Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société BERIM, dont le siège est 149, avenue Jean Lolive à Pantin Cedex (93695), par Me Rostain ; la société BERIM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0403828 du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à la compagnie Axa France Iard la somme de 436 741,02 assortie des intérêts ;
2°) de rejeter la demande formée par la compagnie Axa France Iard ;
3°) de mettre à la charge de la compagnie Axa France Iard la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société BERIM soutient que la demande formée à son encontre par la compagnie Axa France Iard est prescrite tant au regard des dispositions de l'article 2270-1 du code civil que de celles de l'article L. 110-4 du code de commerce ; que les travaux litigieux ont été exécutés plus de dix ans avant la saisine du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; que la compagnie Axa France Iard, en sa qualité de subrogée de la société Wannitube, a eu connaissance des dommages dès leur apparition et au plus tard le 18 avril 1994, date à laquelle une expertise a été diligentée par le Tribunal administratif de Paris ; que la demande n'est pas fondée car il ressort du rapport d'expertise que les désordres ont été occasionnés par une rupture de collage de joints entre les tubes Epoxy ; que l'expert n'a pas retenu de défaut de conception de l'ouvrage mais une incompatibilité de la structure des tubes et de leur assemblage avec le fluide véhiculé ;
.............................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :
- le rapport de Mme Courault, premier conseiller,
- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,
- et les observations de Me Frostin, substituant Me Karila, pour la compagnie Axa France Iard ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée le 18 février 2011 pour la compagnie Axa France Iard ;
Considérant que le Syndicat d'équipement et d'aménagement des pays de France et de l'Aulnoye (SEAPFA) a fait procéder, en 1983-1984, à l'installation d'un réseau de géothermie dans la commune de Tremblay-Lès-Gonesse ; que les travaux, dont la maîtrise d'oeuvre était assurée par la société BERIM, ont été confiés à un groupement d'entreprises qui a sous-traité à la société Wanner Isofi, devenue société Wannitube, la fourniture et de la pose des canalisations en résine époxydique ; qu'à la suite de fuites apparues à partir de 1988 dans les canalisations, le maître d'ouvrage a saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris le 28 février 1994, en vue d'ordonner un constat, puis, le 18 avril 1994, en vue d'ordonner une expertise ; que, le 20 mai 1994, les sociétés du groupement d'entreprises chargées de l'exécution des travaux, la société Elyo, venant aux droits de la société Ines, venant elle-même aux droits des sociétés CGCD et Sacur, la société Dalkia, venant aux droits de la société SAC et de la compagnie générale de chauffe entreprise, et la société Spie Trindel, venant aux droits de la société Laurent Bouillet Entreprise, ont demandé au Tribunal de commerce de Nanterre de condamner la société Wanner Isofi à leur payer, à titre provisionnel, la somme de 500 000 F, en soutenant que la responsabilité de cette société était engagée dans la survenance des désordres ; que, le 26 juillet 1995, un protocole d'accord a été signé par le groupement des exploitants pour la géothermie de Tremblay-en-France, concessionnaire de l'exploitation du réseau et agissant en qualité de subrogé dans les droits du SEAPFA, d'une part, et la société Wanner Isofi et la compagnie UAP agissant en qualité d'assureur de cette société, d'autre part, en application duquel la compagnie UAP a préfinancé les travaux de réfection du réseau basse température réseaux A et B , pour un montant de 8 594 500 F HT soit 1 310 223,10 euros ; que l'expert, dans son rapport déposé le 16 janvier 1998, a estimé que les désordres litigieux étaient imputables à une inadéquation du matériau utilisé pour les canalisations et que les responsabilités dans la survenance des désordres pouvaient être imputées tant au sous-traitant, la société Wanner Isofi, qu'au groupement d'entreprises en charge du marché de travaux et au maître d'oeuvre ; que, par un arrêt du 11 décembre 2003, la Cour d'appel de Versailles, statuant sur une demande reconventionnelle présentée par la société Axa France Iard venant aux droits de la compagnie UAP, dans le cadre de l'instance introduite le 20 mai 1994 à l'encontre de la société Wanner Isofi, a condamné les sociétés Elyo, Dalkia, et Spie Trindel à rembourser à la compagnie Axa France Iard, prise en qualité d'assureur du sous-traitant, la somme de 436 741,02 euros, représentant le tiers des sommes que l'assureur avait été amené à débourser en exécution du protocole d'accord du 26 juillet 1995; que la société BERIM fait appel du jugement du 20 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à rembourser à la compagnie Axa France Iard, prise en qualité de subrogée dans les droits de la société Wanner Isofi, la somme de 436 741,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2004 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 5 février 2008, puis à chaque échéance annuelle ;
Sur les exceptions de prescription décennale :
