elle commercialise des espaces publicitaires spécifiques, qui représentent 51 % de son chiffre d'affaires en 2005 ; l'activité est très réglementée en France ; l'activité majoritaire dite bailleurs privés porte sur l'implantation de panneaux publicitaires sur des terrains privés et fait l'objet de contrats spécifiques ; la commercialisation auprès des collectivités locales passe par l'attribution de marchés publics ; la commercialisation sur le territoire français d'espaces publicitaires extérieurs est la seule activité des sociétés composant le groupe CLEAR CHANNEL FRANCE ;

- les bénéfices dégagés de la branche communication de la société Clear channel aux Etats-Unis, principal opérateur de radios et de chaines de télévision, n'ont pas à être ici retenus pour apprécier ses difficultés économiques qui relèvent d'un autre secteur d'activité ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que les premiers juges, en relevant la nécessité d'examiner la situation de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité de la société en cause pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement, ont nécessairement et implicitement rejeté le moyen soulevé par le répondeur tiré de ce que les sociétés du groupe Clear channel en France exerçaient dans un secteur d'activité autonome ; que par suite le moyen tiré de l'omission à statuer manque en fait ;

Sur la légalité de la décision du 29 mai 2007 du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité autorisant le licenciement de M. Philippe A :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 412-8 du code du travail alors applicable, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

Considérant que, pour demander l'annulation du jugement en date du 20 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé la décision en date du 29 mai 2007 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité l'a autorisée à licencier pour motif économique M. A, délégué syndical, la société CLEAR CHANNEL FRANCE soutient que les premiers juges auraient dû apprécier la réalité du motif économique évoqué au niveau du secteur d'activité autonome constitué par les seules activités des sociétés du groupe français qui, au demeurant, connaissait une situation économique difficile à la date de la décision attaquée ;

Considérant toutefois, en premier lieu, que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation des sociétés du groupe mais elle est tenue de faire porter son examen sur la situation économique des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité ; qu'il ressort de la motivation de la décision en litige aux termes de laquelle la société CLEAR CHANNEL FRANCE et les autres sociétés du groupe Clear channel implantées en France, qui évoluent dans la publicité extérieure par voie d'affichage connaissent des difficultés économique que, pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués par la société CLEAR CHANNEL FRANCE, le ministre s'est fondé uniquement sur la situation des sociétés appartenant au groupe français sans rechercher si la situation des sociétés du groupe mondial Clear channel oeuvrant dans le même secteur d'activité, notamment la branche outdoor spécialisée dans l'affichage extérieur, justifiait ledit licenciement ; qu'au demeurant, si la société requérante soutient que l'activité conduite par les sociétés rattachées au groupe français spécifique était constitutive d'un secteur d'activité totalement autonome, les éléments avancés, tirés du cadre exclusivement national des activités, des spécificités juridiques tirés de la réglementation française en matière de protection de l'environnement, des règles de passation des marchés publics et de la fiscalité, enfin d'une certaine taille des panneaux publicitaires ne permettent pas de l'établir ; que par suite, la décision du ministre est entachée d'une erreur de droit ;

Considérant en deuxième lieu qu'une telle appréciation de la réalité des difficultés économiques alléguées dans le cadre du secteur d'activité d'un groupe de sociétés ne porte pas atteinte au principe d'autonomie de la personnalité morale de la société qui a sollicité l'autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé, ni conduit le juge à contrôler l'opportunité des décisions prises par l'employeur dans la gestion du personnel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CLEAR CHANNEL FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé l'annulation de la décision en date du 29 mai 2007 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a autorisé le licenciement de M. A ;

Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la société CLEAR CHANNEL FRANCE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société CLEAR CHANNEL FRANCE la somme de 2 000 euros que demande M. A sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CLEAR CHANNEL FRANCE est rejetée.

Article 2 : La société CLEAR CHANNEL FRANCE versera 2 000 euros à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 09VE02585 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09VE02585
Date de la décision : 26/04/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : ACHILLI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-04-26;09ve02585 ?
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