Considérant, en premier lieu, que l'action indemnitaire engagée par la compagnie Axa France Iard à l'encontre de la société BERIM ne se fonde pas sur les obligations nées d'un contrat qui aurait lié son assurée la société Wanner Isofi à la société BERIM ; que, par suite, cette dernière ne saurait utilement se prévaloir de la prescription instituée par les dispositions de l'article L. 110-4 du code du commerce, dans sa rédaction en vigueur avant la loi du 17 juin 2008 susvisée, aux termes duquel les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction en vigueur avant la loi du 17 juin 2008 susvisée : Les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ;
Considérant que le délai de prescription résultant, pour la société Wanner Isofi, de l'application de ces dispositions ne pouvait courir avant que la responsabilité de cette société ait été recherchée pour obtenir réparation des désordres en cause ;
Considérant, d'une part, que, si la société BERIM fait valoir qu'un premier protocole a été signé le 12 août 1991, il résulte de l'instruction, et notamment de la chronologie établie par l'expert, que les désordres affectant le réseau ont connu une forte aggravation à partir de 1993 et principalement lors de l'année 1994 ; que, par ailleurs, les actions en référé introduites en 1994 par le maître de l'ouvrage, qui se bornaient à solliciter des mesures d'instruction, ne peuvent être qualifiées d'action en responsabilité exercées à l'encontre de la société Wanner Isofi et, par suite, n'ont pas fait courir le délai de prescription opposable à cette société ;
Considérant, d'autre part, que, par le protocole d'accord signé le 26 juillet 1995, le concessionnaire de l'exploitation du réseau, le sous-traitant chargé de la fourniture et de la pose des canalisations défectueuses et l'assureur de ce dernier, ont entendu mettre fin à des désordres dont l'expert avait souligné le caractère structurel afin d'éviter des perturbations d'exploitation considérables , prévisibles dès la prochaine saison de chauffe et la multiplication de fuites qui aurait eu pour résultat de renchérir les conséquences du sinistre; qu'ainsi, le préfinancement par la compagnie UAP des travaux de réparation, en exécution du protocole d'accord, a eu pour effet d'éviter l'introduction, par le maître d'ouvrage, d'une action contentieuse tendant à rechercher la responsabilité des constructeurs à raison des désordres en cause ;
Considérant qu'il suit de là que le point de départ du délai de prescription, fixé par les dispositions précitées de l'article 2270-1 du code civil, est la date du 26 juillet 1995 à laquelle le concessionnaire du réseau, agissant en qualité de subrogé dans les droits du maître d'ouvrage, a conclu avec la société Wanner Isofi le protocole par lequel cette dernière s'est engagée, avec son assureur, à préfinancer les travaux de réparation du réfection du réseau basse température réseaux A et B ; que, par suite, la demande présentée par la compagnie Axa France Iard, qui tend au remboursement partiel des sommes versées en exécution de ce protocole, n'était pas prescrite le 7 mai 2004, date d'enregistrement de sa demande au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Sur la responsabilité de la société BERIM :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions susévoquées du rapport d'expertise, que les fuites affectant le réseau basse température ont eu pour origine une dégradation de la résine époxydique au contact du fluide géothermique, notamment au niveau des assemblages des canalisations ; que le choix de ce matériau, dont l'emploi était prévu à l'article 3.4.1.1 du cahier des clauses techniques particulières du marché conclu entre le SEAPFA et le groupement d'entreprise, est imputable à la société BERIM à qui incombait, en sa qualité de maître d'oeuvre, la définition des matériaux ; que, par suite, la société BERIM a commis une faute dans la conception du réseau de géothermie de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de la compagnie Axa France Iard, subrogée dans les droits de son assurée, la société Wanner Isofi, sans que la société BERIM puisse utilement se prévaloir des stipulations de l'article 2.2.2.3 dudit cahier, lesquelles constituent les clauses d'un marché auquel elle n'était pas partie ; que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait une juste appréciation de la responsabilité encourue par la société BERIM en la condamnant à garantir la compagnie Axa France Iard à hauteur du tiers de la somme de 1 310 223,10 euros exposée par celle-ci aux termes du protocole conclu le 26 juillet 1995, dont la société requérante ne conteste ni le principe, ni le contenu, soit la somme de 436 741,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2004 et de la capitalisation des intérêts ;
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la compagnie Axa France Iard, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société BERIM au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de la société BERIM une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par la compagnie Axa France Iard et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société BERIM est rejetée.
Article 2 : La société BERIM versera une somme de 2 500 euros à la compagnie Axa France Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
N° 08VE01687 2